La Fédération Wallonie-Bruxelles à la Foire du livre de Bruxelles | Objectif plumes

La Fédération Wallonie-Bruxelles à la Foire du livre de Bruxelles

Du 5 au 8 mars, la Foire du livre de Bruxelles prendra ses quartiers à Tour et Taxis. Cette édition, la dernière du commissaire Grégory Laurent, sera placée sous le thème du « Lire ensemble » et déroulera le tapis rouge au Maroc, pays invité, et à trois invités d’honneur : Leïla Slimani, Alessandro Baricco et Liao Yiwu. La Fédération Wallonie-Bruxelles sera présente comme chaque année, avec un programme culturel et un stand dédiés aux littératures belges francophones et en langues régionales

Le stand 205

La Fédération Wallonie-Bruxelles accueillera les visiteurs sur le stand 205, l’un des plus grands du salon. Une vaste librairie 100 % belge, avec des romans, de la bande dessinée, de la poésie, du théâtre, de la littérature de jeunesse disponibles en langue française, mais aussi en langues régionales. Tout au long de la Foire, des auteurs et autrices dédicaceront leurs oeuvres et rencontreront le public.C’est sur le stand que sera officiellement inauguré, le 4 mars, Objectif plumes, le portail web des littératures de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Un portail répertoriant 5.000 auteurs et presque 40.000 oeuvres, qu’il sera possible de tester sur le stand pendant toute la durée de la Foire.

Des expositions

L’exposition Un thé avec Gaya est une plongée dans l’univers littéraire et graphique de Gaya Wisniewski, lauréate du prix de la première oeuvre de la FWB en littérature jeunesse pour Mon bison.

Le Salon des jeunes lecteurs se veut quant à lui un espace de respiration et d’inspiration poétiques! Placé sous l’égide de Carl Norac, poète national 2020, textes et illustrations emmènent les visiteurs en voyage, à la découverte des beautés minuscules et à la poursuite de leurs rêves. La poésie, c’est pas du pipeau !, foi de Pascal Lemaître. Ses étudiants de La Cambre exposent quelques affiches réalisées dans le cadre d’un projet sur Achille Chavée, dont Carl Norac est un grand admirateur.

Des rencontres

La FWB propose aussi de nombreuses rencontres :

Oufti c’est tof! – Redécouvrir, partager et transmettre sa langue régionale

Jeudi 5 mars à 15h – Scène Fintro Vous souhaitez vous initier au bruxellois, au wallon ou au picard ? Ou partager les rudiments d’une de ces langues avec vos (petits-) enfants? Les intervenants vous présenteront les meilleures recettes disponibles pour ce faire. Intervenants: Jean-Jacques De Gheyndt, Louise Moor et Bruno Delmotte

Animatrice : Nadine Vanwelkenhuyzen

« Forgeries » – Prix de la première œuvre en bande dessinée de la FWB en 2019

Jeudi 5 mars à 15h – Scène verte Présentation de cet ambitieux travail d’édition indépendante porté par Romane Armand, Éléonore Scardoni, Adrien Le Strat et une galaxie de contributeurs. Intervenants: Romane Armand et Éléonore Scardoni Animateur: Bruno Merckx

Le PECA

Vendredi 6 mars à 15h – Scène rouge Le PECA est le « Parcours d’Enseignement Culturel et Artistique » mis en place dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence. Il s’agira de présenter ce projet d’envergure qui a pour ambition de créer des liens entre la culture et le monde scolaire, les artistes, les œuvres et les opérateurs culturels avec les élèves et leurs enseignants. Intervenants: Jean-François Fuëg, Dominique Volters, Laurent Moosen et Marie Baivier Animatrice: Diane-Sophie Couteau

 

Rencontre avec Aurélie William Levaux, lauréate du prix Atomium FWB en 2018

Vendredi 6 mars à 20h – Scène rouge La rencontre avec cette créatrice aux multiples facettes, illustratrice, performeuse et autrice, s’inscrit dans le cadre de l’exposition qui lui est consacrée dans le Palais des Imaginaires. Intervenante: Aurélie William Levaux Animateur : Bruno Merckx

