Sacha Guitry, ça rend fou, la littérature (L'Article n°23)

RÉSUMÉ

Editorial :

Roman Jakobson relit les nouveaux vers que lui présente Maïakovski. Il s’exclame « C’est bon, mais moins bon que du Maïakovski ». Dans La Génération qui a gaspillé ses poètes, après la mort du poète de la révolution, le formaliste russe déplorera la disparition de ses possibilités créatrices. Face à la perte d’un créateur, Gaëtan Faucer ouvre une voie qui aurait pu consoler Roman Jakobson, celle qui convient à l’admirateur, à l’amateur d’une œuvre.
Jouer le Faucer. Créer une pièce qui pourrait être celle de Sacha Guitry. L’exercice est complet pour le critique. Il doit connaître mieux que le style et le phrasé, mieux que les formes d’humour employées fréquemment par l’auteur. Il doit atteindre le cœur créateur, toucher à l’esprit. Écrire « dans l’esprit de », sans recourir à aucun plagiat. Une œuvre entièrement nouvelle qui ne regarde pas vers l’arrière, qui s’avance vers son présent, qui veut rencontrer l’avenir. Se prêter à être, à incarner un moteur créateur disparu.
Et le résultat sera soumis aux pairs qui devront se rendre à l’évidence. « C’est du Sacha Guitry, c’est même mieux que du Sacha Guitry ». Le rêve de prolonger l’œuvre… Seule la bande dessinée franchit ce pas de nos jours. Si les aventures de Blake et Mortimer se poursuivent, pourquoi celles de Sartre et d’Homère devraient-elles s’arrêter ? Quand donc lirons-nous les prochains textes de Beauvoir, Colette et Yourcenar ? C’est cette voie-là qu’ouvrent l’interrogation critique, le mot de Jakobson et le texte de Gaëtan Faucer.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Gaëtan Faucer

Auteur de Sacha Guitry, ça rend fou, la littérature (L'Article n°23)

Né à Bruxelles, le 31 décembre 1975. Dramaturge, poète, aphoriste et nouvelliste. C'est surtout le théâtre qui l'inspire sous toutes ses formes. Plusieurs de ses pièces ont été jouées dans divers lieux théâtraux.

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Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire

Les clichés, les lieux communs et les poncifs ont la vie dure et parfois nous polluent. Ils s’imposent à l’esprit, à la bouche et à la plume plus vite que la précision, la complexité et la nuance. Il en est en littérature comme ailleurs. Ainsi Camille Lemonnier ne cesse-t-il pas d’être considéré comme le Zola belge. Comme si, par ces mots, on avait tout dit, de son œuvre. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Dans Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , le critique Frédéric Saenen, fidèle collaborateur du Carnet et les Instants , explique la genèse de ce lieu commun, met en évidence les mécanismes de sa viralité afin de mieux le défaire et avancer des propositions nouvelles. Faut-il le rappeler, Camille Lemonnier (1844-1913) est un écrivain à l’œuvre riche et variée (critique d’art, romans, contes, récits, etc.) et à l’écriture puissante ; il est l’auteur d’une cinquantaine de livres (plusieurs titres sont réédités dans la collection « Espace Nord »). Frédéric Saenen le tient pour le «  germe et le socle de Nos Lettres  ». Pourtant, au 19e siècle, on le comparait souvent, quand on ne le soupçonnait pas d’en être le plagiaire, à Victor Hugo, Léon Cladel, Jules Barbey d’Aurevilly, Gustave Flaubert. Et bien entendu à Émile Zola, chef de file du mouvement naturaliste, dans lequel Camille Lemonnier s’inscrit en partie, même si, comme le montre Frédéric Saenen, on ne peut l’assigner à un courant littéraire. De là découlera l’appellation de Zola belge. Elle circulera déjà de son vivant, peut-être même dès la parution d’ Un mâle , son roman le plus fameux. Le mot « belge » est d’ailleurs tout aussi important que celui de « Zola » dans ce syntagme car on fera de Lemonnier le premier écrivain belge, et aussi le dernier, si on le considère comme le parangon de l’identité belge. D’ailleurs Frédéric Saenen confirme cette affirmation, tout en précisant, au passage, ce que serait le sillon profond de la littérature belge. Selon lui, il ne s’agirait pas du surréalisme mais de «  l’expression directe des pulsions premières et de l’instinct, qui pousse l’individu au passage de la ligne et au seuil de la tragédie intime.  »Pour déconstruire le poncif de « Zola belge », Frédéric Saenen ne se contente pas de s’interroger sur la manière dont ce dernier s’est forgé et répandu, mais il analyse, à travers la littérature critique, les liens qui unissaient Lemonnier et son collègue français ainsi que leurs œuvres respectives. Aussi, de page en page, remet-il en lumière ce qui est occulté par le cliché : Lemonnier, réaliste décadent, virtuose du style, écrivain de la péri-urbanité, relecteur de la Bible, explorateur halluciné de l’intime, peintre du peuple belge. En refermant Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , on ne peut que féliciter Frédéric Saenen d’avoir su démontrer, de façon condensée, la grandeur et l’originalité de l’œuvre de Lemonnier. Nous ne pouvons d’ailleurs qu’adhérer à sa proposition de faire de Camille Lemonnier le…