Luc Dellisse

PRÉSENTATION
Luc Dellisse, né à Bruxelles en 1953, est poète, romancier, nouvelliste, essayiste et scénariste. Il a enseigné l’écriture de scénario à la Sorbonne, à l’ESRA et à l’Université libre de Bruxelles. Auteur longtemps nomade, lecteur insatiable dès l’enfance, il s’est reconnu très tôt une seule patrie, la langue et la littérature françaises. Son œuvre multiforme est la meilleure démonstration de ce que le classement par genres, s’il a son utilité bibliographique, est impropre à rendre compte de la réalité du travail d’un écrivain et du feu central qui l’anime. De ses poèmes à ses romans, de ses nouvelles à ses essais circule un même réseau d’images. Une même voix, un même phrasé s’y font entendre, immédiatement reconnaissables. En outre, d’un livre à l’autre, les frontières entre les genres se révèlent poreuses. Il y a du scénariste chez le poète (les poèmes en prose de Sorties du temps s’apparentent à des courts métrages oniriques), du moraliste chez l’auteur de fictions, du romancier chez l’essayiste. Peu d’œuvres contemporaines, surtout, font à ce point éprouver combien la littérature est une manière d’être au monde, indissociable du tissu de l’existence. Un écrivain, disait Larbaud, c’est quelqu’un qui est toujours au travail, même quand il n’écrit pas. Luc Dellisse fait ses débuts en écrivant des scénarios de bande dessinée, d’autres pour la télévision, des récits courts, des pièces de théâtre et des romans pour la jeunesse. L’auteur fait ses gammes et pose les bases d’un univers : les nouvelles du Royaume des ombres, augmentées et remaniées en profondeur, fourniront dix ans plus tard le matériau du roman le Testament belge. Parallèlement paraissent les premiers recueils de poèmes, ainsi que des essais, le Feu central (sur neuf écrivains-clés du XIXe siècle) et le Policier fantôme (sur le roman policier belge durant l’Occupation et l’après-guerre), qui témoignent de ce que, chez Dellisse, le lecteur et l’écrivain sont inséparables. La Fuite de l’Éden (L’Harmattan), en 2004, marque un tournant important. Dès les premières pages éblouissantes, il est flagrant que l’auteur a franchi un palier et pleinement conquis ses moyens d’écrivain. Ce roman inaugure en outre un cycle dit d’« autobiographie imaginaire », qui comprendra le Testament belge, le Jugement dernier, le Professeur de scénario et les Atlantides (tous publiés aux Impressions Nouvelles). Ces cinq livres, tous narrés à la première personne, mettent en scène un même personnage (parfois dénommé… Luc Dellisse), sorte de double littéraire de l’auteur dont il partage le physique, les goûts, les activités professionnelles, la philosophie de l’existence, faite d’adhésion et de distance narquoise, de légèreté dans la ruse avec les obligations sociales, de joie solaire et d’inquiétude. Si les uns s’inscrivent dans la tradition du récit d’apprentissage tandis que les autres, plus riches en péripéties, se colorent d’une ambiance proche du roman d’espionnage à l’anglaise, tous sont mus par le pressentiment d’un grand secret caché derrière les apparences, qui se dérobe en paraissant s’offrir. En filigrane, une idée, partagée avec Somerset Maugham, Graham Greene et John le Carré : l’écrivain est un agent double de la réalité. L’autobiographie imaginaire, telle que la pratique Luc Dellisse, n’est pas à confondre avec l’autofiction. Elle consiste à atteindre à la vérité – vérité émotionnelle plutôt que factuelle – par le prisme du trompe-l’œil romanesque, moins en transposant librement des faits vécus qu’en prolongeant leurs virtualités dans la fiction. La vie, dit-on, est un roman, mais c’est le plus souvent un roman avorté, riche en amorces, en promesses d’aventures qui resteront lettre morte. La fiction permet d’en déployer les possibles, sur le mode du « que