En dix romans, Vincent Engel s’est appliqué à construire une œuvre d’une densité incomparable, structurée et cohérente. Point d’orgue de cette architecture romanesque, son dernier ouvrages, Les absentes, publié chez Lattès est l’occasion, pour Le Carnet, de déambuler entre les rayonnages d’une bibliothèque, à la fois réelle et mentale. À l’instar de son entreprise littéraire, ce sont les souvenirs lus ou vécus qui façonnent ses bibliothèques, la sienne et celle, imaginaire, de son double Baptiste Morgan.
Le Carnet et les Instants : Vos premiers souvenirs de lecture sont-ils liés à des illustrations, des couvertures ou un grain de papier particulier ?
Vincent Engel : Les premiers livres que j’ai lus ont…
Ils sont onze. Onze écrivains à avoir participé à ce projet : un recueil de nouvelles pour adolescents. Onze plumes pour aider les jeunes à penser le populisme, l’obscurantisme, le racisme déguisé en bon sens, l’abandon de l’humanisme au profit d’idées simplistes tenues par des politiciens tantôt marionnettistes, tantôt marionnettes, ou par de simples citoyens passés du côté obscur de la démocratie. Le livre s’ouvre sur un texte de Jang Jin-Sung, poète et ancien haut fonctionnaire nord-coréen. Il raconte sa progressive désillusion face à la propagande de Kim Jong-Il. L’espace séparant la façade montrée par le régime dictatorial et la réalité brutale (à peine) cachée derrière celle-ci est tel que l’effroi pousse l’auteur à fuir son pays au péril…
Vincent Engel nous emmène à nouveau à Venise. En 1740 cette fois et moins pour en parcourir les ruelles, les places et les canaux que pour y pénétrer dans l’intimité de quelques habitants. Parmi ceux-ci, un prêtre qui enseigne la musique au sein d’un établissement pour jeunes orphelines, un compositeur âgé dont le nom et les airs traverseront les époques : Vivaldi. Vivaldi qui évolue ici en tant que don Antonio. Et en fait d’évoluer, on pourrait plutôt dire qu’il se débat. Contre les governatori qui rechignent à le financer, contre sa réputation qui fane, contre la mode qui lui préfère des sonorités nouvelles, contre sa santé fragile, contre la vieillesse qu’il feint d’ignorer, contre les rumeurs qui lui attribuent des mœurs inconvenantes…Don Antonio veut…
Dix-sept nouvelles, dix-sept textes très courts qui racontent, chacun, une certaine Belgique. Pas la Belgique telle qu’elle est, non. Ce que la Belgique pourrait ou aurait pu devenir, dans une version caricaturale. Querelles linguistiques, crise financière, survol de Bruxelles, montée des eaux, fin de la Belgique évitée ou concrétisée ; autant de points de départ à des histoires mettant en scène des personnages clairement inspirés de personnalités belges bien connues, issues du monde politique, artistique ou des médias.A côté des Bart Vanwaffel, Elio, et autres Amélie Nothomb ou Pascal Vrebos, un personnage revient dans toutes les nouvelles : Richard Copet, un imbuvable banquier et homme d’affaires en tous genres, touche-à-tout prêt à profiter de toutes les situations…
L’œuvre de Vincent Engel s’élabore selon une architecture audacieuse et ambitieuse, à l’exemple de la cité mystérieuse au cœur de ce roman ample : Maramisa. Ses livres s’emboîtent telles des matriochkas, les unes en contenant d’autres, pour aller s’amplifiant. Les lecteurs assidus d’Engel se souviendront que le roman Maramisa se trouvait en germe dans une nouvelle lauréate du Concours de Nouvelles de Radio France Internationale (RFI), publiée en 1993 (!) dans son premier recueil : Légendes en attente. Longue genèse que le lecteur peut découvrir sur le site du roman, où Vincent Engel propose des prolongements à son livre, en mode réalité augmentée : vidéos, musique, iconographies, textes divers, FAQ, forum, rencontres, etc.Si ses romans se déploient tantôt…
Si seulement, Lucie nous plonge dans la rencontre de deux jeunes adolescents, Lucie et Jim. Lucie vient d’emménager dans le même immeuble que Jim et se retrouve dans sa classe aussi. Elle voudrait continuer à vivre à distance des autres, mais ses professeurs ont confié à Jim la responsabilité de lui prêter ses notes pour qu’elle se remette en ordre. La voilà suivie par un jeune homme bien encombrant, soucieux d’accomplir sa tâche…Nous lisons alternativement le point de vue de Jim et Lucie. D’un côté, Jim vit seul avec une mère dépressive et son chat Microbe (il a été abandonné par son père à sa naissance). De l’autre côté, Lucie habite avec des parents qui se disputent sans cesse et voit d’un mauvais œil Jim car il ressemble dangereusement à un garçon qu’elle…
