Tomber vers le haut

RÉSUMÉ

Helena Belzer nous donne à voir des paysages mentaux au fil d’une connexion entre le spirituel et le cosmique. Il faut oublier activement les lois du réel, sa mise en perspective afin de laisser être un autre peuplement de l’espace, un nouveau phrasé du monde. Il n’y a pas de recomposition du visible sans sa décomposition préalable.
Solliciter, se mettre à l’écoute de conditions de possibilité du visible inédites, c’est le franger d’absence, de retrait, le laisser ouvert sur l’indéterminé, sur le devenir. ne pas le bâillonner dans le clos, ne pas saturer les phénomènes. Qui garde les formes dans l’ouvert, qui les branche sur les forces ne s’érige pas ipso facto en sentinelle de l’infigurable, d’un invisible, d’un irreprésentable dont l’énigme se doit d’être jalousement gardée. Ce qui se montre s’estompe, se voile, se déporte dans des métamorphoses sans qu’il y ait un point d’imprésentable à sauvegarder. Pas de Saint des Saints, de Graal interdit, pas de théologie picturale négative butant sur un invisible en soi. La peinture ou comment trouver un lieu où habiter.

À PROPOS DE L'AUTRICE
Véronique Bergen

Autrice de Tomber vers le haut

Véronique Bergen (pseudonyme de Vankeerberghen) est née le 3 avril 1962. Elle fréquente, en secondaire, la fameuse école Decroly qui favorise l’expression de la personnalité de chacun et la réalisation des vœux les plus intimes. Elle poursuit ses études à l’Université libre de Bruxelles en philologie romane puis en philosophie. Elle obtiendra le titre de docteur en philosophie. Son mémoire de philologie (défendu à l’ULB), Jean Genet, Entre mythe et réalité, sera publié dans la collection «Littérature» de Pierre Mertens aux éditions De Boeck, un essai qui obtiendra le prix Franz De Wever de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Côté philosophie, sa thèse sur Gilles Deleuze (L’Ontologie de Gilles Deleuze) a été présentée à Paris 8 et paraît chez L’Harmattan en 2001. Sa passion pour la musique la conduit à apprendre le piano à l’âge adulte à l’Académie de Bruxelles et ensuite avec Éliane Reyes. Elle enseigna brièvement la littérature théâtrale au Studio Herman Teirlinck d’Anvers. Elle est élue en 2018 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises au siège de Philippe Jones. Son œuvre couvre tous les domaines : roman, poésie, essais, monographies, et même scénario de bande dessinée… Elle est aussi membre du comité de rédaction de la revue Lignes, membre du comité d’administration des éditions le Cormier, critique pour diverses revues (La Nouvelle Quinzaine littéraire, Marginales, Artpress, Diacritik, Flux News, L’Art même, Le Carnet et les Instants, Lignes, Septentrion, Espace de Libertés…). Parmi les rencontres qui la marqueront sur le plan de la création, de la pensée, citons Pierre Verstraeten, Pierre Mertens, Jacques De Decker, Marcel Moreau et Hélène Cixous. Après la parution de son mémoire sur Jean Genet, son œuvre commence par la poésie en 1994 avec le recueil Brûler le père quand l’enfant dort (La Lettre volée), dont le titre témoigne déjà de son originalité. Il sera suivi d’une quinzaine d’autres recueils poétiques dont L’Obsidienne rêve l’obscur, préfacé par Pierre-Yves Soucy (1998), Habiter l’enfui, préfacé par Claire Lejeune (2003), Plis du verbe (2006), Alphabet sidéral. Dans les pas d’Anselm Kiefer (2008), Gang Blues Ecchymoses avec les photographies de Sadie von Paris (2017), Alphabets des loups (2018). Une autre partie importante de son œuvre poétique est constituée de dialogues avec des artistes, peintres, photographes… On y rencontrera Anselm Kiefer, Gundi