se serait-il passé si ? » Cette notion très originale d’autobiographie imaginaire est à rapprocher de la réflexion sur le scénario menée parallèlement dans l’Invention du scénario et l’Atelier du scénariste (Les Impressions Nouvelles). Dans ces deux essais, qui dépassent largement leur visée didactique, le scénario, loin d’être cantonné à une technique narrative obéissant à un ensemble de règles – comme dans les manuels prescriptifs de scénarisation à l’américaine –, est envisagé comme création à part entière, avant d’être élevé au rang de stratégie d’existence. Scénariser sa vie, c’est encore une manière de vivre en littérature ; c’est surtout une manière de l’intensifier. Ce désir d’intensité innerve toute l’œuvre de Luc Dellisse. On le retrouve dans ses romans et ses nouvelles, à travers les thèmes récurrents de la rencontre (le plus souvent passionnelle, cf. le Jugement dernier et l’Amour et puis rien) et du coup de théâtre. Les poèmes en sont le foyer privilégié de condensation : ce sont autant d’épiphanies mobilisant une mémoire à forte charge émotionnelle dans un crépitement d’images fulgurantes qui recourent volontiers aux motifs de la flèche, de l’éclair, de la foudre et du vertige (citons, parmi ses neuf recueils de poésie, Premier jour dans l’autre monde, Ciel ouvert, Sorties du temps et Cases départ, tous publiés aux éditions Le Cormier). Ailleurs, dans ses essais et dans ses entretiens, Luc Dellisse s’est fréquemment livré à un éloge de la vitesse. Éloge un tantinet provocateur, dans la mesure où nombre d’écrivains contemporains invitent au contraire à réhabiliter la lenteur, en riposte au faux sentiment d’urgence encouragé par les techniques de communication et les médias modernes. Mais la vitesse, telle qu’il l’entend, n’est ni la précipitation ni le présent artificiel des chaînes d’information continue. C’est une acuité de la vision, la capacité à effectuer dans l’instant des connexions inattendues et révélatrices entre la pensée et l’affectivité, entre la mémoire personnelle ou littéraire, l’imaginaire et le présent vécu. La vitesse, c’est aussi celle d’une écriture merveilleusement mobile, que son goût des périodes brèves, du raccourci, du trait rapide situe dans une tradition française reliant Saint-Simon, Stendhal, Paul Valéry et Paul Morand. Depuis quelques années, sans doute sous l’influence de l’exercice du blog qui lui sert de laboratoire et de banc d’essai, Luc Dellisse a délaissé le roman pour privilégier les formes brèves, aussi bien dans ses œuvres de fiction que dans ses essais. Ce sont les nouvelles de l’Amour et puis rien et d’Une vie d’éclairs (L’herbe qui tremble), du Sas (Traverse) et de Belgiques. Cet éternel retour (Ker éditions), qui tressent de nouvelles variations sur les thèmes de l’amour-passion et de la disponibilité aux hasards favorables de l’existence. Ce sont deux essais siamois, Libre comme Robinson (Les Impressions Nouvelles, sur les manières de réinventer la liberté individuelle dans le monde contemporain) et Un sang d’écrivain (La Lettre volée, sur les conditions réelles de la vie d’écrivain), qui procèdent par courts aperçus sur un même écheveau de problèmes, envisagés à chaque chapitre à partir d’un angle de vue différent. Ces nouvelles, ces essais réaffirment les valeurs essentielles de l’amour et de la littérature comme derniers refuges de la clandestinité ; c’est-à-dire d’une vie libre, à l’écart des normes, des prescriptions sociales, de plus en plus soumises à la télésurveillance. Par quoi ils se relient souterrainement au roman le Jugement dernier, l’un des jalons fondamentaux de l’œuvre de son auteur, dont le sujet apparent est : les aventures d’un homme qui aimait les femmes ; et le sujet profond : l’échappée hors du temps.
PORTRAITS ET ENTRETIENS
Le Carnet et les Instants