Que faire de nos aînés ? Alors que la population est de plus en plus vieillissante, que la crise fait rage, que les vieux semblent gêner car ils ne sont pas rentables, le gouvernement met en place un système aux apparences démocratiques : les Villages de Santé pour Aînés. Plus besoin de prendre en charge les finances et les fins de vie, parfois difficiles, de vos parents. On s’en occupe pour vous. Le gouvernement a ainsi créé, un peu partout dans le pays, des établissements à la pointe où l’on prend soin des seniors et de leur patrimoine.Maître Alexandre Geoffroy, avocat spécialisé dans la tutelle des personnes âgées, est l’un des concepteurs de ce programme. Il a développé un logiciel qu’il a vendu à l’État et qui permet d’avoir un pronostic vital du senior.…
Octobre 1849, dans l’étude d’un notaire genevois, Atanasio assiste au rendez-vous qui changera le cours de sa vie, levant le voile sur son passé et le chargeant d’une mission pour l’avenir. Le même jour, le jeune homme découvre que Don Carlo, son protecteur de toujours, était en réalité son père et qu’il a fait de lui son héritier, posant toutefois une condition de taille. Pour bénéficier de la fortune de Don Carlo, Atanasio devra d’abord le venger en éliminant, suivant des consignes précises, quatre personnes désignées comme les artisans de son malheur.Acceptera-t-il cette mission ? Si oui, comment orchestrera-t-il ses méfaits ? Parviendra-t-il à venger cet homme mystérieux qui n’a pas souhaité reconnaître sa paternité de son vivant ? Ces questions resteront…
Vincent Engel est un écrivain fidèle à certains lieux. Dans Et dans la forêt, j’ai vu, roman destiné à la jeunesse, il plante une nouvelle fois son décor en Toscane, quatorze ans après la publication de Retour à Montechiarro, dont un des personnages fait ici une brève incursion. Le contexte politique, celui de l’Italie des années noires et du règne de Mussolini, imprègne le livre et détermine la destinée de ses personnages. L’histoire se déroule en 1928, dans une petite ville isolée dont le maire applique avec zèle les préceptes du Duce qu’il admire, tout en se lamentant sur le sort de la petite Letizia, sa fille, muette depuis le décès de sa mère, advenu dans des circonstances mystérieuses.L’arrivée au village d’un petit cirque itinérant éveille cette…
Vincent ENGEL, Vous qui entrez à Montechiarro, Asmodée Edern et Ker, 2023, 412 p., 25 € / ePub : 9,99 € / audiolivre : 20,90 €, ISBN : 978-2-87586-355-3Trois époques : la fin du 19e siècle, le fascisme et la pandémie. L’Italie : Venise, Rome, Lipari et… la Toscane bien sûr mais, pas tant que ça finalement. Plus acteur que décor, le village de Montechiarro est en filigrane des différents récits, sans forcément les abriter.Il y a d’abord Roberto, qui quitte son bourg toscan à contrecœur. Son ainé envoie leur mère à l’hôpital à Venise et Roberto ne peut rester loin de l’unique objet de son affection. Au cœur de la Sérénissime, il découvre une autre forme d’amour, en même temps qu’un courage et une détermination que personne ne lui connaissait.Quelques…
’année dernière, Vincent Engel ajoutait Vous qui entrez à Montechiarro au « monde d’Asmodée Edern », composé de plusieurs romans dont il proposait une réédition. Cette année, Retour à Montechiarro fait son entrée dans la collection Espace Nord. Que l’on entre dans le village toscan imaginaire avant d’y revenir ou inversement, lire ces deux livres à quelques mois d’intervalle permet de réaliser à quel point ils sont imbriqués.
Chacun des deux ouvrages est composé de trois récits, à trois époques. Chacune de ces époques répond aux deux autres du même livre, ainsi qu’à sa correspondante dans l’autre roman. Retour à Montechiarro évoque la fin du 19e siècle à Venise et le fascisme, comme Vous qui entrez à Montechiarro ; et se termine…