Yves Namur a signé de nombreuses anthologies de qualité, seul ou en tandem avec la regrettée Liliane Wouters. Son catalogue du Taillis Pré atteste de ses goûts et de son jugement d’éditeur. Tout choix étant un parti-pris, il est inévitable que le travail d’éditeur ou d’anthologiste soit sujet à controverse : il en assume parfaitement le risque depuis le début des années 1980. Et il rend ici justice à un poète auquel les landerneaux littéraires successifs ont prêté, comme à beaucoup de femmes dans l’histoire des Lettres, une attention trop souvent superficielle. Béatrice Libert n’est pourtant pas une inconnue : pédagogue, animatrice d’ateliers d’écriture et de collections littéraires, dont l’une dédiée à la jeunesse, elle est sensible aux arts plastiques.…
Sur les soixante poèmes qui composent le nouveau recueil de Béatrice Libert, trente-six commencent par – ou contiennent – une citation d’Yves Namur, hormis trois emprunts à Fernando Pessoa, à Louis Aragon et… à l’auteure soi-même. « Citation », à vrai dire, n’est pas le mot qui convient : il ne s’agit pas de hors-textes mais plutôt d’amorces, dont le caractère exogène passerait d’ailleurs inaperçu s’il n’y avait les italiques. Ainsi ces textes à deux voix ont-ils l’apparence de pures monodies, et leur origine intertextuelle se résout-elle en une osmose parfaite. Si le procédé laisse deviner une forme d’allégeance ou de soumission, celle-ci apparait consentie, ou plutôt librement décidée. « Je relis tes poèmes », les miens sont « sans…
Vêtu d’un pyjama bariolé offert par sa marraine, le nez dans un livre dont l’a doté son parrain, Noël s’assoupit et dégringole dans un étrange rêve, blanc comme neige. Blanc comme à la montagne. Contrairement au Paradis Blanc à l’abri de la violence cher à Michel Berger, le Pays Blanc où atterrit notre héros est un endroit à l’aura plutôt lugubre où non seulement on regarde l’altérité – ici toute trace de couleur – avec méfiance et hostilité, et où chaque tentative de penser autrement est cadenassée par l’adage « Tout est blanc, tout est pur, c’est la loi ». Pire encore, on punit ceux qui oseraient hausser le ton. Mais Noël est pugnace, et malgré ceux qui cherchent à le décourager d’explorer plus avant cet endroit pour retrouver le…
On ne demande pas au saladier
De raconter des salades
Ni à l’armoire à épices
De passer muscade
Encore moins au sel de casser
Du sucre sur le dos du cabillaud
« Créadivaguer », tel est le mouvement qui semble avoir présidé à l’écriture de La sourde oreille et autres menus trésors de Béatrice Libert, publié aux Éditions Henry. La poétesse, qui n’en est pas à son premier ouvrage de poésie ni à sa première collaboration avec un artiste, s’associe ici avec l’artiste Pierre Laroche pour livrer ce petit bijou de poésie pour la jeunesse.
Poèmes et collages tissent entre eux une relation de douceur et de légèreté. Les tons des poèmes sont variés, explorent divers affects, empruntent tantôt à la musicalité d’une…
Le dernier livre de Béatrice Libert, Arbracadabrants publié aux éditions Le Taillis Pré, s’enracine dans une démarche précise, celle d’un exercice de style dont Éric Brogniet révèle la genèse dans son avant-dire éclairant. À partir d’un mot, « larmier », entendu lors d’un atelier d’écriture qu’elle animait, l’auteure, séduite par sa sonorité, imagine une définition poétique et en fait un arbre à larmes. Irrigués par la sève de ce « larmier », les autres textes, suivant le jeu de l’exercice stylistique, découlent presque naturellement pour donner aux boutures imaginées par Béatrice Libert leurs lettres de noblesse.Ainsi, nous découvrons dans cet herbier personnel, le « limonadier », le « pilulier » ou encore le « romancier », cet arbre…
Quand le poète évoque la nature, cela donne souvent lieu à des images, des saisies de mouvements, des récits, des visions. Mais quand il l’invoque, le poète en appelle alors à une mémoire plus ancienne qui tente de renouer avec cet état dont l’homme est aussi fait, une magie qui, au cours de l’histoire de la poésie, se nourrit d’une archaïque fusion jusqu’à la religiosité nouvelle des naturalistes survivalistes.
C’est peu dire que l’arbre a été mille fois convoqué dans l’histoire de la poésie et Béatrice Libert, dans son dernier livre en date, Un arbre nous habite, ajoute bellement sa pierre à l’édifice de la célébration.
L’œuvre de Béatrice Libert se pose régulièrement dans des recueils incisifs, lapidaires, essentiels.
La…
Dans Voyages à perdre haleine, Béatrice Libert emmène en voyage le vivant soit-il un humain, un animal, un insecte volant ou rampant, un fruit et aussi, avec brio, ceux qu’a priori, le voyage ne concerne pas : le chêne, le réverbère, la fenêtre…Les mots jouent, virevoltent et s’enchaînent dans ce recueil abouti et efficace, teinté d’absurde et d’humour. La poésie s’y conjugue sans peine, et “Sans perdre la boussole” :Je carrosseTu brouettesIl roulotteNous vélocipédonsVous tégévezElles caravellent”Avec ses allures de livre d’artiste (soulignons la qualité des Éditions Motus), ce court opus poétique est constellé des créations de Kotimi qui décline avec une naïveté savoureuse, en couleurs et techniques aux traits simples et efficaces (dont l’illustratrice…
Parmi les complexes structures de la langue, il existe de petits ensembles clos de mots appelés « microlexiques ». Béatrice Libert en a sélectionné cinq des plus courants, pour servir de tremplins à des poèmes entièrement originaux : les lettres de l’alphabet, les chiffres du système décimal, les notes de la gamme, les jours de la semaine, les quatre saisons. Chaque titre contient la locution « en quête de », visant des cibles telles que « auteurs », « somme » arithmétique, « musiciens », « vacances », etc. On s’étonne quasi de ne pas trouver dans cette kyrielle les cinq doigts de la main ou les douze mois de l’année… D’autre part, la quintuple série est encadrée par deux listes moins…
Tandis que l’on redécouvre, à la faveur de deux expositions, la puissance de l’œuvre plastique de Cécile Miguel (1921-2001), l’actualité éditoriale remet elle aussi cette artiste discrète au centre de l’actualité. L’anthologie Où jamais personne n’arrive, façonnée par Yves Namur, dévoile la quintessence du travail littéraire de Cécile Miguel. Avec Cécile Miguel et L’âge d’or, là je dors, c’est à la peintre que Béatrice Libert rend hommage.
Dans ce bref ouvrage, d’ailleurs sous-titré Regard sur un tableau, la poétesse s’intéresse plus particulièrement à un panneau de Cécile Miguel, « devant lequel [elle] passe plusieurs fois par jour », le quatorzième de la série L’âge d’or, là je dors. Pour la facilité des lecteurs,…