Marrakech noir Vendredi 6 mars à 20h – Pavillon marocain Rencontre entre les auteurs Fouad Laroui et Taha Adnan qui ont contribué au recueil Marrakech noir. Une occasion d’aborder leur pratique du genre de la nouvelle, leur regard sur une ville (Marrakech, Bruxelles…), leur lien au récit policier. Intervenants: Fouad Laroui et Taha Adnan Animatrice: Laurence Ghigny

Histoires de plumes Dimanche 8 mars à 11h – Scène verte Élevés en batterie, compagnons de vie ou libres et sauvages, les oiseaux inspirent les écrivains car ils questionnent le rapport de l’humain à l’Autre, à l’animal et à l’environnement. Intervenants: Gil Bartholeyns, Vinciane Despret, Nicole Malinconi Animatrice: Anne-Lise Remacle

Je et les autres: l’autobiographie renouvelée Dimanche 8 mars à 15h – Scène Fintro Comment parler à tou-te-s lorsque l’on parle de soi-même? Deux auteurs belges explorent de nouvelles formes d’écriture autobiographique. Intervenants: Charly Delwart et Jérôme Poloczek Animatrice: Nausicaa Dewez

Un programme jeunesse 

Un accent particulier sera également mis sur le jeune public. En suivant les « lignes de métro », les jeunes lecteurs (9-18 ans) sont invités à s’arrêter sur différents stands où les attendent des activités littéraires.Sous le nom de « Jeunes pousses », la Fédération Wallonie-Bruxelles consacrera un focus aux jeunes créateurs de littérature pour la jeunesse.Avec le colloque 0-5 ans : Éveiller aux langages, aux livres et à la lecture, c’est une journée de réflexion sur l’importance de l’accès à la lecture qui sera proposée.

En pratique

Du 5 au 8 mars Tour & Taxis – Avenue du Port, 86C – 1000 Bruxelles (accès piéton) ou Avenue du Port, 88 (Parking extérieur) Jeudi : 10h – 19h Vendredi : 10h – 22h Samedi : 10h – 19h Dimanche : 10h – 19h

Entrée gratuite sur inscription

Tout le programme de la Fédération Wallonie-Bruxelles à la Foire du livre

Le programme de la Foire du livre



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Que nous racontent les archives sur un spectacle du passé?