Né en Belgique, mais intellectuellement tourné vers la France, influencé par la langue vive et rapide d’une famille d’écrivains français et la tradition de littérature de confession, auteur, notamment, d’une série de romans d’autobiographie imaginaire et d’essais éclairants sur le concept et la pratique du scénario, Luc Dellisse a construit une œuvre caractérisée par sa grande unité thématique, de ton et de style et une atmosphère émotionnelle très particulière qui reflète sa personnalité singulière.
Luc Dellisse est un auteur difficile à classer dont il est aisé d’identifier un texte en quelques lignes. Romancier, essayiste, poète, dramaturge, scénariste, il s’exprime dans plusieurs registres différents, mais ce n’est pas cette variété…

BIBLIOGRAPHIE
PRIX
  •   Prix Gaston et Mariette Heux de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique 2020
NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

On peut être un moraliste sans pour autant jamais user de moraline. Il suffit pour cela de miser sur d’autres recours quand on délivre son message : la lucidité et le style. La première, Luc Dellisse l’a reçue en héritage de sa riche expérience d’une existence longtemps passée dans ce qu’il nomme « l’ancien monde ». Il épure le second, le dégraisse, pour ne livrer que le nerf de sa pensée. Le lire revient alors à affronter l’évidence : mais oui, c’est de cette parole-là que j’avais, que nous avions besoin, immédiatement.Libre comme Robinson s’annonce comme un Petit traité de vie privée. La modestie, la dimension intime voire intimiste, affichées par ce sous-titre laissent peu entendre à quel point ce texte pousse très loin la réflexion sur nos possibles…


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Luc DELLISSE, Un sang d’écrivain, Lettre volée, 2020, 154 p., 20 €, ISBN : 9782873175467Le dernier livre de Luc Dellisse, Un sang d’écrivain, rejoint la redoutable et lucide position de moraliste que l’auteur avait déjà développée dans son récent Libre comme Robinson. Le style chez Dellisse n’est pas cette habilleuse élégante des dramas qui font chorus dans la panne de recul critique de notre temps. Le style contre l’écriture, pourrait-on dire. Dellisse démonte le style porté comme un masque, le style comme simulacre…C’est exactement de cet opposé que vit Luc Dellisse, le style chez lui est une machine de guerre, une position de l’esprit, une morale du regard, un gisement toujours à creuser pour en évacuer la caillasse facile.  Comme…


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Un double mouvement, systole-diastole, semble bercer toute l’œuvre de Luc Dellisse. Sans la contraindre à une programmation rigide, l’auteur lui infléchit – consciemment ou non ? – une rythmique plus proche du pneuma que de la dunamis… Publier donc un essai, puis un recueil de nouvelles, un essai encore, puis un recueil de poèmes, témoigne à la fois d’un vitalisme pulsatile, profond, ainsi que d’une cohérence insoumise à tout, si ce n’est à l’impératif de liberté grande.Voici qu’on ouvre, ou plutôt que s’ouvre à nous, Le cercle des îles. Le motif n’est-il pas éculé, depuis que Rimbaud lança sur les flots son bateau ivre ? Dellisse n’avait-il pas épuisé la topique dans un récent essai placé sous le signe de Robinson ? En des temps où l’on vous…


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Nouvelles, essais, poésie…, l’écrivain Luc Dellisse a publié ces derniers mois plusieurs livres qui ont quelque peu éclipsé l’autre (si ce n’est le premier) versant de son travail : celui de spécialiste du cinéma, et plus particulièrement du scénario. Professeur de scénario, Dellisse a tiré de son métier le roman éponyme, mais aussi des ouvrages qui tiennent plus du guide pratique, tels que L’invention du scénario et  L’atelier du scénariste, que rééditent opportunément Les Impressions nouvelles après une première publication en 2009.Au cinéma, le scénario est un stade préparatoire, non un but en soi. Tout entier tendu vers le film, il est tout à la fois réalisé et aboli par lui. La tâche du scénariste peut dès lors paraitre ingrate : lors de la dernière…


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Luc DELLISSE, Belgiques. Cet éternel retour, Ker, 2021, 137 p., 12 €, ISBN : 9782875863034Poète, romancier, essayiste, entré depuis peu à l’Académie royale, mais avant tout esprit souverainement libre, traqueur impénitent de sa propre existence, épris de grâces fugaces et de moments intenses – ces seuls cadeaux que nous tend le hasard – Luc Dellisse s’invite en nouvelliste dans la collection « Belgiques » des Éditions Ker.Au gré d’un subtil montage composé d’épisodes marquants par leur étrangeté, de croisements et de rencontres, de malaises minuscules ou de frissons majeurs, Dellisse circule d’une année à l’autre entre la fin des sixties et le passé le plus immédiat. Il part à la rencontre du jeune homme qu’il est d’ailleurs toujours, vu qu’il…


