Selon Stéphane Lambert toute véritable création est une confrontation à la solitude. On peut le croire à la lecture de ses romans où le personnage unique est dominant et nous entraîne dans une aventure singulière. Si pour lui, la socia(bi)lité est toujours une épreuve, un défi, comme elle l’était pour les Sorel, Rubempré ou Lorenzaccio, il fait en sorte que cela se sente le moins possible ou que cela se résolve en secret par l’écriture.
Stéphane Lambert est l’auteur d’une œuvre déjà nombreuse et diverse. Il a produit des romans, des livres d’art, des essais, des autobiographies et de nombreux textes en ligne ou en publications isolées qui témoignent de cette diversité. Mais il existe une grande proximité entre ces divers registres. S’il n’a pas délibérément…
I. derrière le sommet où s’affaisse la montagne s’ouvre une autre faille II. la profondeur tel qu’on le croit n’est pas spirituelle me dis-je dans la Rothko room à Washington la profondeur est spatiale plus on regarde la surface colorée plus on s’enfonce dans son lointainOn pourrait lire très vite. Se contenter de voir, dans cet Art Poems, des hommages sensibles de Stéphane Lambert à des démarches, à des œuvres d’artistes contemporains majeurs, tels Mark Rothko, Cy Twombly ou James Turrell, ou à l’art antique de la fresque. On aurait beau jeu alors de rappeler que Stéphane Lambert n’en est pas à son premier livre gravitant autour de l’art. Qu’on lui doit de splendides choses déjà, sur Monet, Nicolas de Staël, Rothko…
Dans son dernier opus, Stéphane Lambert se définit comme un amateur de peinture. Se révéler comme tel c’est à la fois se dévoiler et se montrer bien modeste. S’il est plus qu’un amateur, il n’est pas un critique académique. Il ne se range ni du côté des historiens ni du côté des experts. Lorsqu’il évoque un littérateur ou un artiste, ici Goya, il le fait en son nom et avec ses mots. Je me demande combien l’écriture n’a pas été une manière de prolonger mon trouble devant la peinture, de devenir un peintre avec des mots, d’explorer le mystérieux contenu de mon regard. Il partage avec les artistes ce qu’il y a de plus intime et de plus essentiel et s’efforce de rendre compte de la complexité de son ressenti. Même si la langage bute parfois contre ses limites,…
Après Monet (L’adieu au paysage. Les nymphéas de Claude Monet, La Différence, Monet, impressions de l’étang, Arléa), Rothko (Mark Rothko, rêver de ne pas être, Arléa), Nicolas de Staël (Nicolas de Staël, le vertige et la foi, Arléa), Goya (Visions de Goya, l’éclat dans le désastre, Arléa, prix Malraux 2019), le dialogue que Stéphane Lambert noue avec la peinture se porte sur Léon Spilliaert. Proximité, sismographe de poète, affinités électives, démarche questionnante qui décloisonne l’œuvre et la vie et plonge à mains nues dans l’imaginaire des peintres : ce quatuor compose moins une méthode qu’un embrasement passionné. Dans Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Stéphane Lambert livre un récit à deux voix,…
Après une œuvre déjà abondante et diverse, Stéphane Lambert revient à la poésie, cette fois dans un volume élégant publié à La Lettre volée. Un recueil important, Écriture première, tout en discrétion mais explicite dans sa simplicité, en apparence peut-être, langagière sans doute, et pourtant complexe d’inspiration. Celle-ci est clairement avouée si on distingue dans le texte différentes sections titrées, soit en dédicace à des artistes ou à leurs manifestations, à l’exclusion de tout résumé, soit en manière de possible lecture ou interprétation. Il faut en tout cas compter avec la vraie documentation en appui à un choix en connaissance certaine. Comme dans ses autres publications, essais et certains romans, Stéphane Lambert est donc ici voué à l’art.Nous…
Une certaine disparate, à première vue, règne dans le dernier livre de Stéphane Lambert, consacré à la peinture. D’abord, les neuf textes rassemblés ont paru précédemment à des dates et dans des circonstances bien différentes : exposition, revue, brochure-spectacle, mise en ligne, catalogue. Ensuite, les œuvres commentées relèvent d’époques, de pays et surtout de genres éloignés, même à invoquer la brumeuse notion de « modernité » : C. Monet, Cy Twombly, P. Klee, A. Tàpies, Z. Mušič, P. Mondrian, G. Morandi, N. de Staël. De plus, le nombre de pages consacré à chaque artiste va de quarante-et-une pour Monet à une seule pour Klee ou Mondrian…Certes, le thème du « paysage » retenu pour titre est censé constituer le commun dénominateur…
On peint pour habiter l’acte de peindre, pour aller plus loin que la peinture. On peint pour trouver l’harmonie au milieu du champ de bataille. On cherche une logique au chaos. Après, entre autres, son ouvrage Être moi toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert (paru aux éditions Arléa), Stéphane Lambert poursuit son travail d’articulation du visible au dicible, cette fois dans les traces de Paul Klee. L’écrivain et essayiste voyage en Suisse, à Berne, là où est né et enterré le peintre.D’emblée, dès les premières lignes de Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir (également aux éditions Arléa), sont convoqués l’imaginaire de Stéphane Lambert, son cheminement dans la mémoire, la perception et l’imagination (thèmes clés qui se déploieront…
Ce pourrait être un roman qui commence avec brio par la relation de la rencontre entre Nathaniel Hawthorne et Herman Melville, au Monument Mountain, le 5 août 1850.