Une plongée au cœur de la création du spectacle Slipping (ou ce rêve qu’on appelle la vie humaine) conçu par Carmen Blanco Principal.   *   Les arts de la scène sont éphémères par essence. Dès l’instant où les représentations se terminent, il n’en reste plus rien, à l’exception de souvenirs conservés dans la mémoire des spectateurs et de quelques archives qui nous donnent l’occasion de nous remémorer une représentation passée à laquelle on aurait assisté. Mais que nous racontent-elles d’un spectacle que l’on n’a jamais vu? Du texte à sa représentation, quelles questions spécifiques posent-elles? Que nous apprennent les notes, les exercices d’improvisation, la scénographie, etc. ? Le spectacle Slipping (ou ce rêve qu’on appelle la vie humaine), conçu par Carmen Blanco Principal, fut créé à la Balsamine le 6 juin 2004 et a tourné ensuite jusqu’en 2009. C’était le cinquième spectacle de la compagnie Furiosas et l’une de ses créations parmi les plus marquantes. v. Marie Baudet «Carmen Blanco Principal rejoint l’espace, son élément», La Libre Belgique, 5 octobre 2015.   *   Carmen Blanco Principal, 1963-2015, après avoir été l’assistante de Thierry Salmon, avait créé en 1994 sa propre compagnie, Furiosas, avec la chorégraphe Monica Klingler et la scénographe Patricia Saive. Ensemble, elles conçurent une série de spectacles caractérisés par un mélange des genres, théâtre, danse, cirque… Par la suite, Carmen créa quelques autres spectacles avec d’autres intervenants. En octobre 2015, elle décéda brutalement à l’âge de 52 ans, dans un accident de voiture sur une route en Italie. Quelques années après ce tragique accident, une quarantaine de caisses d’archives sont déposées par sa sœur aux Archives & Musée de la Littérature. Parmi celles-ci, quatre dossiers relatifs au spectacle Slipping. On y trouve de la documentation préparatoire, des notes de création, des dossiers de présentation, des programmes, des dossiers administratifs (subventions, tournées, etc.). Mais aussi des vidéos de répétitions et des captations de représentations. Ces documents nous permettent notamment de suivre pas à pas le processus de création du spectacle, depuis l’inspiration initiale jusqu’aux représentations publiques; processus que nous proposons d’examiner ici, y compris les tâtonnements et l’exploration de pistes successives.   Un auteur, Robert Walser, découvert par hasard   En feuilletant les carnets de la dramaturge, dans lesquels elle consignait principalement des notes prises au vol sur les spectacles qu’elle était en train de créer, on découvre une brève mention de sa première rencontre avec l’œuvre de Robert Walser – écrivain suisse allemand admiré entre autres par Robert Musil et Franz Kafka – qui a inspiré le spectacle: Walser. Pourquoi? Je l’ai découvert par hasard en lisant les pages culture des journaux en allemand, en Suisse ces dix dernières années. Je ne comprenais rien, mais il y avait toujours des photos, sa silhouette me frappait, m’intriguait. Du peu que j’ai lu, ce sont les petites histoires et les essais qui me plaisent le plus. Ce que j’aime chez lui, c’est son amour de la vie.» Archives AML (MLT 07404/0005/007).   *   C’est L’Institut Benjamenta (1909), l’un des trois romans de Walser, qui constitue le fondement du spectacle. Sous la forme d’un journal intime, le texte décrit les réflexions et rêveries de Jacob von Gunten, un jeune homme qui entre de son plein gré dans un pensionnat de formation de majordomes où l’on n’enseigne rien d’autre que l’obéissance aveugle, «une discipline du corps et de l'âme qui lui procure de curieux plaisirs: être réduit à zéro tout en enfreignant le sacro-saint règlement» Marthe ROBERT, préface à Robert WALSER, L’institut Benjamenta, Paris, Gallimard, coll. Jacob décrit ce lieu étrange, ses condisciples, le directeur autoritaire, sa douce sœur… Dans une brochure préparatoire Archives AML (MLT 