Auteur de Verlaine
Comme Guy Goffette l’aime, son cher Verlaine ! Et comme il nous fait partager cet attachement, cette affection, en généreux passeur de textes et de sentiments ! Alors que le coup de foudre n’a eu lieu qu’à la maturité (Verlaine est entré dans ma vie comme la foudre dans une maison fermée), la cinquantaine approchant (sa première idole a été Rimbaud, l’autre du couple glorieux), depuis, il écrit sur lui fidèlement, tendrement, amicalement. De beaux livres, de sa prose la plus poétique, emphatique, celle qu’on aime tant, celle d’Elle, par bonheur et toujours nue. Après Verlaine d’ardoise et de pluie (1996) et les récits de L’autre Verlaine (2008), il publie, dans la collection « Les auteurs de ma vie » aux…
Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert
Après Monet ( L’adieu au paysage. Les nymphéas de Claude Monet , La Différence, Monet, impressions de l’étang , Arléa), Rothko ( Mark Rothko, rêver de ne pas être , Arléa), Nicolas de Staël ( Nicolas de Staël, le vertige et la foi , Arléa), Goya ( Visions de Goya, l’éclat dans le désastre , Arléa, prix Malraux 2019 ), le dialogue que Stéphane Lambert noue avec la peinture se porte sur Léon Spilliaert. Proximité, sismographe de poète, affinités électives, démarche questionnante qui décloisonne l’œuvre et la vie et plonge à mains nues dans l’imaginaire des peintres : ce quatuor compose moins une méthode qu’un embrasement passionné. Dans Être moi, toujours plus fort. Les paysages intérieurs de Léon Spilliaert , Stéphane Lambert livre un récit à deux voix, celle du peintre Spilliaert, celle du narrateur-auteur. Lire aussi : Histoires de vie, des rencontres risquées entre réel et imaginaire (C.I. 190) Comment, un siècle plus tard, mettre ses pas dans ceux de cet artiste né en 1881 à Ostende, qui déclina dans des œuvres marquées par l’inquiétude et l’angoisse la station balnéaire, la puissance de la mer, la nuit — fût-elle en plein jour ? Un subtil jeu d’échos, voire de miroir, s’établit entre ces deux voix qui, davantage qu’être séparées par le temps, se tiennent à distance du tumulte du monde des hommes. Peintre de l’intériorité, Spilliaert a trouvé en Stéphane Lambert un lecteur guidé par les Muses de la sensation et de la voyance.L’essai campe une scène fondatrice, aurorale, de nature géographique, plus exactement psychogéographique : la naissance de Spilliaert à Ostende, un lieu à la lisière de la terre ferme et de l’eau. De même que la ville d’Ostende est construite sur deux éléments antagonistes — la terre et l’eau —, le peintre des espaces nocturnes et vides, de l’errance nimbée de fantastique, navigue entre solidité terrienne et évanescence aqueuse. Comme si la singularité du lieu où il naquit, passa sa jeunesse et une grande partie de sa vie adulte s’était réverbérée dans son caractère, dans son être-au-monde… Richement ponctué par des œuvres de Spilliaert (datées des années 1901-1910, à l’exception de Troncs noueux de 1938), construit sur l’alternance des deux voix, l’essai restitue le voyage de Spilliaert sur les terres de l’inquiétante étrangeté. Étrangeté de la mer du Nord, de l’Océan disait-il, étrangeté de l’existence, opaque comme le flux et le reflux des marées, des sensations, rapport trouble au monde du dehors et au monde intérieur : l’intranquillité de la mer, son appétit d’ogre (« chaque tempête réclame son âme à dévorer ») résonne avec celle de Spilliaert qui, questionnant l’essence des choses, des êtres, des paysages, mettra en forme le réel perçu en le nimbant d’irréalité. Début du 20e siècle : un tremblement d’irréalité décolle les étants, les matières d’eux-mêmes et fait de Spilliaert le spectateur d’un monde par rapport auquel il demeure étranger. Début du 21e siècle : sur les traces de Spilliaert, à Bruxelles, à Ostende, Stéphane Lambert fait l’expérience d’une faille entre soi et le monde, d’un dénivelé irrelevable entre le visible et l’invisible, le dicible et l’indicible. C’est sur cette faille que l’art se construit. Sœur de celle de Pessoa, l’intranquillité comme tonalité des dessins, des lavis se traduit dans des paysages désorientés, mangés par l’obscurité, désertés par l’humain, dans des autoportraits rongés par le doute. L’Océan est toujours le même, et toujours changé. Le sable est un sol sans mémoire. Je cours derrière l’angoisse qui me pousse. Mes pas effacés s’amoncellent dans une manne inconnue. Ce que je cherche se trouve de l’autre côté. Toujours de l’autre côté. Mettre ses pas dans ceux de Spilliaert, ressusciter les rencontres qu’il eut avec Ensor, les symbolistes, Maeterlinck, Verhaeren (dont Spilliaert illustra les œuvres), avec Zweig, évoquer son mariage, sa venue à Bruxelles, c’est pour Stéphane Lambert descendre en rêveur éveillé dans le vertige immobile, teinté d’onirisme, qui imprègne ses toiles, son existence, c’est s’ouvrir à l’inapaisement de la démarche artistique. Le dialogue, le voyage impulsés par Stéphane Lambert métamorphosent le fantôme de Spilliaert en contemporain revenu à la vie. La grâce de l’écriture est d’abolir…
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…