Pascal a écrit : « L’homme, imbécile ver de terre, mais c’est préjuger de ce lombric dont nous ne savons à peu près rien ! » Il a raison, et bien au-delà du lombric…
Comme l’homme se juge intelligent par définition, il dénigre ce qu’il ne comprend pas. J’ai connu une dame qui, devant des propos dépassant son entendement, disait à son interlocuteur, après quelque ré-flexion : « Tu es bête ! »
Les animaux ont le malheur d’être privés de la parole (un bonheur, corrigeront certains misanthropes). L’homme peut donc sans peine les écraser de sa supériorité. Pris au mieux, il les nomme ses frères inférieurs. Comédie ! Il n’est guère enclin à les tenir pour membres de sa famille. En fait l’animal est hors cause. Pendant des siècles, les savants ont soutenu que les « bêtes » n’éprouvaient pas de sentiments. C’étaient des machines, sans plus. On peut lire, par exemple, dans le dictionnaire de Trévoux : « Il y a bien de l’apparence que M. Descartes a été poussé par sa doctrine à soutenir que les bêtes ne sentent point… » Dans le Discours de la Méthode, l’auteur ne les compare-t-il pas à des horloges ? Ce n’est pas la seule bêtise sortie de la plume de ce savant illustre. Au rebours de l’ animal privé d’élocution, l’Homme, vous le savez, disserte, explique, clame, s’exclame et déclame, susurre et murmure, vocifère, tonitrue, injurie, commente, invective, chuchote, louange, déplore, célèbre, vitupère ; en bref, use de diverses nuances pour exprimer tant bien que mal, et souvent plus mal que bien, ce qui lui passe par la tête. Cette faculté lui a permis de formuler force concepts abstraits qui ont singulièrement compliqué son existence sans lui ap-porter la moindre certitude. De surcroît, penché sur lui-même, il s’est découvert une foule de particularités qui ont donné naissance à plu-sieurs sciences, la plupart conjecturales et peu aptes à le sortir de ses perplexités… (R. A.)
Auteur de L’Homme est bête et l’a toujours été
Jean Tordeur a destiné ces articles à la page littéraire du Soir , journal à la rédaction duquel…
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…