L’invention du scénario : créer et structurer son récit

RÉSUMÉ

Le scénario est-il un art ? Le scénario est-il une technique ? Peut-on écrire sans scénario ? Suffit-il de raconter une histoire pour être scénariste ? Peut-on transmettre aussi des émotions et des secrets ? Un scénariste est-il un écrivain ? Le livre de Luc Dellisse apporte une série de réponses simples et précises à ces diverses questions. Il permet d’aborder sans complexes l’écriture, non seulement d’un film, mais de n’importe quel récit structuré.

L’Invention du scénario se distingue de la plupart des autres livres sur la question par son approche et par son écriture. Luc Dellisse ne se contente pas d’énoncer règles, réflexions et exemples : il fait table rase sur les prétendues lois du genre, et repart à zéro, depuis l’envie de raconter une histoire et l’idée de départ jusqu’au dernier état des dialogues. Il apporte une attention particulière à la caractérisation des personnages et à leurs motivations. Il passe en revue toutes les étapes d’une élaboration progressive, structurée, réfléchie et sans cesse affinée. De plus, son livre se présente comme une réflexion sur le sens et la portée du scénario, et veille à ramener sans cesse ce processus d’écriture à sa source : le plaisir et la justesse de la création. Rédigé dans un style alerte et clair, il vise à apporter un savoir précis et pratique en matière d’écriture de film, tout en mettant en lumière l’universalité des questions de scénario.

Publié pour la première fois en 2006, L’Invention du scénario est devenu, avec les années, un ouvrage de référence, tant pour les étudiants que pour les jeunes scénaristes et pour les amateurs de cinéma. Son auteur a développé une méthode d’initiation à l’écriture filmique et une expertise dans ce domaine, relayée par de fréquents stages et séminaires en France et en Belgique, mais aussi à Istanbul, à Cracovie et à Montréal.

C’est précisément cette pratique régulière et ce public toujours renouvelé qui l’amènent aujourd’hui à proposer une édition revue et augmentée de l’ouvrage initial, qui avait été réédité jusqu’ici sans modifications. Certaines formulations ont été repensées et précisées, certains chapitres ont été resserrés. Mais surtout, le livre aborde de nouveaux aspects, vraiment essentiels.

Précédé d’une préface méthodologique, « Le bon usage des règles », qui définit ce qu’on peut attendre d’une connaissance solide et d’une pratique réfléchie des lois scénaristiques, sans pour autant brider l’originalité d’un auteur ni sa liberté, le texte trouve une cohérence et une lisibilité accrues, dans son rôle d’accompagnement sur les chemins de la création. Deux chapitres inédits : « Écrire l’unité du film » et « Le script doctoring et l’objectivité » abordent, par deux entrées distinctes, la question du rôle du non-dit et des ellipses dans l’écriture du film et celle de la solidité des règles qui permettent d’examiner une histoire, non avec des a priori théoriques ou des préférences personnelles, mais en se rapprochant du désir et de l’imaginaire de son auteur.

Une couverture nouvelle, re-maquettée à partir de l’illustration originale, rend perceptible d’emblée cette volonté de changement et de complément « dans la continuité ».

