Lettres à Jacques Ferrand (1946 - 1994)

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Le 19 août 1946 Quand viendrez-vous à Missembourg? Tout et tout le monde vous attend. Nous avons spécialement commandé le plus bel automne qui puisse se trouver. Il sera ici à votre disposition entre le premier et le quinze septembre. Le seize ou le dix-sept, ma mère et moi parons pour la Hollande, mais il faut que vous soyez ici le quatorze et que vous assistiez à la pièce de théâtre qui sera donnée par le Théâtre de verdure de Missembourg; nous vous attendons dès le sept ou le huit pour que vous passiez toute la semaine ici. Je relis ce que je viens d'écrire et je vous félicite si vous comprenez quelque chose à toutes ces dates. Les chiffres embrouillent toujours tout; ce que je voulais vous dire est bien simple : venez au moins pour toute une semaine et si possible faites coïncider votre séjour avec la date où l'on donnera la pièce de théâtre. Je vous montrerai Anvers, l'Escaut; une charmante ville (Lillo), la plus petite de Belgique sur le bas Escaut; nous irons voir la maison de Rubens qu'on vient de reconstituer, le musée Plantin, et vous aurez le temps de rêver dans le jardin où autrefois se promenait Madame Orpha. Ici à l'abri de nos haies nous vivons hors du temps. Six albums de vieilles photos sont là dans l'armoire qui attendent votre main pour les ouvrir, il y a l'armoire aux trésors, et toutes sortes de livres curieux remplis d'images de couleurs. Il n'y a malheureusement pas de décalcomanies mais j'espère que cette infidélité au rêve ne vous empêchera pas de venir. J'oubliais le stéréoscope, le feu ouvert, et notre vieux chien Kim. Répondez vite que vous venez, avec toute mon amitié Paul W. P.S. – Elza et moi parlons souvent de la délicieuse journée passée avec vous à Paris.
Table des matières Paul Willems et Jacques Ferrand, par Francis Willems Remerciements Lettres à Jacques Ferrand 1/ Le 19 août 1946 2/ Le 5 février 1950 3/ - 4/ Le 4 octobre 1952 5/ - 6/ Le 17 avril 1953 7/ - 8/ Toussaint 9/ 13.1.55 10/ Missembourg, le 11 août 1955 11/ Le 7.1.55 12/ Missembourg, le 22.9.55 13/ - 14/ Le 16.8.56 15/ Missembourg, le 11 octobre 1957 16/ 16.9.57 17/ Missembourg, le 21.11.57 18/ 13.10.1960 19/ 13.10.60 20/ 21.3.61 21/ le 5 novembre 1961 22/ 25.7.61 23/ 28.9.62 24/ 16.2.63 25/ Tokyo 5.3.63 26/ Missembourg, 6.7.63 27/ Vienne, 16.9.63 28/ 21.9.64 29/ 10.4.65 30/ 27.7.65 31/ Dans mon lit à Missembourg, le 16.1.66 32/ Moscou, le 2.2.66 33/ Dimanche 34/ Jeudi 28 [1967] 35/ 1.3.67 36/ Moscou, le 4.4.67 37/ Pathmos, le 18 août 1967 38/ Pathmos, le 20 août 1967 39/ 28.11.67 40/ 16.6.68 41/ Missembourg, le 12 juillet 68 42/ Missembourg, le 30 septembre 1968 43/ 15.2.69 44/ Missembourg, le 15 juin 69 45/ Missembourg, le 11 novembre 69 46/ - 47/ Samedi 21 novembre 1970 48/ 21.1.71 49/ Le 9 avril 1971 50/ Le 5 mars 1972 51/ Chapel Hill, le 17 mars 1973 52/ Missembourg, le 27 novembre 73 53/ Missembourg, le 6 mars 1974 54/ Samedi 55/ Missembourg, le 17 novembre 56/ 15 décembre 1974 57/ Missembourg, le 16 mars 1975 58/ Missembourg, le 19 octobre 1975 59/ Le 1er novembre 1975 60/ Rabat, le 16 novembre 1977 61/ 25 juin 1978 62/ Missembourg, le 12 septembre 1979 63/ Missembourg, le 10.12.80 64/ 14 mars 1987 65/ Missembourg, le 7 septembre 1988 66/ 11 avril 1990 67/ 1er septembre 1991 68/ Missembourg, le 24 décembre 1992 69/ 10 septembre 1993 70/ Missembourg, le 23 janvier 1994 71/ Missembourg, le 16 février 1994 72/ Missembourg, le 16 avril 1994
À PROPOS DE L'AUTEUR
Paul Willems

Auteur de Lettres à Jacques Ferrand (1946 - 1994)

