« Assister à mes progressions de genre en genre telles que les a posées le père de L’Éthique ne préoccupe que peu son thalamus : ce qu’elle veut, c’est me voir traverser les cerceaux nietzschéens qui mènent du chameau au lion et du lion à l’enfant, ce qu’elle veut, c’est que mes devenirs animaux-bambins électrisent sa bible SM et que, de l’enfant, je passe à la chienne. »
J’ai découvert Véronique Bergen, comme ça ! C’est dire si d’emblée s’est offert le moyeu où s’emboîte l’essieu central de son travail. À savoir : La constitution dynamique d’un sujet par superposition de devenirs en perpétuel mouvement et la mise en flux d’un langage qui incarne, comme un corps textuel, ce palimpseste…
Véronique Bergen aime les intenses.On le sait.De livre en livre, elle nous a déjà tiré le portrait d’une belle brochette d’individus non seulement vivant à cent à l’heure mais dont la présence, l’intensité de leur présence, l’incandescence de leurs œuvres, n’arrêtent pas de nous attirer façon trou noir. Après Edie Sedgwick, Marilyn Monroe, Unica Zürn et Janis Joplin, voilà que Véronique Bergen s’attèle maintenant, dans un superbe essai, au cinéma de Luchino Visconti.Mais oui !Visconti, cet aristo – ce traître, diront certains – passant allègrement, au fil des ans, des années 50 au début des années 70, de films néoréalistes, fortement ancrés dans les misères sociales d’après-guerre, à un esthétisme décadentiste,…
Extrêmement active, Véronique Bergen vient de publier en quelques semaines quatre livres : un recueil de poèmes illustré, Tomber vers le haut ; deux essais, l’un sur les Roms, l’autre philosophique, Fétichismes. Outre une postface pour Espace nord et plusieurs articles en ligne. Aujourd’hui, parlons de son portrait visionnaire de l’icône de la génération hippie, Janis Joplin, dernier livre qu’elle sous-titre avec à-propos Voix noire sur fond blanc.On hésite à employer le terme de « biofiction » pour qualifier ce texte car il s’agit d’une entreprise différente. S’il y a bien un tracé biographique de la chanteuse, née à Port Arthur (Texas), le 19 janvier 1943 et morte à Los Angeles, le 4 octobre 1970, faisant ainsi partie du club des artistes contemporains…
Le monde de Véronique Bergen, le monde qu’elle façonne de livres en livres, entre essais, romans, poésie et même livres pour la jeunesse, ne se laisse pas circonscrire sans sursauts : d’une part, parce que son style ne néglige ni les concepts les plus aiguisés, ni les images les plus éruptives ; d’autre part, parce que les thèmes abordés passent des Roms à Deleuze, de Janis Joplin à Kaspar Hauser, au corps de la top modèle, à l’alphabet sidéral, aux palimpsestes, griffures, aquarelles et autres résistances philosophiques…… Ou encore aux Fétichismes, titre d’un essai qui illustre plus que jamais sa démarche décalée, autant dire libre. Si le fétichisme est un mot qui s’applique indistinctement « au registre religieux, à l’échange des marchandises,…
Bon. Disons ceci : Jamais nous donne à lire une écriture « de milieu ». Pas une écriture « dramatique », donc. Pas attendre, dès lors, de Jamais qu’il nous livre une « belle histoire », savamment construite pour nous emmener, nous, lecteurs, jusqu’à la dernière scène, l’ultime sursaut intense que nous dévorerons avant de clore le livre.Jamais, c’est plutôt une plongée dans un milieu aqueux ou dans une forêt vierge. Une plongée dans un bain linguistique où tout pourrait virer chaos, sembler chaos, tant le récit de Véronique Bergen, sa façon de « réciter », n’a que faire d’une fiction « clé sur porte » avec un beau début, un beau corps et une belle fin.Bien sûr, Véronique Bergen n’est pas sotte. Nous donne des…
Les règles du jeu dans ce labyrinthe : il n’y aurait que sept premières fois et une seule seconde fois entrevue.L’éblouissement de la première fois, Proust l’a évoqué, notamment lors de l’épisode de la madeleine. Qu’on se souvienne, le bouleversement total ressenti à la première gorgée de thé ne sera pas répété si le narrateur renouvelle l’expérience. Ce n’est qu’après un long travail d’introspection que la sensation involontaire sera identifiée et « l’édifice immense » du souvenir dévoilé. À son tour, Véronique Bergen va se pencher sur ce mystère, définir son émoi et en analyser les causes. D’emblée, au seuil de son livre Premières fois, elle en signale la puissance :« Expérience inconnue d’une intensité que les deuxième, troisième,…