À PROPOS DE L'AUTEUR
Luc Dellisse

Auteur de L’invention du scénario : créer et structurer son récit

Luc Dellisse, né à Bruxelles en 1953, est poète, romancier, nouvelliste, essayiste et scénariste. Il a enseigné l’écriture de scénario à la Sorbonne, à l’ESRA et à l’Université libre de Bruxelles. Auteur longtemps nomade, lecteur insatiable dès l’enfance, il s’est reconnu très tôt une seule patrie, la langue et la littérature françaises. Son œuvre multiforme est la meilleure démonstration de ce que le classement par genres, s’il a son utilité bibliographique, est impropre à rendre compte de la réalité du travail d’un écrivain et du feu central qui l’anime. De ses poèmes à ses romans, de ses nouvelles à ses essais circule un même réseau d’images. Une même voix, un même phrasé s’y font entendre, immédiatement reconnaissables. En outre, d’un livre à l’autre, les frontières entre les genres se révèlent poreuses. Il y a du scénariste chez le poète (les poèmes en prose de Sorties du temps s’apparentent à des courts métrages oniriques), du moraliste chez l’auteur de fictions, du romancier chez l’essayiste. Peu d’œuvres contemporaines, surtout, font à ce point éprouver combien la littérature est une manière d’être au monde, indissociable du tissu de l’existence. Un écrivain, disait Larbaud, c’est quelqu’un qui est toujours au travail, même quand il n’écrit pas. Luc Dellisse fait ses débuts en écrivant des scénarios de bande dessinée, d’autres pour la télévision, des récits courts, des pièces de théâtre et des romans pour la jeunesse. L’auteur fait ses gammes et pose les bases d’un univers : les nouvelles du Royaume des ombres, augmentées et remaniées en profondeur, fourniront dix ans plus tard le matériau du roman le Testament belge. Parallèlement paraissent les premiers recueils de poèmes, ainsi que des essais, le Feu central (sur neuf écrivains-clés du XIXe siècle) et le Policier fantôme (sur le roman policier belge durant l’Occupation et l’après-guerre), qui témoignent de ce que, chez Dellisse, le lecteur et l’écrivain sont inséparables. La Fuite de l’Éden (L’Harmattan), en 2004, marque un tournant important. Dès les premières pages éblouissantes, il est flagrant que l’auteur a franchi un palier et pleinement conquis ses moyens d’écrivain. Ce roman inaugure en outre un cycle dit d’« autobiographie imaginaire », qui comprendra le Testament belge, le Jugement dernier, le Professeur de scénario et les Atlantides (tous publiés aux Impressions Nouvelles). Ces cinq livres, tous narrés à la première personne, mettent en scène un même personnage (parfois dénommé… Luc Dellisse), sorte de double littéraire de l’auteur dont il partage le physique, les goûts, les activités professionnelles, la philosophie de l’existence, faite d’adhésion et de distance narquoise, de légèreté dans la ruse avec les obligations sociales, de joie solaire et d’inquiétude. Si les uns s’inscrivent dans la tradition du récit d’apprentissage tandis que les autres, plus riches en péripéties, se colorent d’une ambiance proche du roman d’espionnage à l’anglaise, tous sont mus par le pressentiment d’un grand secret caché derrière les apparences, qui se dérobe en paraissant s’offrir. En filigrane, une idée, partagée avec Somerset Maugham, Graham Greene et John le Carré : l’écrivain est un agent double de la réalité. L’autobiographie imaginaire, telle que la pratique Luc Dellisse, n’est pas à confondre avec l’autofiction. Elle consiste à atteindre à la vérité – vérité émotionnelle plutôt que factuelle – par le prisme du trompe-l’œil romanesque, moins en transposant librement des faits vécus qu’en prolongeant leurs virtualités dans la fiction. La vie, dit-on, est un roman, mais c’est le plus souvent un roman avorté, riche en amorces, en promesses d’aventures qui resteront lettre morte. La fiction permet d’en déployer les possibles, sur le mode du « que se serait-il passé si ? » Cette notion très originale d’autobiographie imaginaire est à rapprocher de la réflexion sur le scénario menée parallèlement dans l’Invention du scénario et l’Atelier du scénariste (Les Impressions Nouvelles). Dans ces deux essais, qui dépassent largement leur visée didactique, le scénario, loin d’être cantonné à une technique narrative obéissant à un ensemble de règles – comme dans les manuels prescriptifs de scénarisation à l’américaine –, est envisagé comme création à part entière, avant d’être élevé au rang de stratégie d’existence. Scénariser sa vie, c’est encore une manière de vivre en littérature ; c’est surtout une manière de l’intensifier. Ce désir d’intensité innerve toute l’œuvre de Luc Dellisse. On le retrouve dans ses romans et ses nouvelles, à travers les thèmes récurrents de la rencontre (le plus souvent passionnelle, cf. le Jugement dernier et l’Amour et puis rien) et du coup de théâtre. Les poèmes en sont le foyer privilégié de condensation : ce sont autant d’épiphanies mobilisant une mémoire à forte charge émotionnelle dans un crépitement d’images fulgurantes qui recourent volontiers aux motifs de la flèche, de l’éclair, de la foudre et du vertige (citons, parmi ses neuf recueils de poésie, Premier jour dans l’autre monde, Ciel ouvert, Sorties du temps et Cases départ, tous publiés aux éditions Le Cormier). Ailleurs, dans ses essais et dans ses entretiens, Luc Dellisse s’est fréquemment livré à un éloge de la vitesse. Éloge un tantinet provocateur, dans la mesure où nombre d’écrivains contemporains invitent au contraire à réhabiliter la lenteur, en riposte au faux sentiment d’urgence encouragé par les techniques de communication et les médias modernes. Mais la vitesse, telle qu’il l’entend, n’est ni la précipitation ni le présent artificiel des chaînes d’information continue. C’est une acuité de la vision, la capacité à effectuer dans l’instant des connexions inattendues et révélatrices entre la pensée et l’affectivité, entre la mémoire personnelle ou littéraire, l’imaginaire et le présent vécu. La vitesse, c’est aussi celle d’une écriture merveilleusement mobile, que son goût des périodes brèves, du raccourci, du trait rapide situe dans une tradition française reliant Saint-Simon, Stendhal, Paul Valéry et Paul Morand. Depuis quelques années, sans doute sous l’influence de l’exercice du blog qui lui sert de laboratoire et de banc d’essai, Luc Dellisse a délaissé le roman pour privilégier les formes brèves, aussi bien dans ses œuvres de fiction que dans ses essais. Ce sont les nouvelles de l’Amour et puis rien et d’Une vie d’éclairs (L’herbe qui tremble), du Sas (Traverse) et de Belgiques. Cet éternel retour (Ker éditions), qui tressent de nouvelles variations sur les thèmes de l’amour-passion et de la disponibilité aux hasards favorables de l’existence. Ce sont deux essais siamois, Libre comme Robinson (Les Impressions Nouvelles, sur les manières de réinventer la liberté individuelle dans le monde contemporain) et Un sang d’écrivain (La Lettre volée, sur les conditions réelles de la vie d’écrivain), qui procèdent par courts aperçus sur un même écheveau de problèmes, envisagés à chaque chapitre à partir d’un angle de vue différent. Ces nouvelles, ces essais réaffirment les valeurs essentielles de l’amour et de la littérature comme derniers refuges de la clandestinité ; c’est-à-dire d’une vie libre, à l’écart des normes, des prescriptions sociales, de plus en plus soumises à la télésurveillance. Par quoi ils se relient souterrainement au roman le Jugement dernier, l’un des jalons fondamentaux de l’œuvre de son auteur, dont le sujet apparent est : les aventures d’un homme qui aimait les femmes ; et le sujet profond : l’échappée hors du temps.

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