Né le 4 avril 1912, Paul Willems passe son enfance dans la propriété familiale de Missembourg, à Edegem, près d'Anvers, où les automnes et les hivers merveilleusement solitaires, les journées et les mythes, la nature et les légendes mis en mots par sa mère, la romancière Marie Gevers, l'éveillent à la magie d'un lieu isolé et d'une langue qui n'est pas celle des alentours. La vie lui fait parcourir, autour du domaine enchanté, des cercles de plus en plus larges; toujours, cependant, il revient à Missembourg et à l'Escaut qui coule vers le grand large, le fascine et l'appelle. Après ses études secondaires à Anvers et un périple de deux mois dans l'Atlantique, il entreprend le droit à l'Université libre de Bruxelles et lit Joyce, Hamsun et Lawrence. Il se spécialise en droit maritime, puis il voyage en France où il rend visite à Giono, et séjourne en Bavière où il découvre le romantisme allemand qui, par le biais de la peinture — il est fasciné par l'œuvre de Caspar David Friedrich — et de l'écriture — il lit avec passion Novalis, Kleist et Brentano s'attache au mystère des choses. Revenu en Belgique après cet apprentissage majeur, il devient avocat stagiaire au barreau d'Anvers, puis il entre, pendant les années de guerre, au service du ravitaillement, et épouse Elza De Groodt. Le roman qu'il a commencé à son retour d'Allemagne est publié en 1941 : Tout est réel ici. Dans ce texte frémissant d'images, de subtiles analogies font peu à peu disparaître la frontière entre le prosaïque et le merveilleux, le quotidien et le rêve. Une même dimension féerique marque L'Herbe qui tremble (1942), une sorte de journal intime mêlé de récits, et La Chronique du cygne (1949). On la retrouve également dans le premier théâtre de Paul Willems. Devenu secrétaire général du Palais des Beaux-Arts, il rencontre Claude Étienne qui lui commande une pièce pour le Rideau de Bruxelles, Le Bon Vin de Monsieur Nuche, accompagné d'une musique d'André Souris. Il donne ensuite, de 1951 à 1962, Peau d'ours, Off et la lune, La Plage aux anguilles et Il pleut dans ma maison (sa pièce la plus célèbre, créée d'abord en langue allemande à Vienne et à Cologne, jouée à Bruxelles avant de l'être à Moscou, à Omaha et à Belfast…), autant de moments où la fantaisie le dispute à la poésie. Une inquiétude, cependant, s'y fait jour: il n'est pas de magie ou d'enchantement qui ne laisse apparaître, çà et là, une brisure ou un arrachement. «Il y a certes dans mes pièces des moments de ravissement, dit l'auteur, mais cela ne change rien à mon pessimisme fondamental.» Une noirceur s'installe, qui avait marqué de façon assez foudroyante Blessures, un roman d'une grande densité tragique mûri pendant la guerre et publié en 1945. Le rêve, petit à petit, semble ne plus être qu'un refuge en face de la vie mutilante. Désormais, et pendant plus de vingt-cinq ans, le théâtre de Paul Willems, qui ne méconnaît ni l'âpreté, ni la cruauté ni les dérives langagières, donne à voir les vertiges intérieurs et la débâcle des sentiments, dans un monde plein d'ombres menaçantes, où le temps se fige, où la mémoire est lacunaire et les mots ambigus. Warna ou le Poids de la neige, La Ville à voile (qui obtient le prix Marzotto de même que le Prix triennal du gouvernement belge), Les Miroirs d'Ostende, Nuit avec ombres et couleurs, Elle disait dormir pour mourir et La Vita breve sont des œuvres dramatiques qui mêlent, avec une éclatante maîtrise le sourire et la douleur, la platitude du réel et le rêve d'un ailleurs, l'inventivité verbale et les jeux de miroirs troublants. Elle sont publiées en plusieurs langues (notamment en anglais et en allemand) par les soins de traducteurs fidèles. Elles balisent durant ces années la vie d'un homme qui agit, se déplace et joue un rôle prépondérant dans la vie culturelle. Devenu directeur général du Palais des Beaux-Arts, il sillonne le monde à la recherche de réalisations artistiques qu'il invite le public belge à découvrir. Parmi ces voyages, ceux qui le mènent en Autriche, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Russie et en Chine le marquent profondément; il découvre, dans ces deux derniers pays en