Autrice de Fables pour notre temps
Clair comme de l’eau de roches, salé comme l’air des brumes, un poème se lève avec toisur la ligne de l’horizon. L’entrée de Carl Norac dans sa nouvelle fonction de poète national a eu lieu en ce début d’année. Si cette mission le ramène à notre plat pays, il faut cependant rappeler qu’avant d’être notre ambassadeur poétique, Carl Norac est avant tout un grand voyageur. Des quatre coins du monde, il a toujours ramené des carnets pleins de mots, à destination de tous, enfants comme adultes. Son ouvrage Poèmes de roches et de brumes ne se réfère pas à un lieu précis mais invite ses lecteurs à voyager entre ciel et mer, à survoler les cailloux, à se mettre à leur place. Ce court livre illustré prend place dans la collection « Poèmes » des éditions Le port a jauni, une maison marseillaise qui destine ses ouvrages aux enfants et adultes, et qui présente la particularité de publier des livres en deux langues : le français et l’arabe. Ce petit ouvrage broché, au format semblable à celui d’un cahier d’écolier, offre une double entrée, jouant avec les sens de lecture français et arabe. Ainsi, la quatrième de couverture se mue en première de couverture de la version en langue arabe. C’est Nada Issa qui s’est chargée de traduire le texte poétique de Carl Norac.S’agit-il d’un seul ou de plusieurs poèmes ? L’ouvrage offre le choix : le lire d’une traite ou piocher des mots çà et là. Dans ce très beau texte, il est questions de paysages qui parlent, du temps qui s’égrène ou se fige, de la tendresse des brumes, de roches qui causent et rient, d’un horizon devenu page, d’un ciel comme un œil qui se ferme. Quand le temps devient paysage, je jette les minutes devant moicomme des grains d’herbeou des grains de sable.Le chemin alors vient à moi, il y a des siècles dans ma poche, une lune ou deux, des brumes et des roches, quelques mots amoureux. Il n’est guère évident d’illustrer un texte non narratif. Comment mettre la poésie en image ? Arno Célérier semble avoir trouvé la solution. Ses planches en collage représentent des paysages imaginaires, faits de roches et de brumes, comme des dentelles ajourées. Ce spécialiste des papiers découpés (il réalise notamment des pop-ups) crée ici tout un univers dont les couleurs changeantes évoquent différents ciels, différentes heures.Poèmes et illustrations se mêlent et se complètent à merveille dans ce petit ouvrage très réussi, que l’on conseillera à tous. Fanny Deschamps ♦ Pour (re)découvrir Carl Norac et son œuvre, lisez son portrait publié dans le n° 205 du Carnet et les Instants En oiseau curieux ou garçon trop grand, je suis entré dans ces paysages secrets aux couleurs voyageuses, en pensant que les roches et les brumes nous parlent et qu’il faut seulement savoir les écouter.” Ainsi commencent les Poèmes de roches et de brumes où matières brutes et volutes se frottent, se frôlent et se mêlent dans les poèmes de Carl Norac et les illustrations d’Arno Célérier, entre masses de papiers découpés…
Il était une fois la Bryone, une plante toxique et magique aussi appelée navet du diable. Est-ce celle-ci qui donne son nom à cette jeune princesse et à la légende qui lui est attachée ? Une légende que revisite pour nous Ludovic Flamant sous la forme sombre du conte. Et comme dans tous les contes, il y a la princesse, le roi autoritaire et surtout la forêt obscure et tentatrice. Il y a aussi l’ombre de la folie qui plane sur les protagonistes. Une démence, une obsession attisées par le secret sylvestre que Bryone cherche à percer. C’est que Bryone se sent à l’étroit dans ce château, dans ce village où les cloches de l’église, lancinantes, résonnent en elle comme un chœur : Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Nous tournons avec avidité les quelques pages du volume, lecteurs impatients de savoir ce que les yeux de Bryone ont vu. On le sait, la forêt est le lieu fantastique et terrifiant où l’inanimé prend vie, où les perceptions se troublent pour faire surgir les dimensions cachées du féerique. Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Oui, Bryone, dis-nous ce que masquent les fourrés au fond du jardin. La lisière est proche. Allez vas-y ! Brave les interdits ! Défie les codes ! Nous serons à l’écoute, attendrons les dévoilements de ton inconscient révélé au contact de la nature mystérieuse. Bryone, as-tu, comme Blanche-Neige, souffert les arêtes tranchantes des arbres griffus ? Ou bien n’est-ce qu’une hallucination ? Allez, dis-nous ! Ô qu’as-tu vu Bryone ? Nous voulons voir aussi… Vous voulez savoir ? Une seule chose à faire, emprunter le même chemin que la princesse, la suivre à la trace, s’aider des images-collages de Sara Gréselle pour la pister et dévorer ces lignes …comme un ogre ! Rony Demaeseneer La Princesse Bryone est une enfant comblée : choyée et protégée, ses moindres désirs sont exaucés. Il n'empêche qu'elle est enfermée entre les hauts murs du château de son père, alors qu'à l'horizon la forêt se dresse, tentaculaire. L'histoire finira mal. Il nous est confié que ce « Cahier » a été réalisé d'après une légende transmise par l'artiste Goldrajch. On connaît Stephan Goldrajch pour ses performances textiles. Ses masques sont exposés dans le monde entier. La légende de la Princesse Bryone lui aurait été racontée dans un bus à Jérusalem. Elle serait originaire d'Europe de l'Est. Goldrajch s'en est emparé, exprimant l'espoir que « chaque année un nouvel artiste se l'appropriera et évoquera le monde extraordinaire disparu, dont la légende de Bryone transmet le souvenir ». Pour 2019 en tous cas, ce souhait se trouve brillamment rencontré! Même grâce dans les mots et dans les dessins, Princesse Bryone est une pépite que l'on devine portée avec la même ferveur par l'auteur, l'illustratrice et l'éditrice.…