Écrire des biographies est un exercice apparu tardivement dans la carrière polymorphe de Jacques de Decker. Un exercice qui correspond pleinement à l’une des missions qu’il s’est données : être un passeur culturel. Il répond aussi à un questionnement personnel sur l’importance de l’œuvre (Ibsen) ou sur le génie créateur (Wagner).
Comment en êtes-vous arrivé, dans votre carrière déjà bien remplie, à écrire des biographies ?
En 2005, Gallimard avait besoin, pour lancer le projet « Folio Biographies » [1], de plusieurs volumes. Gérard de Cortanze, responsable de collection, m’a contacté et m’a demandé si je voulais écrire une biographie et quels seraient mes souhaits particuliers. Quand il m’a précisé de quel genre d’ouvrages il s’agissait,…
Romancier, biographe, auteur de théâtre, Jacques De Decker est aussi un passeur littéraire : de par la profession de journaliste littéraire et culturel qu’il a longuement exercée tout d’abord, en tant qu’intervieweur et animateur de rencontres littéraires ou encore comme adaptateur pour le théâtre ensuite, mais également par son attention jamais démentie pour la littérature belge – qu’elle s’écrive en français ou en néerlandais.
Sous les ors du palais des Académies – « pur décorum », nous dit-il, « l’Académie siège dans un palais parce que personne d’autre ne veut d’un bâtiment assorti de telles contraintes » –, il évoque pour Le Carnet et les Instants l’institution dont il devient secrétaire…
Le plus chouette dans ce travail, c’est l’horaire. (…) c’est cool (…) Le quartier du Sablon est sympa aussi, il y a plein de boutiques dans les environs (…).
Dès la première page, Jacques De Decker adopte un langage simple, familier, et nous projette dans un monologue intérieur, qui s’étendra jusqu’au terme du micro-roman : une jeune femme nous raconte une tranche de vie, elle semble se construire, se reconstruire, autour de son nouveau travail, la surveillance d’une galerie d’art.
Surgissent d’emblée une série d’invariants dedeckeriens. La capacité à faire vivre des femmes (évidente dans ses six pièces de théâtre). Le désir de fuir l’intellectualisme (lui qui fut un grand intellectuel) ou l’académisme…
Une œuvre ne se laisse pas réduire à l’effet immédiat qu’elle a produit lors de sa première apparition : ni dans l’espace sociologique, ni dans la mémoire de ceux qui l’ont côtoyée. Il faut y ajouter la lumière qui naît d’une entreprise créatrice quand elle échappe aux circonstances originelles et qu’elle entre dans la durée. S’agissant de Jacques De Decker, se souvenir de son talent de chroniqueur, de romancier, de débatteur – et d’incomparable ami pour ceux qui ont pu jouir de sa fréquentation régulière – ne suffit pas. On risque de manquer le cœur du personnage, le centre de sa pensée, et de rester aveugle à l’essentiel.L’illusion rétrospective, par laquelle les auteurs du passé apparaissent dans une perspective…
L’art contemporain et les questions qu’il suscite se confondent dans le micro-roman de Jacques De Decker, Suzanne à la pomme, qui nous parle de la vie, du quotidien et du petit monde du quartier des Sablons.
Décédé peu avant la parution de son ouvrage aux éditions Maelström ReEvolution, Jacques de Decker choisit une plume d’une simplicité surprenante dans Suzanne à la pomme. On tente d’y mettre en exergue les aspects essentiels à la survie de l’homme : la culture, le partage et les relations. Suzanne, personnage principale de ce récit, y est décrite comme une femme belle et intelligente avec un soupçon de naïveté accompagné d’un bon manque d’expérience en matière d’art.
« J’étais une gamine, et je savais ce que je voulais…