Éditorial
Comme tant d’autres, l’oeuvre de Pierre Louÿs comporte une rupture. Toutefois, cette rupture n’ouvre pas une nouvelle vision de la vie, elle n’est pas un reniement des anciens idéaux, comme chez Dostoïevski ou Nietzsche. La seconde moitié de la vie de Pierre Louÿs, comme nous le montre admirablement Luc Dellisse, sera une exploration souterraine, une approche par le bas des racines de son oeuvre de jeunesse.
Au poète des sensibilités du corps, au romancier de l’amour et à l’homme riche d’amitiés, les Muses jouent un mauvais tour et révèlent le côté farceur qu’elles tiennent des Parques.
La cécité croissante habitue le poète à l’obscurité. Il s’enfonce dans les formes les plus sombres de la littérature, il se met à voir des correspondances littéraires inimaginables en plein jour et s’abandonne aux délices sensibles sans visage. « Ainsi la littérature est l’histoire de la destruction des hommes par leurs rêves », écrit Luc Dellisse. Ce qui signifie aussi, comme l’explique l’auteur de cet article, que les rêves des hommes tentent à détruire leur histoire, à les libérer de celle-ci. Ce voyage hors de la vision historique, on le nomme « littérature ».
Maxime Lamiroy
Auteur de Pierre Louÿs : Entre sexe et silence (L'Article n°30)
Que peuvent nous apprendre les prédictions de l' Almanach de Mathieu Laensbergh en matière d'éveil aux idées de Lumières, au XVIIIe siècle? Quel changement de mentalité à l'égard des pratiques magico-religieuses laissent entrevoir les commentaires du livret de pèlerinage à Saint-Hubert en Ardenne? C'est à de telles questions que tâchent de répondre les essais contenus dans le présent ouvrage, à partir d'une documentation associant littérature « populaire », journaux, catalogues de libraires, chansons, etc. La communication orale y trouve une place importante, notamment quand elle se fait dialectale. La diffusion de valeurs et d'interrogations communes s'opère aussi par le théâtre, où drames sérieux, vaudevilles et opéras-comiques — nous sommes au pays de Grétry — composent un véritable «paysage culturel» moyen. On verra ainsi comment le Laensbergh ou les mémoires rédigés à l'occasion de procès opposant des communautés rurales aux autorités manifestent le progrès du rationalisme critique, à travers un lexique où le bourgeois sensible côtoie l'aristocrate éclairé . De leur côté, les livrets de pèlerinage offrent une mutation du regard sur la «neuvaine» contre la rage, la protection sacrée cédant la place à la conception du contrat marchand et à l'hygiénisme. La réflexion sur l'«amélioration de l'espèce humaine», avec les questions de l'eugénisme, de l'alimentation des enfants et de la vaccination, entrent dans le débat qu'entretiennent le Journal encyclopédique et le Giornale enciclopedico di Liegi . Comment s'étonner de la vigueur avec laquelle les classes populaires verviétoises vont combattre l'ancien régime dans les années qui précèdent sa chute? Une figure d'exception domine intellectuellement et pratiquement l'événement : Nicolas Bassenge. La chanson «patriotique» donne la mesure de son charisme et de l'évolution que connaît celui-ci, quand se développera l'aspiration à une société pacifiée. Une même exigence de conciliation et de pragmatisme s'observe dans le traitement accordé au wallon sous un régime français moins jacobin qu'on ne l'a parfois dit. Y a-t-il continuité ou rupture entre le catalogue de la lecture à la fin du XVIIIe siècle et celui de l'époque romantique? Quelles nouveautés foncières se font jour, à côté d'une tradition persistante du livre «utile» visant désormais l'entrepreneur balzacien? Quelle réception pour un romantisme souvent jugé «dégoûtant»? Avec Georges Sand et les Vésuviennes de 1848, la revendication féministe fera irruption sur la scène locale, tandis qu'alterneront dans la chanson de conscrit complaintes de la fille-mère…
Le centenaire d'Émile Verhaeren
La commémoration du centième anniversaire de la naissance d'Émile Verhaeren a connu, durant l'année 1955, un éclat exceptionnel. Non seulement en Belgique, mais dans de nombreux…
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