Savez-vous danser le tango?Corinne Hoex vous y invite, dans un poème troublant, cerné des sombres, intrigantes gravures de Martine Souren, intitulé tout simplement Tango.Il faut danser, nous rappelle-t-elle, mais il lui manque une robe qui tienne au corps, alors que la sienne se dérobe en soieries glissantes, en rubans satinés, en franges mouvantes.Une étrange plaquette, qui nous laisse au bord d’un secret. L’art de danser le tango, de tout son cœur, de tout son corps, peut-être.Francine Ghysen
Dans Leçons de ténèbres, Corinne Hoex s’inspire de l’œuvre de Gesualdo (1566-1613) et de la « légende noire » [1] qui caractérise sa vie. À travers cinq mouvements, en de courts poèmes, elle décrit le musicien mais aussi la condition humaine en général et l’artiste moderne en particulier : comme un leitmotiv y revient en effet un substantif : « solitude ». Descendant d’une famille noble de Sicile, Gesualdo se rendit célèbre en 1590 en faisant assassiner sa première épouse et son amant. L’œuvre de ce maître du madrigal italien attendra les années cinquante pour être appréciée mondialement à sa juste valeur. À la mort de son père, il devient un des princes les plus riches de l’Italie du Sud. Remarié, il s’installe à Ferrare, important centre…
Dans le recueil poétique superbement illustré par Marie Boralevi, Corinne Hoex cisèle en des textes aussi percutants que concis un univers trouble gravitant autour de l’enfance, de la condition féminine. Sous la forme de comptines acérées, elle nous plonge dans la loi de la prédation masculine, dans le ballet de la blondeur enfantine et de son saccage. Les exergues d’Annie Ernaux et de Caroline Lamarche donnent le ton de cette éducation/déséducation sentimentale que l’auteure de Ma robe n’est pas froissée, Le grand menu, Le ravissement des femmes déplie en six scansions allant de l’état de grâce à la mise à mort de la nymphette. L’échiquier de la séduction féminine et de la destruction ne ménage aucune issue : toujours déjà écrite, l’histoire distille son…
Existe-t-elle vraiment cette ville d’Uzès ? Sans doute est-ce une destination prisée pour les amoureux du Sud de la France mais pour d’autres, le nom même de cette commune résonne comme un leurre, une hypothèse. Pour Corinne Hoex, la ville n’a pas de consistance même si paradoxalement elle n’en finit pas de bruire, de renvoyer l’écho d’une déception. Le titre de son dernier recueil en témoigne, Uzès ou nulle part. Une ville comme gommée de la carte, une ville-fantôme.Il disait Uzès,Un jour à Uzès.Le nom d’une villeOffert en otage.Il disait UzèsComme il disait rienUn leurre. Une chimère.Un divin mirage.Quel mirage ? Celui sans doute d’une promesse faite, celle de visiter la cité en compagnie de l’autre, d’arpenter ses ruelles, ses jardins. Sentir ensemble…
Excellente initiative, cette réédition en Espace Nord du premier roman de Corinne Hoex, Le Grand Menu, paru en 2001 aux Editions de l’Olivier ! Il en émerge avec une grande fraîcheur, tout auréolé pourtant des succès qui ont suivi, tant dans le champ romanesque que dans la poésie ou la dérive historique. J’avais beaucoup aimé déjà à l’époque, cette suite inattendue d’épisodes coupés dans le vif d’un présent continu. La quatrième de couverture supposait alors « une tragédie muette », mention assortie d’un point d’interrogation, il est vrai. Rien n’est plus retenu que cette série d’évocations d’un monde clos sur une enfant et ses adultes de parents.Non, la petite fille qui énonce en phrases brèves son vécu quotidien n’est pas une enfant martyre.…
Le conditionnel est-il un mode ou un temps ? Le débat, loin d’être clos entre grammairiens et linguistes, pourrait trouver une ébauche de solution chez les poètes, en l’occurrence ici chez une poétesse. En effet, dans la plaquette L’Été de la rainette, qu’elle publie à l’enseigne du Cormier, Corinne Hoex ouvre tous ses textes par un énigmatique « Ce serait… ». Par là, un processus très subtil se réamorce dans l’esprit du lecteur, qui consiste à situer la scène dans laquelle il refait à chaque fois irruption entre l’imaginaire hypothétique et l’imparfait du souvenir évanescent.Comment mieux retisser la trame effilochée de la mémoire que par cette trouvaille syntaxique élémentaire ? « Ce serait l’été », et l’atmosphère se cristallise, l’air…
Dites 33 et vous rencontrerez autant de personnages dans Valets de nuit, le dernier livre en prose de Corinne Hoex, lesquels vous seront tout dévoués comme l’indique leur titre. Peut-être pas tout le temps, mais en tout cas la nuit, quand vous rêvez. Est-on responsable de ses rêves ? Bien sûr que oui. Inconsciemment sans doute, à ceci près qu’ils correspondent probablement plus à un désir informulé ou informulable qu’au hasard de la position du dormeur ou à la qualité de son matelas. Ce sont ces rencontres furtives, totalement fantasmées ou secrètement souhaitées que nous racontent les trente-trois textes courts, économes, incisifs du volume.Chaque nuit, la rêveuse – dort-elle vraiment ? – imagine rencontrer un homme différent. Il peut surgir de son univers…
Publié aux éditions Tétras Lyre, le dernier ouvrage de Corinne Hoex semble le miroir d’un autre, paru une dizaine d’années auparavant dans la même maison, L’autre côté de l’ombre (2012) : format identique, coexistence du texte et de l’image, questionnement du visible et fractionnement d’un long poème en petites parts subtiles – comme pour étirer les secondes et y puiser plus encore de matière à explorer. L’ombre de toi-même est un livre délicat, patiemment tissé entre les instants nébuleux qui marquent l’entrée dans la nuit.Tu viens au monde le soir.Le projecteur s’allumeau pied de la chapelle,ravit dans son faisceaules branches du tilleul,le feuillage du grand chêne.De cette lumièrechaque nuit tu nais.Cette fois cependant, Corinne Hoex voyage en solitaire.…
Corinne Hoex est aussi bien prosatrice que poétesse. Elle en offre une preuve éclatante en ce printemps où, quelques semaines à peine après la sortie du livre de poésie L’ombre de toi-même parait un recueil de récits courts, Nos princes charmants. L’ironie point sous l’intitulé doucereux. Ni princes ni charmants, les personnages masculins dépeints ici sont des maris infidèles, des compagnons indifférents, qui préfèrent leur travail à leur épouse, des hommes vieillissants, dont le pouvoir de séduction s’amuït, des amants lassés. L’un ment pour dissimuler ses frasques, l’autre se fait odieux, quand un troisième ne voit plus guère en sa compagne qu’une cuisinière à sa disposition. Racontés surtout du point de vue des femmes, ces fictions déclinent toutes…