Marguerite Yourcenar était une épistolière prolixe. L’époque, ses nombreux voyages, sa vie d’exilée sur son île états-unienne étaient propices à la correspondance. Nombre de ses lettres ont déjà paru en volume[1], il en paraît encore et probablement qu’il en paraîtra davantage quand ses archives, tenues secrètes jusqu’en 2037, selon sa volonté de fer, seront enfin dévoilées. Volonté de fer : Yourcenar blindait sa correspondance comme son œuvre. Ses lettres à Emmanuel Boudot-Lamotte « n’ont pas été déposées par l’écrivaine dans les archives de la bibliothèque Houghton avec les correspondances destinées d’emblée à la postérité », comme le rappellent Elyane Dezon-Jones et Michèle Sarde, dans l’avant-propos. D’ordinaire, Yourcenar doublait…
Dans ce quatrième volume de correspondance couvrant les années 1964-1967, la voix de Yourcenar explore principalement trois directions : des réflexions éblouissantes sur ses œuvres en cours (L’œuvre au noir, son étude et ses traductions des Negro Spirituals dans Fleuve profond, sombre rivière, son anthologie La couronne et la lyre), ses conflits juridiques avec Plon, ses combats environnementalistes, son pessimisme face à l’évolution du monde. D’emblée, frappe la hauteur de vue, ce regard yourcenarien qui décèle l’intelligibilité du tout dans un détail et perçoit dans les grands mouvements historiques et géologiques les bruissements du temps et de l’éternité.Adressées à des écrivains — Georges Sion, Alain Bosquet, Natalie Barney, Hortense Flexner… —, à…
Dans Mémoires d’Hadrien, L’œuvre au noir, Marguerite Yourcenar se penche sur la matière des songes, analysant l’activité imaginaire des dormeurs, mais c’est dans Les songes et les sorts paru en 1938 qu’elle explore la nature de la vie onirique. Depuis le rivage de la veille, elle retranscrit avec la plus grande fidélité vingt-deux songes qui ont peuplé sa vie nocturne. S’adonner à l’écriture implique souvent d’être ouvert aux productions de l’inconscient, au nombre desquelles les rêves. En fonction de leur contenu apparent, ces songes se répartissent en divers cycles, ceux du père, de l’église, de la mort, de la terreur… dont elle suit les images, la construction, les récurrences avec l’attention de qui, tout en étant éveillé, demeure branché sur cette…
Les figures des légendes grecques n’ont cessé, à travers les siècles, de nourrir la création occidentale et de nous aider à concevoir et à rêver le monde. Souvenons-nous, entre autres, combien nous avons été bouleversé.e.s par l’Antigone et l’Œdipe sur la route d’Henry Bauchau.L’œuvre de Marguerite Yourcenar doit beaucoup aux modèles, aux personnages de la Grèce antique depuis son premier livre, publié à compte d’auteur alors qu’elle n’a pas même vingt ans, Le jardin des chimères, « un poème dramatique revisitant maladroitement le mythe d’Icare », ainsi que le qualifie Achmy Halley. On retiendra tout particulièrement Feux (1936), dédié à Hermès, messager des dieux. Il y aura aussi une pièce de théâtre, Électre ou la Chute des masques (1943)…
Dernier volume de la série de correspondances D’Hadrien à Zénon, « Zénon, sombre Zénon » couvre les années 1968-1970 qui voient la parution de L’Œuvre au noir quand éclate Mai 68. Nombre de lettres éclairent le regard rétrospectif que Marguerite Yourcenar pose sur son œuvre, délivrent des analyses précieuses de son esthétique, de sa poétique romanesque. D’autres rendent compte des conflits avec le monde de l’édition, avec Plon, ou laissent entrevoir les prémisses d’un vaste projet autobiographique en germe qui deviendra Le labyrinthe du monde. Parmi les innombrables destinataires, des éditeurs, des auteurs, des critiques, des lecteurs, Claude Gallimard, Bruno Roy, Gabriel Marcel, Béatrix Beck, Patrick de Rosbo, Jean Guéhenno, Marcel Arland, Georges Sion,…