N'êtes-vous pas patineuse? : Lettres à Marguerite Gombert


RÉSUMÉ

Édition présentée, établie et annotée par Jacques Detemmerman

Installé depuis peu dans la capitale, Charles Van Lerberghe décide, en 1889, de s’inscrire à l’Université libre de Bruxelles et de conquérir un diplôme. Parmi les étudiants, il retrouve Fernand Séverin. Il remarque aussi une jeune fille, Marguerite Gombert, proche de l’éminent helléniste Alphonse Willems. Pour Marguerite, «pas bien jolie», mais «très femme, assez gracieuse et toujours riante», le poète a nourri…


DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
5 Upper Bedford Place Londres W.C. Jeudi, 19 mai 1898 Ma chère Mademoiselle, Pardonnez-moi de ne vous avoir pas encore adressé d'ici quelques mots de souvenir et d'amitié, de ne vous avoir donné aucune nouvelle de mon voyage. C'est que, et j'espère que vous l'aurez deviné, ces premiers jours j'ai vécu un peu en nomade, pour ne pas dire en bohème. Il n'y a qu'à ma sœur que je griffonnais parfois, sur une table de restaurant, quelques mots pour la rassurer sur ma santé et mon «acclimatation». Ce n'est que depuis peu de jours que j'ai quitté l'hôtel pour le boarding house et que je me suis installé (ce qui consiste à ranger quelques effets dans une armoire et quelques livres sur une table) dans mon petit appartement d'Upper Bedford Place. Je n'y suis pas trop mal. La rue est paisible et d'aspect distingué : noire et verte, pas trop triste. De mon balcon, je vois les arbres de Russell Square et j'entends chanter les oiseaux. Par exemple, on est assez nombreux à table et un tel boarding house ressemble beaucoup à un hôtel. C'est loin de la vie de famille! Des hôtes de passage… et, comme résidents stables, deux étudiants dentistes (!) que je ne fréquente pas. Malgré que la maîtresse de maison soit gentille, cette première expérience n'a pas trop bien réussi, et j'irai peut-être encore avant la fin de mon séjour m'établir dans un faubourg beaucoup plus éloigné du centre; à Hampstead, par exemple, où je viens d'aller faire visite à M. et Mme Sharp. (Ce William Sharp, qui a traduit mes Flaireurs : un grand et bel et sympathique Irlandais.) Malgré que j'aie assez bien de lettres d'introduction pour des confrères, je n'ai fait usage jusqu'ici que d'une seule, afin d' obtenir l'accès à la bibliothèque; j'ai réservé les autres afin de savourer quelque temps encore cette solitude que j'adore au point de fuir même les amis. Je me promène dans les musées et les parcs, surtout dans ces délicieux jardins qu'on ne trouve peut-être qu'ici et en Italie – et, du livre que j'emporte, souvent au retour, je n'ai lu qu'une page. Aujourd'hui, par exemple, j'irai par le bateau à Kew Gardens préparer The Twelfth Night, comme j'ai fait la semaine passée pour Julius Caesar qu'on donne ici à présent. Le Jules Caesar, avec les décors d'Alma-Tadema, est superbe et j'en ai été stupéfait, car je m'attends toujours ici, en fait de théâtre, à du médiocre et à du pire. Ainsi, on donne la Walküre, Les Maîtres, Lohengrin, Tannhaüser, Orphée…, j'irai un de ces soirs de nouveau avec cette jolie prévention que ce sera détestable. Mais tout cela, ma chère Amie, n'a guère d'intérêt pour vous et il faut réellement que je n'aie pu encore bien retrouver les idées pour vous conter ces balivernes. Qu'il vous suffise de savoir que je suis enchanté, ravi de mon séjour à Londres, d'autant plus que je n'y fais rien qui vaille, la mission spéciale qu'on m'a confiée étant bien difficile!… À plus tard les choses sérieuses… La vie est courte. Je vous écrirai quelque jour plus longuement mes impressions. En attendant, que devenez-vous, Mademoiselle? Seriez-vous repartie en Suisse ou en Italie, où êtes-vous toujours en ce bon Schaerbeek où la nostalgie et tant de profonde et tendre sympathie me ramènent constamment en pensée? Dites-le moi et parlez-moi de vous. J'attends ce grand plaisir. Votre bien sincèrement dévoué. Charles Van Lerberghe
Table des matières Introduction Lettres 1 [Schaerbeek], Noël 1897 2 [Schaerbeek], 31 décembre 1897 3 [Schaerbeek], [9] janvier 1898 4 [Schaerbeek], [15 mars 1898] 5 [Schaerbeek], [18 avril 1898] 6 Londres, 19 mai 1898 7 [Londres], 30 mai 1898 8 Londres, 5 juillet 1898 9 Londres, [25 juillet] 1898 10 Middelkerke, 8 septembre 1898 11 Schaerbeek, 14 octobre 1898 12 Schaerbeek, 21 octobre 1898 13 Schaerbeek, 4 novembre 1898 14 Schaerbeek, 1er janvier 1899 15 Schaerbeek, 17 mai 1899 16 Bouillon, 10 juin 1899 17 [Schaerbeek], 4 novembre [1899] 18 Berlin, 2 décembre [18]99 19 Berlin [5 janvier 1900] 20 Munich, 15 mai 1900 21 Munich, 3 juin [1900] 22 Munich, 20 juillet [1900] 23 Munich, [29] juillet [1900] 24 Rome, 7 mai [19]01 25 Saint-Josse-ten-Node, [29 août 1901] 26 Saint-Josse-ten-Node, 22 octobre 1901 27 Paris, 1er janvier 1902 Index des noms

