Juin

À PROPOS DE L'AUTRICE
Corinne Hoex

Autrice de Juin

Licenciée en Histoire de l’Art et Archéologie, Corinne Hoex a surgi dans le monde des Lettres avec un texte aussi incisif que bouleversant : Le grand menu, ou l'histoire d'une enfant unique cruellement couvée, livre publié en 2001 (éd. de l’Olivier) et immédiatement remarqué. Dans ses romans suivants, aux Impressions Nouvelles— Ma robe n’est pas froissée, tout aussi radical,et Décidément je t’assassine, sur le lien entre fille et mère au moment de la mort — puis chez Grasset — Le Ravissement des femmes, tableau caustique de lafascination exercée par un gourou séducteur —, Corinne Hoex persiste dans sa minutieuse noirceur sans jamais se départir d'un humour dévastateur. Guerrière aussi rusée que rieuse, elle n'emprunte jamais, s'agissant de la condition de la femme, les chemins du pathos. Raison pour laquelle, titulaire de nombreux prix, elle est aimée des lectrices et lecteurs qui, fidèlement, la suivent. Elle a publié chez différents éditeurs de nombreux et brefs recueils — souvent accompagnés de travaux d'artistes accordés à son univers — qui la distinguent comme poète de haut niveau. Dans l’impressionnant Cendres qui fait état du deuil du père, comme dans L’autre côté de l’ombre, tissé de nuit et de silence, ou le poignant et discret Été de la rainette (pour n’en citer que quelques-uns), son art, d’un laconisme extrême, rend compte, avec courage, de sujets éminemment intimes. D’autres textes, tels l’inclassable Décollations ou le coquin Valets de nuit, témoignent d’une belle fantaisie et d’une secrète érudition. Corinne Hoex répond par ailleurs volontiers à la commande, fournissant pour des ouvrages collectifs des textes qui vibrent de détails espiègles ou poignants. Si elle n’est jamais meilleure que lorsqu'elle s'adonne, avec délectation, à la férocité, ses écrits témoignent d’une singulière empathie. En somme, aussi gaie qu’acérée, elle traite tous ses sujets avec le talent d’une fine observatrice qui ne se départit pas un instant de sa lucidité.

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Nid

Mon corps est une armoire. Je vis dedans. Quand elles viennent, je voudrais me cacher ailleurs. Je pourrais m’enfuir et elles ne verraient rien, je serais toujours là.  Juxtaposées dans leur écrin blanc et noir, les phrases de Françoise Lison-Leroy ricochent sur les estampes de Pascaline Wollast , également magnétiques et sibyllines, à mi-chemin entre l’énigme et l’évidence. Ce bref récit poétique contient deux parties : « On a changé de pays » et « L’autre nuit » – deux parties qui se présentent comme les rives d’un fleuve, entre lesquelles serpente une histoire millénaire et pourtant toujours neuve. On a changé de pays introduit l’idée d’un mouvement, peut-être une fuite, un départ en tout cas qui bute d’emblée sur les murs d’une étrange maison, dont on ne sait s’il s’agit d’une prison ou d’un centre de soin – voire, de tout autre chose. Mais s’agit-il seulement d’échapper à quelque chose ou quelqu’un ? Peut-être est-il plutôt question de se soustraire aux regards, pour mieux retrouver ses souvenirs et les parfums tactiles du premier nid (ou premier lit) à l’approche du dernier. J’apprends par cœur une langue étrangère et quand je la connaîtrai, je pourrai sortir. Il ne faut pas se lancer dans le vide. Les deux autres, qui dorment à côté, ne parlent pas. Écoute ce silence.  Le premier sous-titre est aussi la première phrase de l’ouvrage, il enclenche le principe de répétition qui ponctue le récit : succession de litanies obsédantes qui participent à piéger l’attention des lecteurs dans la toile tissée par l’autrice. On rencontre alors des hypothèses qui deviennent le réel, «  on part quand on veut mais il faut remplir le formulaire  », des injonctions incongrues, «  je dois leur rapporter le livre de géométrie  », une histoire comme un jeu de plateau à échelle humaine dont le cours n’est pas tant déterminé par les volontés que par les coups de dés. Un très grand jeu dont il faut respecter les règles bizarres, les rites insaisissables et les hasards ; un jeu d’enfant, peut-être : celui qui engage le faire-semblant , le faire-comme si , les on-dit-que . Elles vont revenir. Cache-toi car elles vont revenir et me mettre dehors. Mes parents seront fâchés, il faut les appeler. Prends mon téléphone. On va dire qu’on ne comprend pas leur langue. On va dire que je n’ai rien fait. Mais cache-toi. Les autres sont déjà en route. Il ne pleut plus. On va pouvoir parler.  « On », « elles », « tu », « mes parents », « les autres » : autant d’entités plus ou moins définies qui accompagnent le « je » de la première partie et circonscrivent un territoire familier, où tout départ se trouve différé par un quotidien discipliné, l’échappée enrayée par une suite d’actions méthodiques. Pour autant, la fuite n’en est pas moins véritable : elle migre dans l’espace mental, se déploie à travers l’imaginaire et le souvenir qui ouvrent la deuxième partie. 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