07404/0005/002) au spectacle, Blanco Principal privilégie une lecture philosophique, voire existentialiste du texte. Voulant dégager «les résonances profondes que [l’œuvre] peut avoir à notre époque» Archives AML (MLT 07404/0005/012), elle s’interroge sur l'injonction au bonheur. Poussée à l'extrême, la quête de bonheur implique l’évitement des états de crises: l’angoisse, l’incertitude, l’interrogation sont à fuir absolument. C’est ce que font les étudiants de l’Institut Benjamenta lorsqu’ils délèguent tout libre-arbitre pour se conformer au règlement. Or si le renoncement aux interrogations, aux doutes ou aux choix peut entraîner un certain confort, il réduit l'être humain à l’état d’objet, le privant de liberté et le laissant face à un puissant sentiment de vide. Le message philosophique du roman est de montrer que la seule issue est de retrouver son humanité en cheminant dans un entre-deux, construisant et reconstruisant perpétuellement des désirs et des choix nouveaux. C’est aussi l’objectif du spectacle. «Tout le but du spectacle est de montrer l’énorme difficulté d’emprunter ce chemin, de choisir l’errance. L’univers de l’Institut est profondément rassurant. Il est très facile de rentrer dans le carcan, de se laisser vivre par la norme, de se lover dans la conformité.»  Archives AML (MLT 07404/0005/007).   Les archives au cœur de la création: du texte à la chorégraphie   À partir de cette réflexion, il s’agit de concevoir concrètement le spectacle: «choisir dans le début du texte, ce qui aide à rentrer dans cet univers. L’institut: intemporel. C’est un conte, c’est un rêve. [Donc] tout est permis», note Blanco Principal. «Où je vais avec ça?», ajoute-t-elle Ibid. À cet instant, la magie des archives opère: son questionnement devient le nôtre. Comment va-t-elle faire un spectacle de cela? Ou plus exactement, comment donner corps à ces réflexions sur une scène de théâtre? Nous nous trouvons à l’endroit précis où les possibles sont encore infinis, au cœur de l’acte créatif. Des notes éparses reflètent le travail sur le texte. Dans un premier temps, différents tableaux sont retenus à partir de plusieurs passages du roman. Très vite cependant, Blanco Principal se concentre sur un extrait en particulier, le rêve de Jacob, épisode symbolique du roman. En témoignent quelques pages du texte original souligné et annoté, en regard duquel des mouvements chorégraphiques sont déjà indiqués. Cependant, le spectacle ne se construira pas à partir de ces découpages. Dans quatre carnets, on trouve des notes prises au vol pendant des improvisations. Blanco Principal y travaille avec la chorégraphe Monica Klingler et deux interprètes venus des arts du cirque, Pierre-Yves De Jonge et Cille Lansade. Elle écrit: «Avec Monica, chercher des thématiques/mouvements que nous pourrions développer toutes les deux»  Archives AML (MLT 07404/0005/009). Profondément nourries par le roman et l’analyse du texte, elles s’attèlent à une improvisation libre, indépendante de la «narration» et pleinement ancrée dans l’instant. Des éléments fondamentaux comme l’abandon à l’autre, la tension entre des forces contraires, la difficulté d’être homme dans le monde contemporain deviendront les lignes de force du spectacle. Dans un fragment de texte dactylographié, elle s’en explique: «les images qui me viennent du texte, confrontés [sic] à l’espace nu, éveillent des mouvements, des situations, qui restent liés au texte, qui se développent en parallèle. C’est un travail de dramaturgie dans le concret, pas à la table… Si tu es dans l’action vraiment, on ne peut pas dire que tu triches, mais tu y crois ou tu n’y crois pas, si tu n’es pas dans l’instant ça se voit tout de suite.»   Archives AML (MLT 07404/0005/006). Plus concrètement, à quoi ressemble ce spectacle? Au-delà des textes explicatifs et des notes trouvées dans les archives, la captation d’une des répétitions…

