Shema Adonai : depuis toujours, on demande à Israël d’écouter la voix de Dieu ; mais après Auschwitz, le temps est venu qu’Adonai se mette à l’écoute de l’homme et de son chant. Et pour ce faire, qu’Il se taise. Chant et poésie, clameur et souffrance, murmure et espoir – malgré tout. Car telle est la force du chant et des mots : leur impuissance même ne peut qu’ouvrir à l’espoir et à la vie. L’histoire du peuple juif ne peut se limiter à la souffrance : il faut être animé d’une soif et d’une joie de vivre exceptionnelles pour traverser ces épreuves et continuer à proclamer sa foi dans la vie.
Dans la restauration, les mots sont plus essentiels que ce qu’il pourrait sembler…
En 1867, à Bruxelles, chez l’éditeur qui avait publié Les Misérables un peu auparavant, parait un gros et luxueux ouvrage : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandre et ailleurs. Considérée comme le texte fondateur de la littérature belge, cette fresque est signée par Charles De Coster. Au moment où s’élaborent les mythes nationaux et où le Romantisme a mis en avant la figure du Peuple, De Coster est un des premiers à exprimer sur le mode littéraire le mythe d’une Flandre charnelle. Pour cela, il s’empare du personnage d’Ulenspiegel, farceur du répertoire folklorique traditionnel, et le jette au plus fort des guerres qui ensanglantèrent la région au XVIe siècle afin d’illustrer le thème qui lui est cher : la Liberté. La première édition de cette épopée n’était pas exempte d’erreurs. Bien des éditions suivantes, tout en favorisant la connaissance du texte auprès du grand public, se sont encore éloignées du projet original. Cent cinquante ans après…