Un disque culte, ce premier album de Patti Smith, Horses, enregistré en 1975 à New York. Un brasier de poésie rock qui mérite la lecture rapprochée et raffinée qu’en fait Véronique Bergen dans son dernier opus. Elle montre comment Smith est la pionnière d’un nouveau visage du rock au féminin après Janis Joplin dont elle a précédemment évoqué le destin (Janis Joplin. Voix noire sur fond blanc, Al Dante 2016).Hantée par une série de voyants dont Rimbaud, Genet, Cendrars et par le souvenir de stars mortes comme Jimi Hendrix, Jim Morrison, Brian Jones, elle redéfinit le rock en annulant la frontière entre la parole et le son. Ses textes viennent de la poésie et la musique les vivifie. À la complexité textuelle correspond la simplicité musicale. Plusieurs de ses chansons…
Ce livre est un plaisir. Une ode. Un chant d’amour pour une époque. Pour une boutique. Pour une femme engagée et généreuse. Anik De Prins. Amie des plus grands métalleux que ce monde a porté jusqu’ici. Un long péan pour un état d’esprit. Une façon d’être. De vivre généreusement, intensément ses rêves. C’est qu’Anik De Prins est une sacrée bonne femme. Au cœur grand comme ça. Ouvrant en 1975, rue des Éperonniers, en plein cœur historique et touristique de Bruxelles, la Boutique Anik, un magasin hippie, légendaire, où l’on trouvait des fringues, des objets singuliers, ramenés d’Amérique, des pays latinos, par Anik, la prêtresse des lieux. Ouvrant ensuite, en 1991, rue des Éperonniers encore, un peu plus loin, le Hard Rock Market, un lieu culte, un lieu…
Véronique Bergen sort, avec la jeune photographe Sadie von Paris, chez Al Dante, Gang Blues Ecchymoses, sous-titré rites & passages vers la vie, un recueil de textes poétiques et de photographies sur lequel on se couche comme on s’aimante, un livre-totem à poser entre les deux yeux telle une balle en plein front.
Réveiller le monde une balle d’amour perdue dans la jungle de la défonce l’alphabet des flingues ricoche sur les déjà-morts
Si nos gorges sont trop petites pour nos cris enterrons ballet des pelles les djinns de l’esclavage les technognomes des lobotomies érotiques
Sadie von Paris s’autoportraite façon destroy et met en scène ses complices tatoués devant un appareil calibré urgence. La parole bergenienne s’allume climax poésie…
Quel langage trouver pour dire ce qui tue? Quels mots poser sur le massacre ? Comment, déjà, parvenir à l’appréhender, la destruction du monde, dans toutes ses dimensions ? C’est-à-dire, peut-être, dans une valeur-monde, du côté de ce qui vit, de ce qui rampe, qui coule, qui bruisse, au fond : en se débarrassant d’une représentation humaine ?La tentative, ici, est celle d’une invention. Véronique Bergen signe dans Alphabets des loups un recueil qui fait parler – non pas « simplement » des loups – mais un devenir-loup, au sens deleuzien, au sens où la rencontre avec l’altérité est la condition du geste d’écriture. Il s’agit de quitter son territoire, d’avancer hors des sentiers battus, et de se reterritorialiser en s’inventant chat, oiseau, loup. On…
Une belle surprise du côté de la collection « La petite bédéthèque des savoirs » (aux éditions Le Lombard) qui comme elle le dit, ne s’interdit rien. L’une « des invitations à aller plus loin » vient cette fois de Véronique Bergen comme scénariste, Winshluss comme dessinateur et d’Annomane pour la vive mise en couleur. L’alliance rock du numéro 29 de la collection, l’Anarchie, théories et pratiques libertaires. Évidemment, lorsque l’on se régale des planches de Winshluss à l’ironie grinçante (dont le style est assez particulier pour être rapidement reconnu) et de la narration agitée de Bergen, on sort de cette lecture décoiffée ! Prête à continuer la destruction des préjugés, car le duo s’attache ici à expliquer l’anarchie. Une vulgarisation…
