Les jours passent comme un bouquet de sensations hétéroclites, une mosaïque d’instants. Francesco Pittau tente de capturer ces surgissements, ces révélations fugitives, ces presque rien ; de les piquer dans un mot, dans quelques lignes, dans un poème.Il y a l’émerveillement d’un réveil, un émerveillement dont on ne sait la cause, seulement qu’il vous emplit : Je me suis levé réveillé par le soleil la sieste est terminée L’odeur du savon à l’olive embaume la terrasse. Des souvenirs lointains – une odeur, un toucher – reviennent à l’improviste et semblent arrêter le temps. Le poète a alors la sensation de surplomber sa vie, comme si toutes ses parties devenaient soudain simultanées.Sur la grande table en bois de chêne les boules de…
Francesco Pittau ne va pas chercher ses matériaux poétiques dans des sphères éthérées. Lui suffisent la simple maison, le jardin et la cuisine, une voiture conduite sur la route, quelques recoins du paysage urbain, les courses au magasin. Lui suffisent tout autant : telle piécette au fond d’une poche, la chaleur estivale, une vieille lettre bonne à jeter, des souvenirs anecdotiques, toutes choses proches de l’insignifiant ou du dérisoire. Ce qui accroche l’attention, c’est la manière dont, chaque fois, le poème parvient à leur donner sinon un sens explicite, du moins un relief ou un intérêt – dont la raison exacte reste certes discrète, mais qui s’impose néanmoins avec un effet d’évidence. Multiples, on l’a entrevu, sont les notations relatives à l’espace…
Francesco Pittau se révèle écrivain aussi prolifique qu’homme discret. Parcourez la Toile, et vous constaterez que peu d’informations personnelles sont capturées dans ses fils. Bien entendu, vous trouverez l’essentiel – ses livres, ses albums, ses recueils – ; par contre, à peine quelques renseignements biographiques : une naissance en Sardaigne dans le milieu des années 1950, des études de Beaux-Arts à Mons, une collaboration intime avec Bernadette Gervais, un lieu de résidence dans la région bruxelloise. Cela pourrait être amplement suffisant… s’il n’y avait cette curiosité titillée lorsque l’on se plonge dans Longtemps et des poussières, roman qui semble posséder un ancrage autobiographique. Peut-être parce que le protagoniste est d’origine italienne…
Samedi 27 octobre 1962. Au cœur de la Guerre froide, le monde passe à quelques étincelles d’une pulvérisation nucléaire. La crise des missiles de Cuba atteint son paroxysme ; les mycéliums atomiques se ramifient sous les eaux caribéennes, dans les airs sibériens ou sur les terres insulaires. Dans le poste de radio, la voix du journaliste égrène des nouvelles inquiétantes.Tête-Dure, lui, ne se soucie guère de cette litanie pré-apocalyptique, ni des vitupérations de son paternel condamnant, d’une parole rincée à la Celta Pils, les Capitalistes et les Juifs, tous des voleurs ! Non, le vrai danger menace ailleurs, ici, sous la table à manger, caché par une nappe à franges, là où Tête-Dure « maîtrise le monde : l’herbe peut pousser, le bison paître, le cheval…
L’œuvre de Francesco Pittau est semblable aux épissures qui donnent leur nom à l’un de ses recueils, ces forts cordages, serrés de fils contradictoires et soudain convergents. Dans la torsion sont pris l’enchantement et la mélancolie, l’éternité fugitive de l’enfance et la brièveté fossile de l’âge qui se fane.Tel est le geste que tente l’écriture : embrasser à toute force quelque chose de la vie qui surgit et du monde qui s’en va. Le nouage, au sein de l’œuvre, de la part de l’enfance et de celle de l’adulte, du charme espiègle des débuts et de celui évasif de la fin s’inscrit dans ce désir et se fait autour d’une sensibilité à l’infime et aux menues sensations de la vie.Dans La fleur jaune, Francesco Pittau entame l’opération patiente de…
On ne se souvient pas des jours, on se souvient des instants, écrit Cesare Pavese dans Le métier de vivre. Avec le coup d’œil du dessinateur qu’il est, Francesco Pittau nous donne à lire avec les poèmes de Quartier-Mère un livre de fidélité mémorielle : la famille, la culture italienne, la double appartenance identitaire de l’immigré, le travail dans les charbonnages, les rêves d’ailleurs et la réalité sociale, l’enfance… sont ici finement évoqués, avec une sobriété de ton et de forme qui n’en souligne que mieux l’évocation vibratoire. Au fil des pages de ce poète au trait ferme, dont la sensibilité maîtrisée rehausse le pouvoir d’émotion, nous sommes invités à feuilleter le livre d’images d’une vie, de la Méditerranée aux terrils du Borinage,…
Karoo revient, un peu tardivement, sur le recueil Épissures de Francesco Pittau publié par l’Arbre à paroles en 2020. Une somme poétique sans prétention et néanmoins bouleversante.
Francesco Pittau est connu, d’abord, pour ses si nombreuses œuvres tournées vers la jeunesse. Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion de parler de lui, avec déjà beaucoup d’admiration, pour son récit-roman, Tête-dure publié aux Carnets du Dessert de Lune. Mais l’écrivain, formé à la peinture et à la gravure, est aussi illustrateur, éditeur… et poète. Un poète du quotidien, comme en témoigne le riche recueil sorti en septembre 2020 à l’Arbre à Parole, Épissures.
Plus qu’un recueil, on devrait dire un journal poétique, s’étirant sur des années de captation…
Pour Karoo, Thibault Scohier part à la découverte de la sélection 2016-2017 du prix des Lycéens de littérature : voici Tête-dure de Francesco Pittau.
À peine plus d’une journée dans la vie d’un jeune garçon, fils d’immigré italien, dans la Belgique des années 1960. Tête-dure n’a pas à proprement parler d’intrigue. Le but de ce court roman, qui est presque une longue nouvelle, est de peindre un tableau de la vie quotidienne des classes populaires belges. Ce type d’approche sociale et naturaliste est aujourd’hui passée de mode. Pourtant l’œuvre de Francesco Pittau démontre qu’elle conserve toute sa puissance et permet d’approcher l’histoire de manière sensitive et percutante.
Tête-dure est un gamin pauvre, qui s’invente des histoires avec…