"Vos papiers"


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Le sourire de Suzie

Suzie a perdu le sourire, inquiète de ce qui se trame dans le monde des adultes. Inquiète d’inquiéter…

Le temps appris

À soixante-huit ans, Patrick Devaux prend désormais son temps. Surtout celui de la réflexion, se tournant face au passé comme devant un miroir. Il y mire ses souvenirs, y reconnait la nostalgie, y revoit des gens rencontrés et ceux qui ne sont déjà plus là. « Un souvenir est un acquis, ce n’est pas du temps perdu  », m’explique-t-il par téléphone. Ainsi, le titre de son recueil, Le temps appris , signifie que ce dernier n’a rien pris sans laisser quelque chose, des bribes, des fragments, des poussières d’étoiles ; leur scintillement. Car fort de ses promenades nocturnes, au petit matin, sevré du silence de Rixensart où il vit, d’un jet continu, l’auteur écrit sa poésie, forme d’écriture « la plus proche de la réflexion  ». Il s’y met dès lors d’un coup et « ça fuse, c’est presqu’instantané, comme une photo du passé vécu, alors transformé en acquis  » grâce à la pointe d’encre sur le papier de l’aurore ; à l’heure où blanchit la campagne ne puis-je m’empêcher de réciter à part moi. Patrick Devaux remplit donc son carnet à la main avant de le «  retravailler dans tous les sens  », capable de bouleverser les vers et «  même l’ordre des pages  » en vue de construire ce qu’il décrit comme une «  écriture en chute ascensionnelle, une échelle d’acides aminés, torsadés de mots qu’on peut lire, si on veut, autrement que selon leur présentation  ».Effectivement, ses poèmes se dévalent et s’escaladent allègrement, chaque vers comme un échelon très court, très étroit, ramassé entre de larges marges aériennes. La lecture suscite ainsi le rythme et le souffle, oui : la marche réflexive et l’absorbante flânerie, toute mentale car les pas ne comptent plus et le corps connait par cœur le chemin, le circuit, la voie. « Qui peut prendre un sens bouddhique  » où toute vie vaut une vie, et qui jamais ne s’enlèvent et s’interchangent. Tels les mots. Qui ne doivent compter ni majuscule, ni ponctuation, juste leur émanation vitale, l’haleine de leur âme avec l’inspiration profonde de l’air sous l’effort du pied. que faire d’un miroir   qui t’invite à la danse de mots inconnus ?   il garde de toute façon   pour lui   la tendre grimace des non-dits À la fois lointaine et présente, pendant notre échange, l’enfance de l’auteur lui remonte aux lèvres, lorsqu’il cachait ses bouts de papiers, des phrases écrites sous les couvertures et puis glissées dans les barreaux de son lit pour en garder l’absolu secret. Lointain donc dans le temps mais très présent dans le besoin : celui d’élévation vers le sacre du ciel contre les douleurs du temps, mais pour ce qu’on apprend de lui — l’auteur insiste —, à savoir ce qu’on fait du temps inaccompli en vue de relancer l’action, de retrouver le bonheur, de partager la joie.Autant d’élans que l’on perçoit dans les aquarelles de Catherine Berael et qui ravissent le poète. Il retrouve dans les brumes des montagnes colorées et très liquides de la peintre et poétesse, une mutuelle aspiration, force, persistance, volonté. Et de citer, passé oblige encore, le recueil d’Anne-Marie Wilwerth, Cri voilé de l’enfant-lune , un tournant dans son écriture : « Je ne cessais d’écrire de longues pages, mais avec elle j’ai découvert les formes courtes, très courtes  ».Dont acte dans le présent recueil où les mots sont des lucioles s’évanouissant dès les prémisses de la clarté matinale, à l’instar des crépitements d’un feu s’éteignant sous la domination majestueuse de l’astre montant doucement, signalant la fin des flammes autour desquelles une douce tristesse console chacun en attendant l’avènement d’un éternel miracle : le…

Éloge de la pince à linge

La pince à linge dont il est question dans les aquarelles de Roger Dewint n’est pas d’un plastique coloré ni d’un métal inoxydable ; elle est d’un bois plutôt brun clair (dans une gamme de couleurs se déployant du beige jaunâtre au gris terne), tendrement enserré et mordu par un ressort conférant à la fois unité et mobilité à ses deux bâtonnets façonnés. C’est celle qui est abandonnée sur un fil ou qui se repose au fond d’un seau après avoir rempli sa fonction de fixation ; celle qui obture les narines d’un personnage de bande dessinée face à une odeur intolérable ; celle qui se colle dos à dos avec ses copines et termine en sous-plat de « fête des pères » ou en bricolage plus élaboré à la façon François Pignon. C’est celle-là que l’on retrouve dans chacune des illustrations de Dewint ainsi que dans la première des deux nouvelles d’Ève Caligaert.  Elle aurait pu être disséquée et sur-qualifiée dans un poème pongien, elle se fit muse des Quatre Barbus qui retracèrent (sur l’air de la Cinquième beethovénienne) son invention, et elle inspire ici « Les Origines de la Pince ». Car son apparition est aussi multiple que mystérieuse : Chine, Égypte, Nouvelle-Zemble, Angleterre, Europe centrale, Japon, Colombie britannique, Carpates ? De tous temps et sous toutes les latitudes, ce petit objet (sacré ou quotidien ?) a traversé et symbolisé les civilisations. Et son potentiel est encore loin de se tarir : «  […] les chercheurs d’aujourd’hui, à l’affût d’innovations et de découvertes pour maintenir l’équilibre de la planète, se sont penchés sur les possibilités inexplorées qu’offre la pince à linge […] Mais il est trop tôt pour en parler, les brevets n’ayant pas encore été déposés. Par respect pour ces savants, nous nous voyons tenus au secret.  »«  J’ai de la chance, beaucoup de chance. Je vis dans une maison où l’on aime les chats. Je peux dormir seize heures par jour et m’éclipse la nuit sans qu’on y trouve à redire.  » Assurément, c’est une heureuse existence que mène le protagoniste du second texte du recueil : le félin de Elle et Lui. Elle est la femme de Lui, qui se verra attribuer un Nom (connu dans son pays comme à l’international) après des années de «  travail de bœuf, de vraies charrettes  », dans la solitude de son bureau rempli de crayons, de papiers, de doutes et de rêves. Ce succès, «  notion abstraite qui ne vous laisse plus paix  », bouleversera le bonheur tranquille de la fermette et détraquera par ailleurs «  la foutue pendule qui avait un mécanisme remarquable  ». La ronron-thérapie fera-t-elle des miracles ? «  Je n’ai pas le courage de vous l’expliquer  » dirait notre félin en fermant les yeux… À vous donc…