Serge Nuñez Tolin poursuit depuis plusieurs années un intéressant travail poétique, personnel et atypique. Une poésie qu’il publie chez des éditeurs comme Le Cormier ou Rougerie, des éditeurs ayant en commun une même vision de l’art poétique et du livre-objet (qui se marque aussi – en clin d’œil – dans l’absence de rognages des cahiers). Deux ans après Fou dans ma hâte et cinq ans après l’excellent Nœud noué par personne, Serge Nuñez Tolin revient avec un recueil assez similaire aux autres, La vie où l’autre, toujours édité chez Rougerie.Comme précédemment, sont ici regroupées davantage des proses de réflexion poétique que des poèmes à proprement parler. Le livre se lit ici comme une narration complète, d’un seul tenant. Sa thématique ?…
Tel qu’il se révèle à petites touches dans ce nouveau recueil, l’auteur n’est pas un écorché vif ou un parangon de l’angoisse existentielle, tant s’en faut. Au gré de nombreuses variantes, le thème de l’Accord en effet ne cesse de se renforcer en se répétant au fil des pages : connivence du poète avec la nature en ses aspects les plus humbles, bouffées de joie, sentiment apaisant d’exister, « nuit resplendissante de la présence », intuitions de la totalité et de la beauté, bonheur comme « risque » à prendre ou, plus simplement, comme cet accueil du matin qui se fait en moi autant qu’au dehors. Ainsi le texte de Flaubert qui ouvre la seconde partie rêve-t-il d’une assimilation complète avec le monde naturel. Même un bref moment de mélancolie ne suffit…
Y aurait-il au fond une syntaxe du silence ? Un ensemble de règles qui permettraient de comprendre pourquoi, chez le poète, le silence n’est pas synonyme d’absence mais bien plutôt de dialogue, de présence au monde. C’est en quelque sorte l’interrogation que le poète Serge Núñez Tolin décline depuis la publication de plusieurs de ses recueils tels que L’interminable évidence de se taire (2006) ou L’ardent silence (2010). Avec L’exercice du silence, il poursuit donc cette recherche, cette remise en question de la « nécessité de parler », de ce silence qui « noue la respiration à l’air qui le traverse ».L’exercice en somme d’un infinitif aphone et définitif, arpentage sinueusement grammatical et silencieux des choses auquel le poète semble être ontologiquement…
Serge Nuñez Tolin est né à Bruxelles en 1961 de parents immigrés d’Espagne au début des années cinquante. Il a publié aux éditions le Cormier : Silo (2001) ; Silo II (2002) ; Silo III (2003) ; Silo IV (2004) et L’interminable évidence de se taire (2006). Il a ensuite publié chez Rougerie : L’ardent silence (2010) ; Nœud noué par personne (2012) ; Fou, dans ma hâte (2015) ; La vie où vivre (2017) ; Près de la goutte d’eau sous une pluie drue (2020) et ce récent Les mots sont une foudre lente (2023). Auteur discret au ton personnel, il a construit une œuvre rigoureuse où le poème interroge par fulgurance : « Le mots ne séparent pas du temps, ils sont comme une gifle » mais aussi par réflexivité : « Tout ici — les mots et les choses — n’a-t-il…
Taillé dans une langue toute en délicatesse, ce nouvel opus de Serge Núñez Tolin, Sur le fil de la présence, déplie plusieurs de ses thématiques de prédilection, déjà présentes notamment dans ses derniers recueils L’exercice du silence (Le Cadran Ligné) et Les mots sont une foudre lente (Editions Rougerie, 2023, titre qui lui a par ailleurs valu le Grand prix de poésie 2023 de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique). Celles-ci ne sont autres que l’éveil et le silence, face à l’obstacle que constituent les mots, le langage.Les mots ne serviraient plus à parler mais à voir. L’objet devenu comme une saturation dans l’air qui le cerne. C’est dans une relation de réciprocité, de soi aux choses (et l’inverse) que la présence se…