particulier, des formes de poésie, de musique, de danse et de chant dont l'étrangeté et l'intensité l'éblouissent durablement, comme en porte témoignage toute une partie de son œuvre. En 1969, retrouvant une idée qu'il avait déjà eu l'occasion de mettre en œuvre lors de l'Exposition universelle de 1958, il crée avec Franz de Voghel le festival Europalia qui, tous les deux ans, définit un pays par la diversité de ses pratiques artistiques. Un tel miroitement culturel ne l'empêche à aucun moment de retourner au texte, où se joue l'essentiel. Élu à l'Académie le 13 décembre 1975 à la succession de sa mère, il reçoit cinq ans plus tard le Prix quinquennal de littérature pour l'ensemble de son œuvre puis se retire progressivement à Missembourg. Convaincu que l'écriture est un voyage, il convoque ses souvenirs et ses notes et revient, avec La Cathédrale de brume (1984), Le Pays noyé (1990) et Le Vase de Delft (1995) à la forme narrative de ses débuts. Dans ces récits de longueur variable — qui, tous, d'une manière ou d'une autre, appartiennent à ce que l'auteur appelle la mémoire profonde et éclairent l'ensemble de son œuvre —, il tente, en une démarche proche du cheminement initiatique, de cerner d'invisibles blessures et des bonheurs ineffables, de percevoir le dédoublement du monde, d'entrevoir l'envers des choses, de saisir un instant leur autre dimension. Sur tout cela, il s'interroge en autobiographe et en sourcier de l'imaginaire qui passe imperceptiblement de la vie à la littérature, du souvenir à sa transposition poétique dans Un arrière-pays. Rêveries sur la création littéraire (1989). Ce qui se donne à lire, dans ce commentaire qu'il adresse à ses jeunes lecteurs, au cours d'une série de conférences données à Louvain-la-Neuve, est une véritable poétique de la mémoire. Paul Willems est mort le 28 novembre 1997.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Lettres à Jacques Ferrand (1946 - 1994)"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9504 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Lettres sur l'ermitage d'Edmond d'Hoffschmidt de Resteigne dit l'Ermite

Pierre Jodogne a réuni dans ce fascicule une partie de la correspondance que Edmond d'Hoffschmidt, seigneur de Resteigne, entretint avec Célestin Hérin, notaire à Tellin. Ces quatorze lettres contiennent toutes une référence à l'ermitage, lieu que cet homme avait quitté depuis plusieurs années pour vivre…

« Zénon, sombre Zénon » (volume 5) : Correspondance 1968-1970

Dernier volume de la série de correspondances D’Hadrien à Zénon, « Zénon, sombre Zénon » couvre les années 1968-1970 qui voient la parution de L’Œuvre au noir quand éclate Mai 68. Nombre de lettres éclairent le regard rétrospectif que Marguerite Yourcenar pose sur son œuvre, délivrent des analyses précieuses de son esthétique, de sa poétique romanesque. D’autres rendent compte des conflits avec le monde de l’édition, avec Plon, ou laissent entrevoir les prémisses d’un vaste projet autobiographique en germe qui deviendra Le labyrinthe du monde. Parmi les innombrables destinataires, des éditeurs, des auteurs, des critiques, des lecteurs, Claude Gallimard, Bruno Roy,  Gabriel Marcel, Béatrix Beck, Patrick de Rosbo, Jean Guéhenno, Marcel Arland, Georges Sion, Carlo Bronne, Marcel Thiry…, auprès desquels elle approfondit des points nodaux de sa pensée de l’art, apporte des précisions quant à la manière d’interpréter ses œuvres. Comme Joseph Brami et Michèle Sarde le mentionnent dans la préface, la position de Yourcenar sur l’expérience créatrice se singularise par un double mouvement. D’une part, l’expérimentation d’un phénomène de dépossession, de rapt (bien des critiques ne saisissent pas que « le livre ‘se fait’ en nous » écrit-elle, qu’il advient de son propre chef), d’autre part, une volonté d’orienter, au travers de préfaces, de notes, l’interprétation que les lecteurs produiront de ses textes. La non-maîtrise en amont, au niveau de l’écriture du livre, des personnages qui s’imposent se double d’une tentative de maîtrise en aval, au niveau de la réception. Étrangère aux modes, aux tendances littéraires, l’autrice du Coup de grâce, de Feux pratique une écriture qui se tient à distance de l’ego, de l’autofiction et privilégie un jeu de monstration et de dérobade.