Une mystique sans Dieu



À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Claude Bologne
Auteur de Une mystique sans Dieu
Je suis celui qui suis, a dit quelqu'un de plus célèbre que moi. Il faudrait arrêter là toute biographie. Ou, comme cet autre, le même, plus célèbre que moi, la confier à quatre témoins contradictoires. Inconvénient : on n'est plus sûr que ceux qui sont aient bien été. Alors, écrire. Etre et écrire sont pour moi le même acte. La même nécessité de mettre des mots autour du grand néant que l'on est tous appelé à découvrir en soi. Apprivoiser le néant est la première leçon de vie. Un gouffre à combler, que l'on sait insondable. Vivre, c'est s'obstiner à le croire possible. Certains y déversent de l'argent, des honneurs, du sperme, du tabac, de l'alcool, de la télévision... J'y déverse des mots, tout aussi inutilement. Le comble, c'est que c'est dans ce néant que j'ai connu le bonheur le plus intense, le bonheur sans mots, enfin. Alors, que me prend-il ? Etre est le pire paradoxe que l'on doive affronter. Refuser de s'en tirer par un truisme. Je ne suis pas celui qui est; je suis celui qui tente d'être. Etre, c'est retrancher de soi tout ce que l'on n'est pas. Des études de philologie romane et un saut de puce dans l'enseignement m'ont appris que les mots (la langue, l'écriture) avaient leurs cages, et qu'on pouvait les en libérer. Un service militaire passé à mesurer l'âme des canons m'a vite confirmé que je n'en avais pas davantage. La mort d'un ami m'a appris la mienne, et la fuite. Il m'a fallu m'installer à Paris pour découvrir que j'étais belge, au plus profond de moi, et loin de la Belgique. Le reste appartient à l'écriture. Par le roman et par l'essai historique, je tente de comprendre ce que les autres sont, ou ont été, ou ont cru être. Et donc tout ce que je pourrais être, tout ce que j'extrais du fond de moi. Ce que j'écris est une part de ces milliards de vies que je porte en moi et que je ne réaliserai jamais, mais qu'il me faut extirper pour trouver le noyau — ou le néant — resté au fond de moi. Je ne suis pas celui qui est; je suis celui qui ne sera pas. Combler un vide infini pour en découvrir un autre au fond de soi, absurde, non ? Mais vivre déjà est absurde. Et surtout, une joie, une immense joie.


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Il y a quarante ans, Jean Claude Bologne a vécu durant quelques instants « une expérience fulgurante de l’absolu ». Quelques instants qui ont marqué et transformé toute sa vie. En 1995, il a consacré à cette expérience mystique, exempte de toute référence à Dieu, un premier essai qu’il considérait comme une délivrance, pensant n’avoir plus à revenir publiquement sur le sujet. N’empêche, alors que le temps a passé « sans rien changer à la brutalité de la mémoire », il s’est résolu, poussé par « les confidences que le livre a suscitées » et par « les réflexions qui l’ont prolongé » à témoigner « avec moins de lyrisme et de candeur » de « l’instant où le monde a basculé » et de…


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Une démocratie approximative L’Europe face à ses démons