Cette année-là, le rock and roll venait d’ouvrir ses ailes, certes. Un oiseau qu’on appelait Spoutnik, adieu à Marilyn au cœur d’or, etc. Cette année-là, surtout, « soixante-deeeeux », une femme entrait, souverainement nue, dans un univers qu’on préférait encore qualifier de « petits mickeys » plutôt que de Neuvième Art… Blonde exponentielle, la plastique parfaite, la lèvre purpurine, l’œil aguicheur, Barbarella plante ses pieds dans le sol de planètes lointaines et son regard dans les créatures vouées à rejoindre la pléthorique cohorte de ses amants. Elle s’avance en conquérante, libre, impériale, solitaire, et crève la page de la BD canonique, dont elle bouleverse l’agencement en strips réguliers et fait vibrionner les phylactères.La philosophe,…
Qui ne connaîtrait de Véronique Bergen que ses contributions au Carnet et les Instants (des textes récents sur Isabelle Stengers ou la collapsologie théorisée par Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, notamment) pressentirait déjà le haut intérêt, sinon l’engagement, de l’écrivaine et philosophe pour la cause écologique et la défense d’une planète que l’exploitation humaine menace d’épuisement. De cette implication, elle donne une nouvelle illustration avec, cette fois, un court roman, Guérilla, paru dans l’élégant petit format des éditions ONLiT.
Nouvelle collection de petits formats à parution mensuelle des éditions Lamiroy, « L’article » livre son deuxième volume. Véronique Bergen y esquisse Jacques De Decker, L’immortel de l’Académie royale de Belgique.L’exercice d’admiration est le cœur même de la collection (pour le premier numéro, Gorian Delpâture parlait de Stephen King comme du « plus grand écrivain du monde »). Dans ce genre codifié, Véronique Bergen a choisi d’évoquer celui qui a été le Secrétaire perpétuel de l’Académie pendant dix-sept ans, l’écrivain, le traducteur et intellectuel dont le décès le 12 avril 2020 a plongé le monde littéraire belge dans la sidération. Dans l’hommage de l’académicienne à celui qui l’a accueillie dans la vénérable institution le 17 novembre…
Tandis qu’on y adhère tout de suite il est difficile de qualifier dans sa totalité le remarquable dernier livre paru de Véronique Bergen. Elle l’appelle « récit » : Ulrike Meinhof. Histoire, tabou et révolution. Ce texte multiple est foisonnant. Riche, documenté puisqu’il est historique dans son principe. Suprêmement intéressant, il est aussi poétique, même dans ses moments interpellants, voire tragiques. Toujours l’action est présente, violente parfois, mais elle ne cesse pas de bouleverser.Le sous-titre est programmatique. D’abord l’histoire factuelle d’Ulrike Meinhof : sa naissance, son existence. Elle devient révolutionnaire et meurt en prison, après torture, officiellement suicidée. L’histoire de l’Allemagne spécialement de la RFA est le contexte…
Véronique BERGEN, Marie-Jo Lafontaine. Tout ange est terrible, Lettre volée, 2020, 26 €, ISBN : 978-2-87317-565-8« À l’heure où, saturé d’images aveugles, le monde se vomit sur lui-même », à l’ère des pullulants et pusillanimes discours sur la « mort de l’art », rarement assiste-t-on au déploiement d’une œuvre consistante qui s’écarte de la mode actuelle – mode très reconnaissable en ce qu’elle est notamment constituée de « nano-cyberfictions », souvent accompagnées de paratextes hyperthéoriques qui ne sont que le pendant hirsute des hashtag autosuffisants et creux. À l’instar de l’artiste Marie-Jo Lafontaine, loin des « thèses qui font de l’art une tribune », Véronique Bergen consacre un puissant essai, sagace et passionnant, aux…
Véronique BERGEN, Martha Argerich. L’art des passages, Samsa, 2021, 18 €, ISBN : 978-2-87593-366-9Toute main qui frôle un piano, toute main qui écrit est veinée de bruissements, d’énigmes séculaires, de pulsations de nuit, de créatures insolites, de forêts de sensations. Seules les mains de Véronique Bergen pouvaient écrire un essai aussi merveilleux à propos de la pianiste Martha Argerich. Après la biographie d’Olivier Bellamy, Martha Argerich. L’art des passages est le premier essai consacré à la musicienne. N’étant pourtant pas musicologue, comme l’écrivaine le signale humblement elle-même au début de l’essai, Véronique Bergen approche l’univers de la pianiste d’une manière qui nous fait en douter. À la lecture de cet opus, l’on se risque même…
