Veronika Mabardi

PRÉSENTATION
Je suis née à Leuven. Une maman flamande, un papa à moitié belge, à moitié égyptien, deux frères et une sœur, dont deux nés en Corée. La première phrase apprise à écrire est : een man met een aap. Je n'écris plus en flamand depuis qu'en 1972, Louvain a décidé de se définir selon les règles de l'appartenance à une langue plutôt que de rester la ville de transmission du savoir qu'elle était depuis la fondation de l'université. L'adage familial décrétant que la terre est vaste et que si on ne veut pas de toi ici, c'est l'occasion de se transplanter ailleurs, j'ai grandi à Louvain-la-neuve, à l'ombre d'une bibliothèque digne d'une B.D. de science-fiction, construite sur les hauteurs de la ville nouvelle, là où d'ordinaire on bâtit les églises. Dans la bibliothèque familiale, le coran, la bible, le petit livre rouge, le petit livre vert et « clefs pour le zen », étaient rangés côte à côte et la tâche me revenait de les épousseter une fois par an. Changer d'identité au gré des projets me semblait une belle occupation, j'ai donc opté pour le métier de comédienne. Je n'ai rien compris à l'école. Mon apprentissage s'est fait dans les jeunes compagnies, aux Ateliers de l'Echange et dans la compagnie Ricochets. Démonter et charger le camion, faire la billetterie, rencontrer les spectateurs ou défendre un projet ont été aussi formateurs que de mettre en scène ou d'écrire. J'ai écrit quelques pièces, des textes hybrides, des textes éphémères liés à la rencontre du plateau, de la salle d'expo, de danse, de concert. Pour l'instant l'écriture qui prend toute la place. La mienne, au quotidien, et celle des autres, dans les ateliers et les accompagnements. Comme personne n'a encore réussi à faire coter les mots en bourse, quand les temps sont durs, je reviens à cette notion de base : les mots sont à tout le monde, ils s'échangent et circulent librement, aucun obscurantisme, aucune régression ne peuvent empêcher leur danse. Lauréate d’une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Bourse de création 2020


PORTRAITS ET ENTRETIENS
Karoo

Accoudé sur Les Cerfs (2014), Peau de louve (2019) et Sauvage est celui qui se sauve (2022), ce premier volet d’entretien se déploie autour de trois axes : le langage, les frontières et la déconstruction.


Pour commencer, rappelons brièvement le fil que déroule Les Cerfs. Il s’accroche à Blanche, une petite fille qui a perdu sa mère et qui ne parle pas. Elle est recueillie par Annie, qui habite contre la forêt et qui pose des mots sur tout. Avec cette forêt et Ian, le compagnon d’Annie, Blanche entre en contact. Dans cet ouvrage ainsi que dans Peau de louve et Sauvage, il y a une représentation du langage assez similaire, c’est quelque chose qu’on évite et qui évite ce qui est à dire :
«…


BIBLIOGRAPHIE


PRIX
  •   Prix SACD & Scam, 2022 (pour l'ensemble de son œuvre)
  •   Grand prix du Roman de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 2022 (Sauvage est celui qui se sauve)
  •   Prix triennal de théâtre de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2018-2021 (Loin de Linden)

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)


NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

Adèle revient dans le village de pêcheurs de sa grand-mère Maria, là où elle a passé toutes ses vacances scolaires. Ce village a vu naître tous ses jeux d’enfant, ainsi que cette infaillible relation entre une vieille femme et sa petite-fille. Ce village est aujourd’hui déserté de ses pêcheurs et de ses âmes, la ville les ayant tous appelés. Adèle ne sait plus très bien où elle en est. Un homme, Nicolas, traîne dans sa tête. Le fruit de leur amour grandit dans son ventre. Doit-elle garder ce petit être alors qu’elle ne rêve que de partir en mer ? De mener une vie d’aventurière à travers vents et marées comme son héroïne d’enfance, la pirate Anne Bonny ? Après tout, les femmes n’ont peut-être pas leur place parmi les matelots. Et que faire de Nicolas ? L’attendrait-il…


Le Carnet et les Instants

Quand l’art du récit se noue à la voix du conte, les mots se soulèvent pour évoquer le monde de ceux qui n’ont pas droit au chapitre. Les exilés, les êtres que traverse la fêlure, les animaux, les forêts. Après Pour ne plus jamais perdre, Les cerfs (couronné par le prix triennal de littérature de la Ville de Tournai), publiés tous deux aux éditions Esperluète, l’écrivain et comédienne Veronika Mabardi s’avance avec Peau de louve dans un récit en vers qui renoue avec la fiction vue comme parole magique, à effets performatifs. Le « il était une fois » placé en ouverture du récit (qui a été porté à la scène) pose d’emblée son royaume : un royaume à l’écart du système, des places distribuées et des lois du marché, un royaume où les excommuniés,…


Le Carnet et les Instants

J’écris : voici mon frère, il n’a fait que passer, mais la phrase ment. Alors je cherche les traces qu’il a laissées dans le regard des autres. Il me relie à eux. Qu’est-ce qui s’est inscrit en eux de son passage ? Suivre le fil : plonger sous la matière, là où s’emmêlent et se confondent les fibres, rejoindre la surface, reprendre. Les mots de Veronika Mabardi circonscrivent en pointillé les contours de la perte et tracent, d’un même mouvement, l’empreinte d’un corps qui jamais n’a pu se résoudre à respecter les limites. Ce corps est celui de son frère, Shin Do Mabardi, arrivé à l’âge de cinq ans dans cette famille d’intellectuels de gauche, douce et généreuse, depuis la Corée du Sud. En dépit de l’amour qui l’attend de pied ferme et amortit…


Le Carnet et les Instants

Veronika MABARDI, Loin de Linden suivi de Adèle, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2023, 280 p., 9 €, ISBN : 9782875685919Cet automne, Veronika Mabardi est entrée dans la collection patrimoniale Espace Nord avec la réédition de deux textes à l’image de son œuvre, subtils et lumineux, originellement publiés par Émile Lansman. Pensés pour le théâtre, Loin de Linden et Adèle continuent de bouger en dépit de leur figement sur le papier, tant ils convoquent d’émotions et remuent les souvenirs, les langues et les cultures. Ces deux textes incarnent remarquablement le double sens de l’anglais moved, bref écho au plurilinguisme et au code switching[1] dont débordent ces histoires intimes exposées avec une grande conscience du système (ou contexte) dans lequel…