La nuit est tombée. En haut d’une colline, à l’entrée d’une grotte deux figures sombres nous attendent. Nous montons vers elles avec des bougies. Arrivés à leur hauteur, un grand souffle de vent éteint nos lumières. « Elles ne sont pas nécessaires », disent en chœur les deux gardes du temple. « Michèle marchera devant vous, moi je marcherai derrière et ma voix vous guidera. » Dès lors, nous entrons dans la grotte et la pleine obscurité. Nous serpentons parmi des parois qui suintent, qui respirent. Une odeur moite d’un vivant qui semble à la fois se putréfier et déborder d’énergie. Parfois, quelques pierres précieuses illuminent ce monde souterrain. « Elles ont été ciselées par la grande prêtresse », nous dit Véronique. Nous ne descendons pas, nous sommes toujours en train de monter.
Quand arriverons-nous à l’air libre, au sommet du rocher ? Véronique poursuit son récit, les images de nombreuses époques, de nombreux êtres humains se mêlent dans notre esprit, y prennent racine et s’y développent. Notre conscience transmute dans ce voyage. Tout ce que nous mettions dehors devient le dedans. Nous allons enfin pouvoir communier, être initiés aux mystères de la grande prêtresse. Michèle s’arrête. Sommes-nous arrivés ? Une voix profonde emplit l’espace, fait vibrer nos poitrines. Une voix qui nous emplit d’une force éternelle, l’Aiôn. Nous aspirons, nous entrons en contact avec cette puissance unique. Mais le plafond se met à craquer… des fissures apparaissent et la lueur de la Lune pénètre dans ce monde préservé. « Ne craignez rien, il tente à nouveau de nous détruire », dit la grande prêtresse, Marguerite Yourcenar. « Qui ça ? Quel est le nom de notre ennemi ? » Nous attendons la dernière révélation. « Il n’est pas notre ennemi, il est celui qui veut réguler toute chose. L’Apeiron se tient prêt à nous engloutir, comme il est prêt à nous recracher. Sa puissance est opaque et informe, elle n’a pas la vitalité et la précision de l’Aiôn. Elle est inintellectuelle, inorganique et froide. Elle n’en demeure pas moins une force qui frappe notre univers.
Soyez courageux, chers initiés. Soyez passionnés et vivez l’existence en incorporant le dehors dans le dedans. Alors, vous ne mourrez pas vainqueurs mais vous aurez combattu. »
Autrice de Marguerite Yourcenar : Première académicienne française (L'Article n°42)
Le Voyage au bout de la nuit de Céline : roman de la subversion et subversion du roman
À propos du livre À travers les différents niveaux de sens que le texte romanesque du Voyage au bout de la nuit superpose, cet ouvrage serre de près le processus d'instauration du langage célinien, de la surface des mots à la totalité de la création. Transposant la rhétorique de l'argot en un formidable discours subversif, ce langage fonde l'identité symbolique de Bardamu, le héros-narrateur, mais aussi celle de Céline dans cette Nuit de l'écriture où, entre vécu et imaginaire, durée et Histoire, désir et néant, l'écrivain triomphe des discours sociaux de son temps par l'affirmation souveraine d'un style. Mythe romanesque du voyageur de la Nuit, hallucinant de vérité désespérée et de révolte ; mythe littéraire de l'écrivainargotier dont le propos embrasse dans sa revanche verbale toute la honte, toute la souffrance du Mal contemporain : deux niveaux de cette «écriture de la parole» qui entretiennent un subtil trompe-l'oeil entre le sens et la représentation. C'est dans ce travail que résident la modernité de Céline, son art réel d'écrivain comme sa compromission authentique de sujet face à la société et à l'Histoire. Cette étude est le fruit d'une technique magistrale et…
À propos du livre (4e de couverture) Les historiens contemporains des lettres françaises de Belgique…
Textes de Georges Sion , Françoise Mallet-Joris , Pierre Falize, Lucienne Desnoues et Carlo Bronne À propos du livre (Texte de l'Introduction) Il était normal que l'Académie veuille…