Voyage en pays d’écriture

Il existe entre un livre et son auteur un espace d’exploration littéraire que Michel Joiret appelle en collaboration avec Noëlle Lans, «  Voyage en pays d’écriture  ». Le principe en est cristallin : partir sur les traces des écrivains, là où ils ont commis leur œuvre et y découvrir ce que les sens de la présence sur place peuvent offrir. C’est-à-dire les non-dits des auteurs et l’esprit des lieux d’écriture. Depuis 1995, la revue Le Non-Dit , entreprise compagnonique , guide ses lecteurs-voyageurs dans l’environnement des écrivains et fait «  parler les pierres qui leur ont servi de refuge  ». Il en est ainsi du premier colloque à Epineuil-Le-Fleuriel où est située l’école d’Alain-Fournier, auteur du Grand-Meaulnes. Plusieurs convives s’y sont réunis pour mesurer le livre aux lieux mais aussi aux grammairiens belges.De même en 1999 au Grand-Hôtel de Cabourg, «  en front de mer, avec piano-bar et musique d’époque !  » pour diverses lectures de l’œuvre-cathédrale de Marcel Proust. À lire toutes les interventions d’alors, le verbe se lève et souffle tant que la plume se montre absolue : on se demande si l’écriture de Proust émane de lui ou bien si c’est Proust qui émane de l’écriture ?En 2000 aux refuges de Pierre de Ronsard et de Pierre Loti, il est question d’un fil rouge reliant les roses sur les lieux des cimes amoureuses du premier à «  la lourde et odorante végétation de Nagasaki  » du second. Soit à l’instar de tout l’ouvrage, un fil de textes courts et autonomes ; érudits sans assommer.Quelle somme justement ! de témoignages, de recherches, de lectures, d’extraits, de citations et d’anecdotes pour fonder ce livre de voyages qui se fondent en une déclaration de passion pour la littérature. Nous glissons la tête derrière des rideaux vers les coulisses de temps perdus, dont seuls l’air et la lettre peuvent encore témoigner.Voyager en pays d’écriture donne faim et soif de tout lire des auteurs visités, tant les frontières entre les livres deviennent aussi précaires voire absurdes qu’entre les pays, une fois que l’on est sur place. Un genre cependant ressort de l’ouvrage, celui du romantisme, destination en 2002 via Chateaubriand et George Sand.Michel Joiret y fait l’aveu de son propre romantisme : «  Drôle de question pour une curieuse époque, la nôtre, où beaucoup se sait, où peu se sent, où tant d’émotions sont en jachères et où le non-dit des échanges gagne le terrain perdu des années… Déçus par les philosophes (anciens et nouveaux), beaucoup se tournent vers des cultures et des religions « éprouvées » et sûres.  »«  En 2003, Le Non-Dit propose une rencontre avec quelques écrivains belges établis dans la capitale française, un projet qui séduit une quarantaine de personnes, principalement des enseignants.  » En effet, le projet en association avec l’Enseignement du Hainaut ne veut pas seulement interroger des frontières géographiques, mais aussi celles des élèves avec la lecture, à l’aide de leurs professeurs. Historique, culturel, romantique, pédagogique, tel est-ce de voyager en pays d’écriture.Et ainsi de suite jusqu’en 2017 avec Aragon et Cocteau entre Milly-la-Forêt et Saint-Arnoult-en-Yvelines. L’index du livre compte 228 auteurs interpellés par une écriture soignée. Michel Joiret est manifestement un grand amoureux, compulsif et pas jaloux, qui aime comme un fou et invite avec ses collaborateurs et intervenants à admirer, adorer la littérature. Tito Dupret Les écrivains du passé n’ont jamais cessé de nous parler. Il nous appartient de les écouter, même si l’écoulement du temps a pu érailler leurs voix, même si les relais de lecture intergénérationnels sont aujourd’hui moins assidus, même si la primauté de l’image a pu dérouter les chemins d’écriture. L’œuvre des Illustres est l’ADN de chacun de nous. Quand l’oreille intérieure et l’œil se font moins vifs et sortent du champ de lecture, il nous reste le trésor des pierres, des lieux signifiants – comme les aubépines de Marcel au Pré Catelan –, l’intimité d’une table, d’une plume et d’un encrier – comme l’écritoire de Jean-Jacques à Montmorency. Comme l’écrit Pierre Mertens dans son avant-dire : « Allons ! Comment se lasserait-on de ces retours aux sources sur les lieux du crime – ce crime fameusement “impuni” : la lecture ? » Ou la relecture ?… Au fil de ses voyages, ses rencontres et ses chemins d’écriture, la revue « Le Non-Dit » nous emmène sur les traces d’Alain-Fournier, Marcel Proust, Pierre de Ronsard, Pierre Loti, François-René de Chateaubriand, George Sand, Maurice Leblanc, Madame de Sévigné, Alexandre Dumas, François Rabelais, Michel de Montaigne, Erasme, Colette, Blaise Cendrars, Pierre Mac Orlan, Francis Carco, Georges Brassens, Jean-Jacques Rousseau, Maurice Maeterlinck, Marguerite Duras, Jean Cocteau,…