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Un professeur de scénario devrait-il mener une vie parfaitement romanesque ? Par ailleurs, le personnage de son livre devrait-il faire preuve d’un pragmatisme soigné et d’une ironie rigoureuse ? Enfin, faudrait-il que le personnage et le professeur se confondent, assujettissant le récit à un état d’oscillation chronique entre faux et usage de faux ? Que le lecteur zélé se laisse prendre à ce jeu troublant et le livre, le personnage, le professeur le conduiront comme un seul homme au gré d’un roman à deux-cent-vingt volte-face.« La poésie est une électricité », écrivait Jean Cocteau dans le Rappel à l’ordre, pour mieux soutenir ensuite qu’il ne se souciait pas de la forme des lampes. L’électricité de Luc Dellisse est faite d’une ironie à toute épreuve…


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L’enfance n’est pas qu’une période de notre existence. Elle constitue surtout cette inépuisable réserve d’impressions rétiniennes, olfactives, tactiles et sensorielles, bref sensuelles au sens le plus ample du terme, qui fondent notre mémoire et notre vision du monde. Pour les poètes, revenir à cet âge, sinon d’or, du moins brut et pur, ne consiste pas uniquement à se livrer à un exercice de nostalgie intégrale. C’est qu’alors le langage et les émotions faisaient corps, faisaient un seul corps ; mettre des mots sur les troubles et les émois, les douleurs et les plaisirs s’avère dès lors bien plus complexe que le geste banal, nostalgique, de feuilleter l’album aux souvenirs, où les images sont figées. Les parfums, les couleurs, les sons, les gestes, font…


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Les années 80 ont vu la (re)découverte de la littérature belge. Cela s’est marqué par la publication de différentes études sur des aspects moins connus et peu valorisés de nos Lettres. En témoigne Le policier fantôme paru en 1984. Aujourd’hui Espace Nord en propose une réédition revue et augmentée.La « note liminaire » de Luc Dellisse lui-même précise les enjeux de l’étude. À la demande d’un libraire d’occasion bruxellois, et alors qu’a priori il ne connaissait pas spécialement le sujet, il a accepté de se lancer dans l’étude de la littérature policière belge. Et il a vu déposés chez lui « douze cartons bourrés à craquer de vieux livres aux couvertures frappantes ». Il rédige alors un livre dont il dit : « ce n’est pas un ouvrage d’érudition…


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Luc DELLISSE, Parler avec les dieux, Éléments de langage, 2022, 70 p., 14 €, ISBN : 978-2-930710-22-8Il est des mots que le pluriel trivialise. La multiplication ne leur sied pas, ils y perdent leur jalouse exclusivité, leur pouvoir absolu. Mais s’appliquant à « Dieu », le pluriel permet de renouer avec une dimension singulière de la divinité : « C’est un sentiment diffus, un rêve, le souvenir d’un rêve ».Les lecteurs de la poésie et des nouvelles de Luc Dellisse savent le rapport privilégié, amoureux même, qu’il entretient avec l’idée de risque. Ils en feront à nouveau l’expérience, avec un cran d’audace supplémentaire, en suivant le dialogue qu’il ose entamer avec « les dieux ». En païen ? L’étiquette a connu trop de démêlés avec le monothéisme…


Le Carnet et les Instants

Les poètes sont pris dans cette tourmente de vivre chaque jour comme le premier. Pour eux, il n’y a pas d’acquis. Tout s’efface, tout est à reprendre sans fin. Luc Dellisse est poète, passionnément. À chaque mot, il s’investit. À chaque ligne, il tend cette corde raide du funambule qui pèse ses pas. À chaque phrase, il rompt, mais pour mieux partager.Dans ses Mers intérieures, on ne plonge pas. C’est un journal imaginaire, rétrospectif : celui de l’année 2021, « une année comme les autres, excepté que j’ai jeté l’ancre dans le temps ». Une fois cette balise larguée, à même les flots de la mémoire, on peut quitter le temps comptable et l’aventure commence. Ce ne sont plus douze mois qui sont traversés ici, mais « Quatre saisons. Un seul regard ».…


Le Carnet et les Instants

Luc Dellisse s’est fait dentellier. Ses dernières publications sont toutes des textes courts, des napperons de lettres tissées avec soin. Sa plume au fuseau et au crochet, est maniée avec une délicatesse sur laquelle repose chaque phrase comme un soyeux coussin. Pourtant, il est un écrivain non de l’alcôve mais de terrain. Le matériau de son tissu est de l’herbe foulée au corps, les traits d’une pluie fine dont il fait les nuages, un rayon de soleil errant amusément sur sa paume de voyageur, une brume légère quoique tangible modelant un filigrane dont il fait sa griffe d’auteur.Ces choix arbitraires ont une logique : il s’agit de faire tout de suite quelque chose d’inutile, d’agréable et d’urgent et d’éprouver la minceur de la frontière entre imaginer et passer…