Véronique BERGEN, Annemarie Schwarzenbach. La vie en mouvement, Double ligne, coll. « Figures de l’itinérance », 2021, 19 €, ISBN : 978-2-9701433-2-1Nulle figure autre que celle d’Annemarie Schwarzenbach ne pouvait inaugurer la prometteuse collection « Figures de l’itinérance » des éditions Double ligne – collection créée par Laurent Pittet, le fondateur de la revue Roaditude.Née en 1908 à Zurich au sein d’une famille très aisée qui avait notamment des affinités avec l’extrême-droite, décédée à l’âge de trente-quatre ans, Annemarie Schwarzenbach était une femme intense, mystérieuse, familière des extrêmes. Féministe (solitaire), antifasciste et antiraciste, au travers de ses textes, photographies et reportages, elle est une figure importante de la…
Véronique BERGEN, Ludisme précédé de Gainsbourg et Bambou, Cormier, 2021, 114 p., 16 €, ISBN : 978-2-87598-027-4« Je déclare que pour qu’un livre soit, il y faut les levants, les nuits, le choc des fers, les plaines et les vents, les siècles – et la mer qui joint et sépare. »Explorant d’autres registres d’écriture que dans ses derniers opus (Ulrike Meinhof, Icône H., Portier de nuit), chantant le tandem Gainsbourg et Bambou et libérant, dans Ludisme, des sensations à partir de contraintes formelles qui paradoxalement désentravent la langue, Véronique Bergen ouvre dans ce recueil le matériau de l’écriture et de la pensée à partir d’autres énergies. Celles-ci sont en premier lieu vibratoires, physiques, situées sur un spectre riche en intensités diverses.Sous-titrée…
Véronique BERGEN, Portier de nuit : Liliana Cavani. Impressions nouvelles, 2021, 224 p., 20 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-87449-899-2Véronique Bergen propose une réflexion éblouissante à partir de la trame thématique d’un film-culte qui fit scandale au moment de sa diffusion (1974) : Portier de nuit de Liliana Cavani, réalisatrice qui, dans la plupart de ses films, s’attache à décrire la complexité des sentiments amoureux, les zones d’ombre de l’être humain, englué dans des situations historiques, politiques ou sociales troublées.Bergen, dont l’œuvre elle-même explore depuis ses débuts des personnalités en rupture et des états limites, traite de manière arborescente de l’histoire du cinéma italien, des parallélismes entre l’art…
Véronique BERGEN, Icône H. Hélène de Troie, ONLiT, 2021, 19 €, ISBN : 978-2-87560-135-3« Moi, Hélène, moi qui ne suis pas moi, je suis gratifiée d’une illumination. Je me tiens dans la lignée des sentinelles de l’infini, des veilleurs du néant. »Portrait d’Hélène version « destroy », Icône H. de Véronique Bergen se présente comme un récit polyphonique qui remonte aux origines du mythe d’Hélène de Troie en le télescopant au 21e siècle. Fille de Zeus et de Léda, Hélène a écopé d’une insoutenable beauté et d’une inconcevable liberté qui lui vaut humiliations, violences, insultes et crachats. Elle y serait pour quelque chose, à la guerre de Troie. Qu’incarne-t-elle, véritablement ? Tour à tour, Hélène elle-même, Léda, Clytemnestre, les…
Il faudrait être inspiré comme elle pour commenter le dernier opus de Véronique Bergen et communiquer la beauté violente d’un texte où elle déploie une énergie féroce et tous ses talents de conteuse, de visionnaire et de poète. Tous doivent être sauvés ou aucun est une fable animale, soit que les animaux méritent une parole, hors allusion biblique, soit parce qu’ils sont souvent les compagnons des hommes, leurs témoins et parfois hélas leurs victimes. Que les humains les élèvent et les sélectionnent aux fins d’expériences dites scientifiques ou les destinent à simuler le défi qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas tenter eux-mêmes, mais dont ils tireront après coup toute le bénéfice, le rapport est toujours inégal. De nombreux animaux de laboratoire sont…
