Bon. Il suffit d’ouvrir la radio. D’écouter le journal. De lire un quotidien. Et cela nous tombe dessus : la rhétorique de l’époque, la rhétorique médiatique, est à la guerre. Avec son cortège de rodomontades. Et ses discours, a contrario, pacifistes et sirupeux. Comment l’ignorer ? C’est partout autour de nous. Partout. Comment lutter contre ? En tant que poète, je veux dire ? En tant qu’amoureux fou de la langue ? Comment ? En fourbissant ses armes de poète, pardi ! En fourbissant sa langue. Ses façons de faire bien à soi. Ses façons de faire incisives et bien pendues. N’hésitant pas à rentrer dans le lard franco. Ne tournant pas autour du pot. Jamais. Ses façons de dire qui moquent ou qui démontent, tournent en dérision tout…
S’il ne les a pas déjà fêtés à l’heure de l’écriture de ces lignes, Jean-Pierre Verheggen approche des septante-sept ans. Selon ses dires, il ne pourra alors plus lire Tintin, mais sa verve ne s’est pas essoufflée, n’a pas « vieusi ». En témoigne l’entretien réalisé en octobre 2018 avec Éric Clémens, intitulé « Mauvaise fréquentation », qui ponctue cette réédition de Gisella (initialement paru en 2004 aux éditions Le Rocher) et de L’Idiot du vieil âge (publié en 2006 chez Gallimard) dans la collection « Espace Nord ».L’on peut d’emblée saluer l’intelligence de la collection d’avoir rassemblé en un seul recueil deux ouvrages très différents émanant de la riche bibliographie de Verheggen, chacun déployant une force particulière de son…
Au moment où reparaît, dans la collection patrimoniale Espace Nord, Gisella, le texte sensible et poignant que le poète a consacré à son épouse décédée, les éditions de l’Arbre à paroles ont la bonne idée de rééditer le premier recueil de Jean-Pierre Verheggen, publié en 1968 chez Henry Fagne. Augmenté de fac-simile des courriers reçus à l’époque en provenance d’auteurs ayant, en quelques sorte, adoubé le jeune poète, cette nouvelle édition célèbre les cinquante ans de ce texte qui marque l’entrée en littérature de Verheggen dans la cour des grands. Les signatures prestigieuses sont éloquentes et ont, sans nul doute, encouragé le poète en herbe à poursuivre dans cette voie burlesque et baroque comme le souligne l’éditeur Henri Parisot. Une voie doublée…
Il n’est pas dans les habitudes du Carnet de recenser les traductions d’œuvres littéraires belges francophones vers d’autres langues. Une exception pourtant aujourd’hui tant l’entreprise qui voit le jour constitue une première, un défi relevé et entamé il y a trois ans par Christoph Bruneel, relieur de formation et animateur avec Anne Letoré des éditions L’Âne qui butine. Le pari ? Traduire intégralement en néerlandais un recueil de Jean-Pierre Verheggen, en l’occurrence Pubères, Putains, sans doute l’un des textes les plus connus, les plus aboutis du poète. Un pari assez fou en effet d’autant que Verheggen se plaît à rappeler avec humour que même en français il n’a jamais été adapté, empruntant en cela à Jules Renard sa formule ironique à l’encontre…