Ce livre d’images rapides et d’émotions lentes est séparé en deux par une pliure invisible. C’est son méridien de Greenwich. On franchit une frontière sans la voir et on se retrouve ailleurs, et surtout ailleurs en soi-même. La première partie est consacrée à New York, ou plutôt à certains souvenirs obsessionnels liés à cette ville atlantique, où se sont déroulées quelques-unes des actions les plus singulières de ma vie. Les traces de tourisme et de pittoresque y manquent, comme dans mon souvenir. Tout conspirait à me faire trouver naturelle l’étrangeté du lieu et du temps. La seconde partie explore un continent entièrement nouveau : la terre natale. La jubilation diffuse de ces poèmes tient au fait qu’elle m’était étrangère et l’est restée. Je n’y avais vécu que par contumace. Il a fallu la réinventer, avec des détails rêvés. Ces deux suites combinées sont les deux versants d’une expérience unique : l’exil, qui n’est pas sans charme, la veille du départ.
Auteur de Tarmacs
L’œuvre poétique, théâtrale, les romans, les récits, les nouvelles, les essais de Luc Dellisse inscrivent la frontière au nombre de leurs motifs obsédants. Le recueil poétique Tarmacs articule son chant, son rythme et sa forme autour de la question du seuil, des frontières qui, tout à la fois, séparent et ont pour vocation d’être traversées. Les cinquante chants se jouent des frontières du temps (des jeux d’invasion, de passage entre passé et présent), des frontières de l’espace (une première partie convoque New York, la seconde partie le lieu natal), du livre en tant qu’architecture bifide, des frontières de l’amour, du désir, de la vie et de la mort.Placé sous le signe de la puissance de l’image et…
L’exploration perspectiviste de Maxime Coton
Maxime COTON , Pages vivantes , Poème de réalité virtuelle, Images de Jamil Mehdaoui, Trad. en anglais par Lia Swope Mitchell, L’Arbre de Diane,…
La Prophétie d’Ocyrhoé et autres métamorphoses de Métamorphoses d’Ovide
Au nom d’Ovide est associé comme par automatisme L’art d’aimer , œuvre qui traversa les siècles mieux que les appels du Poète ne surent franchir des milliers de kilomètres pour atteindre l’inflexible Empereur Auguste, qui l’avait en l’An 8 contraint à l’exil sur les rivages de la Mer Noire. Les raisons de cette proscription restent mystérieuses : Ovide aurait-il été témoin d’un scandale de cour, dans un contexte politique qui affichait pourtant une volonté de restauration morale ? Aurait-il assisté à quelque cérémonie ésotérique dévouée au culte d’Isis, ou trop joué d’influence dans d’obscures querelles de succession au trône ? Michel Gheude avance, tout en maintenant l’inconnue, une explication littéraire, forcément plus séduisante, à cette arbitraire relégation. L’Empereur aurait vu dans Les Métamorphoses rien d’autre qu’« une apothéose de la passion, une apologie sacrilège ». Il aurait surtout eu la finesse de découvrir « entre les lignes de ces récits enchaînés sans rationalité explicite, apparemment moralisateurs, mais constamment fascinés par le mal, […] la patiente affirmation d’une philosophie qui magnifiait la déraison humaine, qui, à l’inverse de la sagesse grecque et du droit romain, faisait reposer le monde sur l’hybris et les anges rebelles ».Pouvait-on mieux résumer la pérenne subversion présente dans ce classique ? Et était-il une meilleure façon de confirmer l’inépuisable potentiel d’inspiration constitué par cette « source toujours jaillissante » (Frédéric Lefèvre) qu’en la continuant ? Le latiniste rigide, que le passéisme ventouserait à ses ruines comme la moule au rocher, s’offusquera sans doute de voir Déjanire, femme d’Hercule, porter un pull vert gazon et un pantalon taille élastique, ou les pis d’Io, labellisés bio, emprisonnés dans un « soutien-gorge rouge passion, aux bonnets de tulle ourlé de dentelles ». Il n’en croira pas ses oreilles quand Héra demandera à son époux : « Quelque chose ne va pas, mon chéri ? », et lui d’invoquer des soucis au travail, des tracasseries administratives pour expliquer ses humeurs… Il s’étranglera d’apprendre que Zeus lui-même s’est déjà pris à danser dans des rave-party sur de la House Music, du raï, du zouk, du grunge, de l’Acid jazz.Mais la prose, cadencée par de sous-jacents dactyles et spondées, ramènera notre lecteur ébahi au rythme que requiert la transmission du mythe. L’écriture fluide de Gheude sacre les épousailles, échevelées certes mais hautement poétiques, de la Tradition et de la Modernité. Entre les coups (hum…), un dessin de Scanreigh, manière de Cocteau déjanté, parachève l’illustration du propos, si c’était encore nécessaire.Irrévérence que d’ainsi travestir et actualiser un chef-d’œuvre ? Oui, et tant mieux si c’est pour prouver que l’amour et ses affres sont le cycle même de la vie. Désormais, preuve est faite que, pour la Byblis d’aujourd’hui, le fait d’être revêtue de pataugas couleur sable et d’un T-shirt Kookai n’est en rien incompatible avec le sentiment que, privée de son amant, elle « retourne au mirage. À sa vibration. À son incandescence. Perdue entre ciel et terre. Entre les firmaments. Au-delà des horizons.…