L’aphorisme est un passe-partout utile à nombre d’écrivains pour pratiquer une forme de provocation (voire de subversion) sous divers déguisements. Il peut se mettre au service d’une idée forte, avec éventuellement une exagération propre à asseoir une réputation et à susciter la controverse. Au service aussi de la facétie par des tours de passe-passe sur le langage et sur les jeux de mots de tout poil, signifiants ou non. Au service aussi du culte hautement salubre de l’absurde. Son empire s’étend donc des jugements altiers de Chamfort au ludisme populaire de l’almanach Vermot, en passant par les apories existentielles de G.C. Lichtenberg ou Pierre Dac. (En ce qui concerne Vermot, au-delà du mépris bonhomme dont il est la cible, rappelons quand même qu’il ne manque…
« Le visage de ce qui suit m’est bien trop connu pour que l’espace qui m’entoure ne s’assombrisse et que reparaisse devant moi la scène terrible : une nuit dévorant la rue Monge à Paris. »Dans son éditorial, le directeur de collection Maxime Lamiroy évoque une scène de 1939, la manière dont fut sauvée une analyse de la pensée d’un grand auteur russe, avant de la connecter à l’entreprise de Luc Dellisse, qui veut rendre hommage et justice à un philosophe belge peu connu, Henri Van Lier (1921-2009), dont l’œuvre serait sans équivalent… au monde. Dès les premières lignes, nous sommes dans le fait artistique, qui ne se contente pas d’exprimer un premier degré mais génère des échos, des connexions, un supplément de sens. Ledit Maxime, trentenaire ô talentueux,…