«  Tous comptes faits, toute œuvre littéraire semble construite en partie pour révéler, en partie pour cacher ce soi qui jamais ne se suffit à lui-même mais qui jamais n’est absent, et c’est peut-être ce jeu toujours un peu trouble qui constitue ce qu’on appelle la littérature  » écrit-elle à Lidia Storoni le 27 février 1970.       À de nombreuses reprises, Yourcenar a confié combien elle est habitée, hantée par ses personnages, combien la présence de Zénon à ses côtés est plus palpable, plus réelle que celle de ses contemporains. À contre-courant des mouvements d’avant-garde qui, comme le Nouveau Roman, congédiaient l’importance des personnages ou de l’intrigue, l’autrice des Mémoires d’Hadrien brandit un fervent plaidoyer en faveur de la densité des créatures nées de son imaginaire («  Je sentais à vous entendre le définir si bien, Zénon plus réel que moi  » écrit-elle à Jean-Louis Gourg le 2 mars 1969).La voix de celle qui, quittant la France, s’installa avec sa compagne Grace Frick au cœur de la nature sur l’île des Monts Déserts dans le Maine, laisse affleurer sa vision pessimiste de l’état du monde, la puissance pionnière de sa pensée écologique et sa désolation face aux ravages irréversibles des formes du vivant. Au fil de cette riche correspondance, on découvre aussi les échanges relatifs à son élection à l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique, en 1970, dix ans avant son élection houleuse à l’Académie française, d’éblouissants développements sur la dimension spirituelle, la quête de la liberté et de la vérité menée par Zénon, des réflexions sur Mai 68 lorsqu’elle arrive à Paris ou encore des appels à l’arrêt de la guerre au Vietnam. Les parallèles et les échos historiques qu’elle dresse entre l’époque de la Renaissance dans laquelle vit Zénon et la contestation de Mai 68 insistent sur la force de l’esprit qui dit « non » à un monde tenaillé par la chape de plomb de la religion ou de la société de consommation «  et de destruction  ». Même si leur révolte se dissipe trop souvent en violences qui n’ont d’autres résultats que d’aggraver, au moins momentanément, la situation, elle prouve qu’on ne manipule pas si facilement qu’on le croit l’âme humaine, et que tout comme le christianisme au XVIème siècle, et même bien plus tôt, a eu ses athées, précautionneusement certes, mais aussi virulents (…), la « société de consommation » et de destruction commence à avoir les siens   (Lettre à Jean-Paul Tapie  du 1er février 1969).       Véronique Bergen Plus d’information Au cœur des événements de mai 1968 paraît  L’Œuvre au Noir . À l’automne, c’est la consécration critique et publique avec l’obtention du prix Femina. Tant l’œuvre que la renommée de la romancière changent de stature. Au cours de l’année qui suit, Yourcenar est sollicitée par des journalistes, des amis, des écrivains et philosophes, des éditeurs, des lecteurs inconnus. La correspondance qui en résulte est une leçon de grand style épistolaire. En 1970, Yourcenar est élue à l’Académie royale de Belgique — une décennie avant son élection à l’Académie française. Avec l’ébauche de  La Couronne et la Lyre  et du grand projet autobiographique du  Labyrinthe du monde , on voit apparaître le tableau achevé de l’œuvre, tel que le dispose pour la postérité l’écrivaine, et les lettres de cette correspondance générale sont l’occasion pour le lecteur « de suivre, à travers le brouhaha des faits extérieurs, l’aventure…