Falk, Charlotte Perriand, Pilar Albarracin, Marie-Jo Lafontaine, Sophie Cauvin, Bernard Gilbert, Sophie Podolski et bien d’autres dont Javier Vallhonrat ou Jacqueline Devreux. Ses romans donnent voix aux oubliés, aux êtres fissurés, aux muselés de l’Histoire et aux grands révoltés : Kaspar Hauser dans Kapsar Hauser ou la phrase préférée du vent, Unica Zürn dans Le Cri de la poupée, Janis Joplin dans Janis. Voix noire sur fond blanc, Marilyn dans Marilyn, naissance année zéro, Edie Sedgwick dans Edie. La danse d’Icare, Ulrike Meinhof dans Ulrike Meinhof, Louis II de Bavière dans Requiem pour le roi… Ce qui caractérise Kaspar Hauser ou la phrase préférée du vent (Denoël, 2006, prix Félix Denayer de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, prix triennal de la Ville de Tournai, finaliste du prix Wepler et du prix Rossel, réédité chez Espace Nord en 2019, postface de Charline Lambert), c’est son style, l’inventivité de l’écriture et de la pensée : l’incroyable capacité de Véronique Bergen de pénétrer la sensibilité de n’importe quel personnage, réel ou fictif. Ici, elle fait parler Kaspar Hauser, un enfant qui a été emprisonné toute sa jeunesse, en qui on vit un descendant de la famille royale de Bade tandis que d’autres le diagnostiquèrent autiste et qui fut libéré, jeté dans la société des hommes à l’adolescence. Kaspar Hauser se frotte tout à coup au monde qui le heurte. Le ton s’adapte et change quand il s’agit de la voix de la mère ou de celle de la comtesse H. ou du geôlier ou de l’assassin de Kaspar. Étonnante capacité à se fondre dans tous les registres et qui contraste terriblement avec les livres à une seule voix et un seul ton. Il serait impossible d’établir la liste de tous les écrits de Véronique Bergen depuis son premier recueil poétique de 1994, soit sur près de trente années, tellement ses intérêts sont divers, ses préoccupations nombreuses, ses talents innombrables. Signalons qu’avec Tous doivent être sauvés ou aucun (encore un titre qui laisse pressentir un univers singulier), édité chez Onlit fin 2018, on voit nettement poindre une autre préoccupation de Véronique Bergen : la dénonciation des agissements de l’humain, son agressivité à l’égard de la nature et des espèces animales. Et elle conclut en faisant disparaître l’homme et en donnant tout pouvoir aux animaux et, ici, particulièrement aux chiens auxquels elle donne voix tout au long du roman. «Flamboyante d’énergie, de colère et d’humour, cette fable donne de l’humanité et de l’univers en général une vision d’autant plus convaincante dans sa violence que Véronique Bergen y déploie une énergie féroce et tous ses talents de conteuse, de visionnaire et de poète» analyse Jeannine Paque dans Le Carnet et les Instants. Son œuvre philosophique interroge essentiellement la philosophie contemporaine (Deleuze, Sartre, Badiou), questionne les champs de l’esthétique, de la métaphysique (Résistances philosophiques, Comprendre Sartre, Le Corps glorieux de la top-modèle…). Elle a consacré des essais à Visconti (Visconti. Les Promesses du crépuscule), Hélène Cixous (Hélène Cixous. La Langue plus-que-vive), aux Roms, à Patti Smith, faisant éclater les frontières entre la fiction, la philosophie et la poésie, entre culture savante et culture populaire. Gageons, face à cette écrivain(e) aux mille visages, que le souci écologique n’échappera plus aux livres à venir et que l’animal, quel qu’il soit, excepté l’homme, y aura sa part. Lauréate d’une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Bourse semi-sabbatique 2021
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Le Carnet et les Instants