INTRODUCTION. De l’âme des objets à la phalloplastie

Dans les derniers vers du célèbre poème « Milly »,  Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer? Lamartine, exilé, songe aux saules, aux vieilles tours, aux murs noircis, aux fontaines, aux chaumières d’un pauvre village, autant d’objets qui peuplent le souvenir nostalgique de la terre natale. Mais les objets d’une collection, patiemment rassemblée par ce que les psychologues nomment parfois, peut-être avec trop de désinvolture, un « accumulateur » arrêté au stade anal de son évolution, peuvent-ils, eux, avoir une âme ? Gérard Wajcman voit « chez le collectionneur l’exercice d’une vertu, vantée à la Renaissance, la magnificence, cette disposition d’une personne qui dépense avec éclat, sans compter, pour elle et pour les autres. Hautement civile, cette vertu a aujourd’hui, dans notre monde, forcément un parfum de scandale, voire de subversion. » XX Le collectionneur n’est pas un consommateur comme les autres. Parmi ses motivations, la fiction a peut-être sa place, paradoxale dans ce monde concret et matériel des objets. Comment percer le secret de certains objets sans le recours à l’imaginaire ? Les vendeurs s’y connaissent en affabulation pour vanter et vendre leurs pièces à l’acheteur-rêveur dont le désir de l’Autre le pousse à ramener chez lui une pièce « étrangère ». Et pourquoi ne pas placer, disposer, mettre en scène ces objets, dans un musée, une vitrine ou un salon, de façon qu’ils racontent une histoire ? XX   Car c’est bien de fiction narrative qu’il s’agit, et tout n’est-il pas littérature ? En 1989, l’imam Khomeiny prononçait une fatwa à l’encontre de Salman Rushdie qui avait commis le sacrilège d’écrire Les Versets sataniques. Pour un auteur comme Christian Salmon, les censeurs sonnaient le glas de la fiction. Censurer l’imaginaire, « transformer en délit la pratique artistique » XX , c’était en même temps prouver le pouvoir de la création symbolique, de la fiction qui « ébauche d’autres mondes, d’autres formes de vie, d’autres types de relation entre les hommes » XX . Si la fiction menace le monde, c’est qu’elle fournit « de nouveaux angles pour pénétrer la réalité », « une autre hiérarchie des sens, d’autres modes de perception, une autre subjectivité » XX . Salmon évoque le cas du roman de Danilo Kiš, Un tombeau pour Boris Davidovitch (Gallimard, 1979) qui « taille […] de la vraie littérature » dans la masse des témoignages de survivants XX , qui, selon le site de la maison d’édition, « a pris pour matériau de sa fiction la réalité des liquidations, des procès, des camps et des tourmentes qui sévissent en Europe depuis le début du siècle. » Kiš n’avait-il pas le droit de citer des sources réelles en les faisant passer pour fictives ?  Rendre compte de la réalité en affabulant, mystifier pour révéler la vérité, c’est la nature même, voire la mission de la fiction. Marc Petit, dans Éloge de la fiction, le dit autrement : « L’art en figurant le mal le désactualise pour le rendre visible. Alors seulement le cœur peut s’indigner, l’esprit, comprendre, la main, s’armer pour agir contre lui. Grâce à la fiction. » Ou encore « l’horreur figurée écarte la présence de l’horrible » XX . Et de citer en exergue le Rabbi Nahman de Bratzlav : « À en croire les gens, les histoires sont faites pour endormir. Moi j’en raconte pour les réveiller ».  Les romans, les textes de fiction, les mythes, qui « se souvien[nen]t plus qu’il[s] n’invente[nt] le réel » peuvent « façonn[er] les comportements individuels et collectifs » et le romancier, coupable de « faux et usage de faux », dont « le rapport aux documents n’est guère différent de celui de l’historien », peut bien entendu inventer des documents ; de toutes façons, « le roman est réalité », c’est ce qu’affirme Luc Lang XX (prix Goncourt des lycéens en 1998 pour Mille six cents ventres). Jakob Arjouni (écrivain né à Francfort en 1964) l’avoue, lui, il n’a « aucune pensée pour le lecteur, aucune vocation de missionnaire » et s’il écrit des romans, s’il « invente le réel », c’est pour « mieux comprendre la réalité » XX .  