Plus de soixante ans après le Traité de Rome, peut-on dire que l’Europe est démocratique ? C’est l’une des questions que pose Véronique De Keyser, ancienne députée socialiste européenne (de 2001 à 2014) et professeure émérite de psychologie à l’ULiège, dans son livre Une démocratie approximative. L’Europe face à ses démons, lauréat du Prix du livre politique 2018 . La création de l’Europe après la Deuxième guerre mondiale symbolisait la réconciliation des peuples sur un champ de ruines. Jusqu’au début des années 2000, les crises qu’elle a traversées ont été surmontées et son existence n’a jamais été vraiment questionnée. Il n’en est plus de même aujourd’hui (…) L’Europe a encore ses défenseurs, mais ses détracteurs se font de plus en plus nombreux . Ces dernières années, la fragilisation des services publics, l’austérité consécutive à la crise financière de 2008, la question de l’immigration et des réfugiés, l’irruption des attentats islamistes sur le continent ont transformé l’Europe de l’ouverture et de la solidarité en une forteresse frileuse, repliée sur ses états.Certains signes interpellent l’autrice : le succès électoral des partis d’extrême-droite souligne le retour des discours de haine de l’Autre, parallèlement à la montée de l’euroscepticisme, fondé sur «  une rhétorique du complot ; c’est la faute à l’Europe, l’Europe totalitaire, l’Europe des technocrates  ».Or, l’UE fait face à des procès infondés : «  on reproche souvent ‘à l’Europe’ de ne pas faire de social, de ne pas avoir une politique d’immigration commune, de favoriser le dumping par manque d’harmonisation fiscale européenne – mais, il s’agit de domaines sur lesquels, pour l’instant, elle n’a pas de compétence  ».Dès lors, pour éclairer ce qui se passe en Europe et l’émergence des «  démons  » qui la guettent, Véronique De Keyser fait appel à des notions définies par le psychanalyste Jacques Lacan : le symbolique, l’imaginaire et le réel.À l’origine, l’Europe s’enracine dans une volonté de transcender un réel historique tragique : proposer «  une réponse à l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. Mais une réponse solidaire, née dans la résistance et les camps de concentration  ». Une Europe soucieuse d’altérité, de coopération entre les peuples.Mais l’Europe n’a pas tenu ses promesses démocratiques : elle a échoué à incarner un pouvoir symbolique tutélaire. Soumise à l’influence des lobbys économiques, à la remorque des grandes instances financières (Banque mondiale, Fond monétaire international), guidée par des fonctionnaires ultra-libéraux non élus, elle n’apparaît pas garante de l’intérêt général et n’a cure de protéger les populations, ce qu’a clairement démontré le traitement indigne qu’elle a réservé à la gestion de la crise grecque.Pour corser le tout, l’Europe ultra-libérale, non contente de torpiller les démocraties en difficulté, a contribué à l’essor des «  dérapages de l’imaginaire  » réactivant les démons de l’extrême : «  Exploitant le sentiment d’injustice et de frustration de communautés ou de groupes objectivement défavorisés, les tribuns populistes produisent une rhétorique qui mobilise exclusivement l’imaginaire (…) Le populisme c’est d’abord l’absence de pluralisme. Et donc de confrontation à l’Autre  ».Suivant Jürgen Habermas, Véronique De Keyser détecte, à travers ces mouvements contradictoires, une «  dialectique ouverture/fermeture  » (Jürgen Habermas, Après l’état-nation ) à l’œuvre en Europe : des «  réseaux d’échange  » , économiques et financiers, ouverts tous azimuts face à des « mondes vécus » par les citoyens, fermés sur eux-mêmes. En un mot, une Europe qui enchante les capitalistes et inquiète les populations.Serait-il dès lors possible de réconcilier l’Europe avec les peuples qu’elle a si longtemps snobés ? Pour Véronique De Keyser, il n’y a pas quantités de solutions : «  1) ou l’Europe implose en sauvant les meubles (comme sa zone de libre-échange) et alors chaque état membre est nu par rapport à ses propres démons nationalistes 2) ou l’Europe intègre une dimension sociale et citoyenne qui lui manque totalement. Il n’y aura pas de troisième voie  ».Pour résoudre cette équation, Véronique De Keyser fait confiance aux jeunes générations qui, en quelques années, ont appris à maîtriser efficacement les outils numériques et investi massivement les réseaux sociaux avec une capacité de mobilisation politique étendue, sinon planétaire. De quoi promouvoir, selon l’autrice, une démocratie approximative , positive, bien que dépourvue de fonctionnement institutionnel, à l’image de la «  connaissance approximative  », multiple, massive, vivante et non hiérarchisée, qui s’est développée…