C’est l’été et comme souvent, c’est la zone, quelque part. Saison adéquate – s’il en fallait une – pour s’adonner à un penchant désinhibé pour les peintres et les poètes, doués du talent de trouer le visible de signes, d’y tracer des passages pour qui ne les voit pas. Lecteurs et éditeurs le savent bien : les livres offrent un bel abri aux rencontres picturo-poétiques autant qu’un aller simple pour l’ailleurs. Justement, Pierre-Yves Soucy, directeur des collections de La Lettre volée, vient de rassembler en un recueil, pour la seconde fois, deux espèces de voyantes – Véronique Bergen au clavier, Helena Belzer au pinceau – dans des pages estampillées magie – noire ou blanche: là n’est plus la question. Tomber vers le haut relève des territoires…


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Le trou de ver

La disposition typographique de la page participe-t-elle à la poésie ? Depuis Apollinaire, la question a trouvé réponse. Le trou de ver , dernier recueil de Patrick Devaux , se décline dans l’alignement vertical de vers courts (un mot, une préposition de deux lettres parfois). Il entraîne la lecture dans une verticalité vertigineuse. On ne peut éviter de s’interroger à nouveau ici, au gré des pages dont plusieurs s’ouvrent sur ce qu’on sait des choses . Les rituels poétiques de Devaux, mêlent le banal d’un voyage en voiture à travers la nuit ( la buée sur les vitres (…) les deux phares de la voiture (…) un rétroviseur) au surgissement de l’étrange ( soudain / une louve / aux yeux jaunes ). Le poète fait alors de l’entrelacement du réel et du magique, du quotidien et du rêve, une source à laquelle il vient puiser le questionnement du poème ( je n’entendais rien d’autre qu’un poème récité sans danger précis ), la langueur allègre de sa graphie ( un crayon / doux / gribouillait un poème) et la nécessité d’écrire ( de profil / l’écorce / d’un grand saule / traduisait / la puissance / des secondes / en/ langage ). Un insecte brisé survient que rien ne ressuscitera, même pas le poème. La mort s’immisce alors dans la vibration poétique : mort de l’insecte, d’une feuille de saule ; mais aussi l’écriture qui survient, comme une improvisation de jazz, écriture rapide, presque instantanée, instituant une anarchie que seule contient la rareté des mots et leur disposition dans le poème vertical, au bord d’un précipice.Dans son éclairante préface, Jean-Michel Aubevert propose une lecture sensible, ce mot utilisé  au temps de l’argentique pour qualifier le papier où naissent les images captées du réel. Il nous dit sa perception de la verticalité de la disposition des mots, du rythme hachuré de celui qui fait l’aveu : J’ai tant écrit / après / avoir / si peu / su/ dire. Est-ce dans ce qui est absent de la page qu’il faudrait alors chercher ce qui est la quête poétique ? «  Ce qui fut éphémère dans l’instant s’avère durable au cœur. Le poème en recueille le battement  », écrit Aubevert qui semble avoir fait sienne cette vision du poème de Devaux : «  L’écrit pour parole ultime au rebond de l’intime  ».Ce sont ainsi deux scintillements poétiques qui nous sont donnés, celui du préfacier, celui du poète. Catherine Berael, qui accompagna déjà l’un et l’autre à plusieurs reprises, ajoute en couverture et à la fin de l’ouvrage deux dessins : un visage au regard anxieux ou effrayé ; un couple dont une femme vêtue de rouge se précipite dans les bras d’un homme dont le mouvement et la silhouette se confondent avec le tronc noir de l’arbre dont il semble issu. La verticalité de l’arbre contrastant avec le mouvement des personnages répond-t-elle à l’interrogation initiale de cette recension concernant la poésie du dispositif typographique ?Le blanc oppressant de la page ne serait pas absence de mots mais effet du temps : Avec le temps / le trou / de / ver / n’a pas / pris / une ride. / Il a broyé / les mots non-dits / jusqu’au vide/ et / je n’ai plus su / ce qu’on sait / des choses. Jean Jauniaux Plus d’information Un beau recueil, tournoyant, scintillant, contrasté, où l’auteur, pudique, témoigne une fois de plus d’une sensibilité riche de ses épreuves, à mots comptés au feutre des métaphores. Gardez-vous du poème. Le verbe sait où il vous mène. partage d’hésitations quand l’ombre est folle parfois à lisser d’un trait noir…

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