En principe, depuis Aristote, c’est la fictionnalité qui détermine la littérarité d’une œuvre. Le lecteur ne devrait pas s’y tromper, comme le rappelle Gérard Genette sans s’y arrêter XX , « une œuvre (verbale) de fiction est presque inévitablement reçue comme littéraire, indépendamment de tout jugement de valeur, peut-être parce que l’attitude de lecture qu’elle postule, la fameuse “suspension volontaire de l’incrédulitéˮ, est une attitude esthétique, au sens kantien, de “désintéressementˮ relatif à l’égard du monde réel » XX . Où se manifeste la créativité du romancier, si ce n’est au niveau de l’invention ? Dès lors, trop de réel modifierait le texte qui cesserait d’être une œuvre littéraire. Non fiction vs fiction. Pourtant chaque emprunt à la réalité peut se transformer en fiction XX . Et la fiction n’est souvent qu’une réalité exagérée faisant appel à la coopération imaginative du lecteur qui renoncerait volontairement à l’usage de son « droit de contestation » XX . Tout l’art du romancier serait d’éparpiller des « indices de fictionnalité » XX pour créer « un patchwork, un amalgame plus ou moins homogénéisé d’éléments hétéroclites empruntés pour une part à la réalité » XX . Au final, le romancier fait semblant de raconter une histoire vraie et le lecteur décide de le croire ou non.  Salmon le récrira dans un article publié par Médiapart le 19 janvier 2015, «Charlie Hebdo dans le miroir de l’affaire Rushdie»: « Cervantès a le premier montré que la folie et le désordre entrent dans le monde lorsque s’efface la subtile nuance qui sépare le réel de la fiction. » Don Quichotte devient fou parce qu’il ne perçoit pas, ou plus, cette frontière. Mais si cette ambiguïté, volontaire, était justement, pour l’écrivain, la meilleure façon de produire un chef-d’œuvre ? Si cette hésitation du lecteur à identifier réel et fiction dans une œuvre était justement la clé du succès ? Herta Müller, romancière allemande d’origine roumaine, est la douzième femme lauréate du prix Nobel de littérature en 2009. Selon le journaliste Pierre Deshusses, c’est « l’aptitude de l’auteur à donner “une image de la vie quotidienne dans une dictature pétrifiéeˮ, à peindre “le paysage des dépossédésˮ », c’est une « esthétique de la résistance » dénonçant l’oppression dans « une langue acérée, comprimée et ciselée, souvent difficile, qui emprunte à la fois à la poésie et au langage populaire » qui a emporté l’adhésion des membres du comité Nobel XX. Deshusses rapporte ces « aveux » de l’auteure : « J’ai dû apprendre à vivre en écrivant et non l’inverse. Je voulais vivre à la hauteur de mes rêves, c’est tout. » Son roman, La Bascule du souffle (traduit de l’allemand par Claire de Oliveira), paru chez Gallimard en 2010, illustre ce « flou » entre réel et fiction. Retraçant la vie d’un prisonnier roumain homosexuel dans un camp de concentration russe, il use d’une langue poétique qui déréalise le propos. Le lecteur peut s’imaginer que les vapeurs toxiques de la cokerie, la faim, la solitude, la torture ou le malheur en général s’attaquent peu à peu au cerveau du jeune homme et le rendent fou au point que, revenu parmi les siens, il reste possédé par « l’ange de la faim » qui l’a entraîné à « l’art du sourire subtil qui bat en retraite »… Le héros et narrateur affirme, dans les dernières lignes de son récit : « J’ai déjà dansé avec la théière. Le sucrier. La boîte à biscuits. Le téléphone. Le réveil. Le cendrier. Les clés. Mon plus petit cavalier a été un bouton, tombé d’un manteau. Non, faux. Un jour, sous ma table en formica blanc, j’ai vu un raisin sec pouss…