À PROPOS DE L'AUTEUR
Charles Van Lerberghe
Auteur de N'êtes-vous pas patineuse? : Lettres à Marguerite Gombert
Charles Van Lerberghe naît à Gand le 21 octobre 1861. Après le décès de son père (en 1868), il vit les sept années suivantes avec sa mère et sa sœur Marie, d'un an sa cadette. De 1867 à 1870, il suit les cours élémentaires à l'Institut Saint-Amant, puis en août 1870, s'inscrit au Collège Sainte-Barbe, tenu par les Jésuites. En 1871, il interrompt ses études sans doute pour des raisons de santé. Le 19 septembre 1872, sa mère meurt. L'orphelin est mis en pension au Collège de Melle, à Gand, par son tuteur, l'historien d'art et folkloriste Désiré van den Hove, par ailleurs oncle de Maurice Maeterlinck. L'année suivante, Van Lerberghe retrouve le Collège Sainte-Barbe à Gand où il est le condisciple de Maurice Maeterlinck et de Grégoire Le Roy. C'est là qu'il écrit ses premiers poèmes et notamment un cantique à L'immaculée Conception. De 1879 à mars 1882, il suit les cours de philosophie et lettres à l'Université de Gand, mais, ajourné, il abandonne les études universitaires (qu'il reprendra sept ans plus tard) et mène une existence tranquille de bourgeois nanti. Le 5 juillet 1886, Georges Rodenbach le présente dans La Jeune Belgique en même temps que Maeterlinck et Leroy; l'année suivante, les trois amis de Sainte-Barbe sont réunis à nouveau dans Le Parnasse de la Jeune Belgique. Les flaireurs, écrits en 1888 et publiés en 1889, sont représentés au Théâtre d'Art ( Paul Fort ) à Paris le 5 février 1892. En 1889, il s'est remis aux études à l'Université libre de Bruxelles, où il obtient (le 24 juillet 1894) le titre de docteur en philosophie et lettres (avec distinction). En 1895, il commence à écrire Entrevisions, publié en 1898. De 1889 à 1898, de la publication des Flaireurs à celle d'Entrevisions, aucun livre ne sera donc édité. Van Lerberghe habite Bruxelles, puis s'installe provisoirement à Bouillon avant d'entamer un voyage qui durera deux ans : Londres, Berlin, Dresde, Munich, Rome, Florence, Venise. En 1901, une idylle naît entre lui et Béatrice Spurs, une jeune Américaine rencontrée à Venise. Ça a bien été mon premier véritable amour, écrit-il à Fernand Severin le 18 mai 1902, avant de retourner à Bouillon. La Chanson d'Eve est publiée en 1904. En septembre 1906, en visite chez G. Le Roy à Molenbeek Saint-Jean, il est terrassé par une congestion cérébrale; il reste paralysé et meurt un an plus tard, le 26 octobre 1907.

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