À propos du livre (extrait de l’Introduction)
[ ] Les premières pages présentent les sources principales que j’ai utilisées. Cette introduction critique, un peu inhabituelle, était indispensable, car les documents essentiels à la connaissance de Ghelderode : sa correspondance publiée et, surtout, Les Entretiens d’Ostende, sont sujets à caution; la première a souvent…
Au moment des révoltes politiques de 2013 en Turquie, l'écrivain K. Görgün fait partie des occupants de…
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…
Julien Noel
05 mars 2020
Il en va de Ghelderode comme de Ray ou de Rops : la légende éclipse l’homme. Et dans ce cas également, il s’agit d’une légende construite en toute conscience, avec mille et mille soins. La tâche de Roland Beyen était donc colossale : il a fallu tout mettre en doute, partir des sources les plus objectives pour réécrire la vie d’un maitre adoré, et accepter qu’elle n’apparaisse alors plus comme il l’avait souhaité. Je rejoins cependant son opinion que l’auteur de Sortilèges n’en ressort que plus humain et attachant.
J’ai personnellement beaucoup de tendresse pour Ghelderode. Je ne pense pas que le mot soit trop fort ; c’est un auteur avec lequel je me sens en communion d’idées, dont le parcours, les échecs, les phobies et jusqu’aux bravades m’émeuvent. Cette biographie m’a conforté dans cette opinion. L’image globale qui en ressort est celle d’un grand timide un peu mythomane, d’un dramaturge accro aux postures qui camoufle en haine sa peur maladive d’autrui ; qui redoute sans cesse l’échec, le discrédit, mais qui s’acharne ; qui surjoue complètement sa misanthropie, sans toutefois parvenir à se mentir tout à fait à lui-même…
Le chapitre consacré à ses rapports avec la religion — bien plus complexes qu’ils n’apparaissent au premier abord — m’a tout spécialement intéressé. La question de sa relation à la Flandre idéalisée, étroitement liée à son mal-être existentiel et à son dégout du monde contemporain, est un autre point essentiel du livre. Comme tant d’écrivains et d’anonymes, Ghelderode était hanté par l’impression d’être né trop tard, d’être rejeté hors du siècle où il aurait pu s’épanouir. Cette épaisse biographie est donc autant une étude clinique, qui dissèque ce mal courant et — qui sait ? — apportera peut-être des réponses à qui en souffre…