C’est l’été et comme souvent, c’est la zone, quelque part. Saison adéquate – s’il en fallait une – pour s’adonner à un penchant désinhibé pour les peintres et les poètes, doués du talent de trouer le visible de signes, d’y tracer des passages pour qui ne les voit pas. Lecteurs et éditeurs le savent bien : les livres offrent un bel abri aux rencontres picturo-poétiques autant qu’un aller simple pour l’ailleurs. Justement, Pierre-Yves Soucy, directeur des collections de La Lettre volée, vient de rassembler en un recueil, pour la seconde fois, deux espèces de voyantes – Véronique Bergen au clavier, Helena Belzer au pinceau – dans des pages estampillées magie – noire ou blanche: là n’est plus la question. Tomber vers le haut relève des territoires imprimés…
Apprivoiser le réel, le transformer est un exercice singulier qui consiste à s’emparer d’une matière biographique informée et à la travailler ensuite selon ses émotions propres sans toutefois négliger les affects extérieurs venus tempérer voire déranger ces transferts. Telle tentative de reconstituer un parcours, de redonner vie à un artiste ou à un écrivain sur lequel on a réuni toute la documentation possible, peut s’enrichir d’un regard personnel quand on s’est attaché au sujet au point de le suivre dans un nouvel itinéraire. Cette fictionnalisation s’apparente au mentir vrai, tant biographie et autographie s’y répondent et se reflètent réciproquement. Véronique Bergen a établi un modèle étonnant et tout personnel, imprimant sa marque à ce genre littéraire,…
Il faut applaudir au choix de la collection “Espace Nord” de publier le roman de Véronique Bergen, Kaspar Hauser ou la phrase préférée du vent, paru chez Denoël en 2006. Cette collection vouée à l’origine à la réédition et à la diffusion des œuvres patrimoniales des lettres belges de langue française est toute désignée pour faire une large place aux auteurs importants du temps présent et plus précisément pour accueillir une personnalité comme Véronique Bergen. Philosophe, romancière, poète, essayiste, critique littéraire et artistique, elle incarne à elle seule un ensemble, une totalité créatrice qu’a reconnus notamment l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique en l’élisant tout récemment.Ce roman, troisième dans sa production…
Parfois, l’on comprend la nécessité impérieuse qui voudrait que seuls les écrivains soient habilités à parler d’autres écrivains. Le livre de Véronique Bergen sur Hélène Cixous en est une preuve probante. Paru dans une collection académique, cet ouvrage se démarque par sa langue virtuose. Cependant, la force de l’analyse qui y est déployée n’est en rien déforcée par la présence entêtante du style singulier de l’auteur de Kaspar Hauser ou la phrase préférée du vent : au contraire, ce livre éclaire avec finesse une œuvre aussi complexe que souvent jugée peu accessible, alors que les livres de Cixous sont, comme les décrit Bergen, « textes de vent et de soleil turquoise ».C’est au cœur même de ce qui anime l’œuvre de Cixous tout entière – les fictions…
Albums pour la jeunesse, livres d’art ou d’histoire : le catalogue des éditions CFC regorge de volumes somptueux, richement illustrés. Sous sa mise plus modeste, l’élégante sobriété de Marolles. La cour des chats confirme le souci de la maison pour l’objet-livre. De sobriété, il n’est pourtant guère question dans le propos de Véronique Bergen. Les Marolles sont en effet pour elle surtout bigarrure, diversité de population…, bref : « bifurcations » et « fantaisie« . Un tel objet échappe forcément à toute tentative de le circonvenir, et l’essayiste privilégie une approche par éclairages successifs. D’un chapitre à l’autre, elle évoque tour à tour le brusseleer, la zwanze, la toponymie, l’urbanisation, les artistes et habitants notables, l’hospitalité,…
Chaque volume de la collection « Discogonie » des éditions Densité s’attache à un album de musique, envisagé comme « le récit sonore du commencement d’un monde propre au groupe de musiciens qui l’a gravé ». Après Patti Smith. Horses paru en 2018, Véronique Bergen contribue pour la deuxième fois à la série, en creusant le (micro)sillon du Broken English de Marianne Faithfull.Icône du Swinging London, jeune chanteuse folk, interprète du tube As tears go by co-écrit pour elle par Mick Jagger et Keith Richards, passée dans les années 1970 à une musique plus sombre, interprète de plus de vingt albums depuis 1965, autrice et compositrice de plusieurs d’entre eux, actrice pour Jean-Luc Godard (Made in USA), Patrice Chéreau (Intimité), Sofia Coppola (Marie-Antoinette)…