Les deux personnages sont introduits tour à tour par un rapide portrait physique et déjà comportemental. Rien ne permet encore de deviner cette Fraternelle mélancolie qui fait l’objet du dernier livre de Stéphane Lambert. Ce début est délibérément orienté vers le genre romanesque et cela correspond à un choix de la part de l’auteur. Il l’affirme clairement : ce ne sera ni une biographie ni une étude littéraire. Faudrait-il pour cela écarter le genre de la fiction ? Non. Stéphane Lambert revendique le droit à la subjectivité dans son projet, le recours à l’invention, et pour cause. Comment…
Pour la deuxième fois, Stéphane Lambert écrit sur Monet, à nouveau sur les Nymphéas. Après l’Adieu au paysage : les Nymphéas de Claude Monet, paru en 2008, voici Monet, Impressions de l’étang, complément mais aussi supplément au premier livre déjà très inspiré sur le rapport entre le peintre et ses œuvres ultimes. Un premier essai documenté qui montrait aussi la relation entre Giverny, l’Orangerie à Paris et le ressenti du narrateur traitant de cette matière selon son émotion et une réflexion intime. Bien qu’ils soient sous-entendus dans le second ouvrage, on devinera la présence de ces mêmes éclairages et qu’ils ont présidé au choix renouvelé du thème.Celui-ci présente la mise en texte d’une fiction radiophonique réalisée pour France Culture. La différence…
Déjà en 1936, le régime nazi évacue des collections publiques les œuvres d’art « dégénéré ». Beckett a trente ans lorsqu’il fait un voyage en Allemagne. Il y séjourne plusieurs mois et visite différentes villes et leurs musées. De ce périple on retiendra surtout les impressions qu’il communique dans ses lettres ou qu’il note dans ses carnets à propos des œuvres qu’il a pu contempler : leur nom et celui des peintres, notamment. Il n’a pas encore beaucoup écrit et encore moins publié. Un prélude sur l’un des personnages qui lui deviendront familiers, Murphy, un essai sur Proust qui en dit autant sur lui-même et ses intentions littéraires que sur son sujet, la traduction d’écrits du philosophe flamand Geulincx et l’étude de son enseignement. Pour…
Il aura fallu à Stéphane Lambert écrire ce livre et lui donner un titre éblouissant L’apocalypse heureuse pour franchir des dizaines d’années d’attente, de souffrance et enfin s’emparer pleinement de sa vie.Il se rend chez un thérapeute de renom dans l’espoir d’en recevoir l’absolution de son mal être. Ce n’est pas tout à fait un endroit choisi par hasard. Il connaît ce quartier de Bruxelles pour y avoir vécu dans son enfance. Il reconnaît aussi la maison où se trouve le cabinet médical, celle-là où il a été abusé par un ami de ses parents. Il va donc au devant de son passé car il mesure la force de sa longue imprégnation. Il se rend compte aussi du silence qui a entouré cet abus et se met à le reprocher à ses parents qui ne veulent pas le reconnaître.…
Stéphane LAMBERT, Van Gogh. L’éternel sous l’éphémère, Arléa, coll. « La rencontre », 2023, 120 p., 17 €, ISBN : 9782363083241Après L’apocalypse heureuse, une fiction couronnée par le Prix Rossel 2022, après ses derniers essais Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir et Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert, Stéphane Lambert nous offre un éblouissant pèlerinage, aussi intime qu’inspiré, dans l’œuvre de Vincent Van Gogh. Rares sont les livres qui sont touchés par la grâce. Grâce d’une rencontre, d’une plongée sensorielle dans une vie picturale dont l’auteur retrace la genèse du dedans, avec une vue qui s’apparente à celle d’un plasticien. Au plus près de la matière Van Gogh, au fil d’un texte vagabond, habité…
Stéphane LAMBERT, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu, Gallimard, 2023, 240 p., 42 €, ISBN : 9782073024688L’art réside peut-être moins dans sa fin, l’œuvre produite, accrochée aux cimaises, dite achevée, que dans la dynamique qu’il instaure. Stéphane Lambert aime s’immerger dans la trajectoire des artistes pour saisir ce qui met en tension leur vie, la détourne du quotidien ordinaire, la transfigure et la déchire jusqu’à, parfois, l’anéantir. De Rothko à Goya, de Spilliaert à Van Gogh en passant par Klee et Monet, ses essais et ses romans témoignent d’un dialogue constant entre l’écriture et la peinture pour dire le mystère de la création, son aspiration à une spiritualité, son élan, obscur et lumineux, vers une profondeur mythologique. L’écrivain…