Le Carnet et les Instants

L’œuvre poétique, théâtrale, les romans, les récits, les nouvelles, les essais de Luc Dellisse inscrivent la frontière au nombre de leurs motifs obsédants. Le recueil poétique Tarmacs articule son chant, son rythme et sa forme autour de la question du seuil, des frontières qui, tout à la fois, séparent et ont pour vocation d’être traversées. Les cinquante chants se jouent des frontières du temps (des jeux d’invasion, de passage entre passé et présent), des frontières de l’espace (une première partie convoque New York, la seconde partie le lieu natal), du livre en tant qu’architecture bifide, des frontières de l’amour, du désir, de la vie et de la mort.Placé sous le signe de la puissance de l’image et des réminiscences, le recueil donne à voir autant qu’à…


Le Carnet et les Instants

Tout autant que la parole, le silence est multiple. Il peut inaugurer un rapprochement ou sceller un dialogue. Il en est de complices, d’hostiles, d’oppressants ou de sereins. Entre présence du corps et absence des mots, le silence est instant pur. À travers les seize récits qui tissent la trame du dernier livre de Luc Dellisse, un narrateur unique éprouve la complexité de son étoffe, au fil d’intensités fugaces ou de percussions aventureuses.Sont-ce des nouvelles ou des pièges ? Intrigante composition que cette suite d’instantanés qui déjoue les frontières formelles, en faisant successivement passer le lecteur d’une chambre d’hôtel voisine d’une scène de crime au bus 84 opérant l’aller-retour vers le drame intime d’un suicidé ; d’un refuge de montagne investi…


Le Carnet et les Instants

« Le visage de ce qui suit m’est bien trop connu pour que l’espace qui m’entoure ne s’assombrisse et que reparaisse devant moi la scène terrible : une nuit dévorant la rue Monge à Paris. »Dans son éditorial, le directeur de collection Maxime Lamiroy évoque une scène de 1939, la manière dont fut sauvée une analyse de la pensée d’un grand auteur russe, avant de la connecter à l’entreprise de Luc Dellisse, qui veut rendre hommage et justice à un philosophe belge peu connu, Henri Van Lier (1921-2009), dont l’œuvre serait sans équivalent… au monde. Dès les premières lignes, nous sommes dans le fait artistique, qui ne se contente pas d’exprimer un premier degré mais génère des échos, des connexions, un supplément de sens. Ledit Maxime, trentenaire ô talentueux,…


Le Carnet et les Instants

Un homme ne supporte plus sa vie « officielle ». Il aspire à devenir invisible, à être libre, à vivre sans passé, dans l’anonymat. Ou du moins à se donner des moments de fuite. Il imagine un stratagème pour disparaître régulièrement, vivre une autre vie pour laquelle il se fabrique une autre personnalité. Par hasard, dans cette existence dissimulée, il rencontre Linda. Dans ce roman de Luc Dellisse, Ce que je sais sur Linda, le narrateur tombe sous le charme de la jeune femme, dont il découvre très vite qu’elle est, elle aussi, entourée de mystère. Comme lui, elle n’est pas ce qu’elle prétend être. La relation qui s’ébauche entre eux est de l’ordre de l’amitié et d’une très grande complicité, d’une entente à demi-mots. Cette relation n’est pas…


Karoo

Un livre, un extrait, un commentaire. Karoo vous propose un autre regard sur les livres ! Aujourd’hui Le Cercle des îles de Luc Dellisse.
Un livre, un extrait, un commentaire. Karoo vous propose un autre regard sur les livres ! Aujourd’hui Le Cercle des îles de Luc Dellisse.
Eau et circularité sont au cœur de ce recueil. Inauguré dans la prose, c’est également sous cette forme qu’il se clôture. Mais entre ces deux temps, définis et distincts, Luc Dellisse joue avec le vers qui, sous sa plume, se libère de toute contrainte car c’est avant tout le jaillissement de l’image qui prime. Pourtant, si l’image est effectivement vive et intense, les mots se font progressivement évanescence à l’instar d’un « je » insaisissable qui semble n’être là que pour…