Véronique BERGEN, Écume, ONLiT, 2023, 24,99 €, ISBN : 978-2-87560-159-9Chaque nouvel opus de Véronique Bergen révèle l’immensité d’un monde insoupçonné. Son nouveau roman, Écume, publié aux éditions ONLIT (qui avaient accueilli Tous doivent être sauvés ou aucun en 2018 et Icône H. en 2021), n’y déroge pas. Plongeant dans l’élément aquatique, Écume, au titre aussi tranché qu’évocateur, éclabousse les rivières du conformisme.S’ouvrant sur la formule « Détrompez-vous », le roman affole d’emblée nos boussoles et nos sextants. Il est taillé dans la syntaxe de la mer, épouse les vocables des êtres qui l’habitent. Écume secoue les vagues de l’Histoire, plonge dans les bas-fonds de la mémoire, puise dans la matière noire des « océanicides »…
Véronique BERGEN, Guido Crepax. L’axiome d’Eros, La Lettre volée, 2023, 140 p., 18 €, ISBN : 9782873176167Bien sûr, il y a son Emmanuelle – premier frisson, ces jambes pendantes, devant l’osier d’un fauteuil démentiel où elle trône en reine désabusée – et son Histoire d’O – deuxième frisson, cette silhouette nue et aveugle attirée en laisse par un laquais sordide vers quel vertige ? Deux sommets de ce que l’on hésite à qualifier de « bande dessinée érotique » et qui mérite mieux son appellation de Neuvième art. Mais Guido Crepax (1933-2003), c’est bien plus que Réage ou Arsan couchées, détaillées et encrées en noir et blanc dans des albums qui firent les délices interdites de plusieurs générations d’amateurs du genre, ou captivèrent des…
Véronique BERGEN, Les danses de Roberto Succo, Maelström, coll. « Bookleg », 2023, 3 €, ISBN : 978-2-87505-480-7D’une densité dessillante, l’opus Les danses de Roberto Succo de Véronique Bergen est construit à l’image de la rêverie de sa narratrice. Celle-ci arpente les rues de Bruxelles, de même que nous, lecteurs, arpentons les phrases de Véronique Bergen serties dans l’émail de la langue.D’emblée, le récit emprunte une voix et des ruelles : la voix d’amorce, servie en italiques, annonce une forme de solitude, tandis que les rues amoncellent quantités de pas. Ainsi de tout l’opus, oscillant entre voix intérieure et échos extérieurs, l’un et l’autre s’interpénétrant, se transfigurant mutuellement jusqu’à se confondre et se brouiller…
La civilisation aztèque ne peut retourner à la poussière, se voir plongée dans la nuit. Nous qui avons connu les feux de la gloire, le raffinement des sciences et des arts, tomberions-nous comme des fruits, anéantis par des êtres incultes ? Le roman Moctezuma de Véronique Bergen évoque la fin de l’empire aztèque dans les années 1510-1522 suite à l’appropriation de ses terres et de sa culture par les conquistadores chrétiens espagnols. Ceux-ci, assoiffés de richesse et de sang, pillent et saccagent les formes du vivant qui s’y déploient, violent les lois sacrées mises au diapason des cycles saisonniers et leurs croyances.En décembre 1519 (année chrétienne), Cortés, vassal de Charles Quint, rencontre Moctezuma. S’ensuit un dialogue où la volonté d’anéantir le…
Le nouveau roman de Véronique Bergen paru chez Onlit éditions, Écume, réinterprète l’histoire bien connue de Moby-Dick dans un récit empreint de désillusions modernes face à l’anthropocène.
Quatrième roman chez Onlit de l’autrice, philosophe et essayiste Véronique Bergen, mais dernier d’une très longue liste si l’on observe sa bibliographie entière, Écume est un roman revisitant l’univers de Herman Melville au rythme d’images effrénées des enjeux du XXIe siècle. Le lectorat est bringuebalé au fil des flots, avec des allers-retours, des rencontres, des ruptures et des retrouvailles entre deux personnages, deux symboles. Ismaël, héros melvillien sorti des pages de Moby-Dick pour voguer à bord de La Mirabelle, mènesa propre quête à la recherche de la baleine…