Sous le ciel des hommes (2022)


RÉSUMÉ

Le calme semble immuable dans le grand-duché d’Éponne. Sis au cœur de l’Europe, il est un de ces lieux où les accords financiers négociés dans le secret des immeubles cossus décident de la marche du monde. Tout y est à sa place, et il est donc particulièrement compliqué pour un étranger récemment arrivé de s’en faire une, dans cette ville proprette plantée au bord d’un lac.

Accueillir chez lui un migrant, et rendre compte de cette expérience dans son prochain opus, le journaliste vedette Jean-Marc Féron en voit bien l’intérêt : il ne lui reste qu’à choisir le candidat idéal pour que le livre se vende.

Dans un autre quartier de la ville, quelques amis se retrouvent pour une nouvelle séance d’écriture collective : le titre seul du pamphlet en cours – Remonter le courant, critique de la déraison capitaliste – sonne comme un pavé dans la mare endormie qu’est le micro-État.

Jérôme, l’un des six co-auteurs, ne tient pas à s’éterniser : dès la fin de la réunion, il court rejoindre Sylvie dans un hôtel proche de la gare. L’un et l’autre attendent impatiemment leurs rendez-vous clandestins, même si leurs univers ont peu en commun. Difficile en effet pour la jeune cadre de l’industrie du luxe d’expliquer à l’intellectuel précaire combien sa vie de famille pèse sur son avancement.

Semira, son employée de maison, qui lui est d’une aide précieuse, en sera bien mal récompensée…

Car, dans ce décor de carton-pâte où tout n’est que façade, les personnages que campe Diane Meur vont petit à petit apparaître dans leur vérité : pendant que, sous la plume de la joyeuse bande d’anticapitalistes, le pamphlet remonte vaillamment le courant de la domination, chacun démêle comme il le peut les contradictions de sa propre existence. Et si le retournement opéré par l’adorable Hossein dans la vie de Féron se révélera bouleversant, celui d’une Sylvie se sentant prise au piège de son fragile équilibre n’en sera pas moins spectaculaire.

Nouant savamment les fils de ses différentes intrigues, Diane Meur excelle à semer le trouble et à suggérer l’ambivalence : sous le ciel des hommes, l’humanité n’est-elle pas capable du pire et du meilleur ?

Chemin faisant, la romancière se double d’une belle essayiste : car c’est bien elle, et elle seule, l’autrice du réjouissant libelle qui, en dénonçant l’irrationalité perverse d’un système à bout de souffle, éclaire non seulement les agissements des personnages… mais aussi le cheminement du lecteur.

Sous le ciel des hommes est un grand roman de Diane Meur : son regard malicieusement critique et son extrême finesse psychologique accompagnent nos questionnements les plus contemporains. Car, au fil de la lecture, il apparaît que ce grand-duché imaginaire et un peu caricatural n’est pas plus irréel que le modèle de société aberrant et destructeur dans lequel nous stagnons aujourd’hui.


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À PROPOS DE L'AUTEUR
Diane Meur
Auteur de Sous le ciel des hommes (2022)
Diane Meur est une femme de lettres belge d'expression française. Pendant ses études secondaires au lycée français de Bruxelles, elle prend l’initiative d’apprendre l’allemand. Après trois années de classes préparatoires au lycée Henri IV de Paris, elle intègre l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, en section lettres modernes. Hésitant entre germanistique, lettres modernes et histoire, très vite elle se lance dans la traduction. Elle a notamment traduit "Musique et société" de Hanns Eisler (Éditions de la Maison des Sciences de l’homme, 1998), les "Écrits sur Dante" d’Erich Auerbach (Macula, 1999), "Léthé. Art et critique de l’oubli" de Harald Weinrich (Fayard, 1999) et, aux éditions du Cerf en 2001, de Heinrich Heine, "Nuits florentines, précédé de Le Rabbin de Bacharach et de Extraits des mémoires de Monsieur" de Schnabeléwopski". Elle s'attèle ensuite à plusieurs travaux, à Heine d'abord, à un livre sur les techniques mnémoniques au Moyen Âge ensuite (Mary Carruthers, The Book of Memory, Macula) et enfin à Figura d’Erich Auerbach (sur l’interprétation “figurative” de la Bible par les chrétiens médiévaux et le rapport complexe qu’elle établit avec le judaïsme, Macula). En 2002, elle publie son premier roman, "La Vie de Mardochée de Löwenfels écrite par lui-même". En 2003, paraît "Raptus". Son roman, "Les Vivants et les Ombres", paru à la rentrée littéraire 2007, a été récompensé par le prix Victor-Rossel et le prix Victor-Rossel des jeunes 2007 et le prix du roman historique-Rendez-vous de l'histoire de Blois 2008. Parallèlement à son activité de romancière, elle poursuit son travail de traductrice, notamment de Paul Nizon (son journal ainsi que "La Fourrure de la truite", Actes Sud, 2006) et de Tariq Ali ("Un sultan à Palerme" et "Le Livre de Saladin", Sabine Wespieser éditeur, 2007). En 2012, elle obtient le prix du jury de l'Algue d'or (de Saint-Briac-sur-Mer) pour "Les Villes de la plaine" (2011).  

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