40 shoots de philosophie empreints d’humour et d’esprit
Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais ma tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse.
Albert Camus
Empêcher que le monde se défasse, tel est le pari qui tisse la trame de quarante miniatures philosophiques destinées à « faire monde » malgré tout, en le passefilant, en le rimaillant et en le rapapillotant à partir de questionnements qui nous renvoient à notre héritage commun et à notre communauté de destins.
En convoquant les grands philosophes pour aborder les thèmes universels de l’amour et de la liberté, de la reconnaissance sociale ou de la mort, Pascale Seys nous invite à explorer les recoins de la « maison-monde » avec gravité et jubilation.
Auteur de Connais-toi ! Toi-même ! : Refaire un petit coin de monde
Après nous avoir fait lire une trilogie de philosophie vagabonde sur l’humeur du monde, Pascale Seys nous offre un nouveau recueil de réflexions philosophiques sous forme de petites histoires nous invitant à comprendre la complexité de la société à travers des questions du quotidien. Sans transition, nous sommes amenés à nous interroger sur des questions universelles telles le bonheur, la sagesse, l’éthique ou la générosité.De la petitesse de notre regard découle le mépris et de sa grandeur, l’admiration. D’où cette conclusion prodigieuse : la vraie générosité consiste à accomplir librement les meilleures choses en ce monde en ne méprisant personne, en regardant chaque chose sous l’angle de sa grandeur, en excusant les faiblesses des autres ainsi…
Une pluie de publications récentes fait la part belle aux écrits de Colette Nys-Mazure…
Quand, au milieu du XVIIe siècle, Arnauld d'Andilly fait paraître sa traduction des Vies des saints pères des déserts , il ne livre pas seulement un texte philologiquement sûr à la lecture édifiante des moniales et des reclus; il espère que les gens du monde y trouveront des exemples nombreux de sainteté pour en faire un instrument de leur conversion à Dieu. Bien d'autres livres, qui semblent à l'usage exclusif des conventuels, prétendent in fine excéder le lieu de leur diffusion professionnelle pour être lus dans le «monde». Et ils l'ont été. Cette performance du texte religieux de conversion et de retraite illustre un procès de rencontre entre deux univers, trop souvent tenus pour être quasi étanches et, pour le moins, opposés l'un à l'autre : le cloître et le «siècle». Centrée sur le XVlle siècle français, non sans puiser aux sources d'un passé parfois récent ou s'oser aux extrapolations pour les siècles suivants, la réflexion qui est ici présentée cherche à montrer que, si opposition il y a eu entre ces deux sphères des destinées humaines, la bipartition n'aura été aussi vive que par le fait de la similarité structurelle qui les fait trop semblables pour qu'elles ne s'opposent pas. Par l'ascèse, dont la diffusion se fait dans l'espace curial, qui commande aux nouveaux comportements légitimes et aux représentations dominantes de la société d'Ancien Régime, prennent forme un procès de domestication des pulsions, une éthique de la convergence du paraître social et de l'être psychologique, un fétichisme déréalisant qui porte sur les grâces royales de plus en plus symboliques, sur les petits riens de l'étiquette et sur une subordination de l'espace privé à une montre publique de soi. Ce protocole trouve son homologie déplacée dans l'espace du cloître : la césure de l'être avec son passé mondain, l'investissement dans les promesses divines de la rédemption, la transparence du coeur et de l'âme dans la promiscuité cénobitique, l'attention annihilante, voire mystique, aux moindres détails qui comptent plus que tout au regard de Dieu. De manière plus circonstancielle, les nouveaux modèles de l'éthique aristocratique ont puisé aux instructions anciennes des novices ; en retour, les prélats ou les supérieurs redéfinissent les Règles monastiques à partir des préceptes de la civilité aristocratique. Structurant un échange continu du fait de cette position inédite entre deux mondes, la manipulation des exemples édifiants formalise la congruence des modèles existentiels, tel saint Louis, mythifié pour exalter le fondateur spirituel de la monarchie, pour magnifier l'union des obligations séculières avec celles de la pénitence et pour cautionner la lutte contre les protestants. Parce que le recrutement monastique montre une surreprésentation des fractions sociales dominantes, s'expliquent l'imposition du modèle aristocratique dans les réformes monastiques du XVlle siècle et, plus sourdement, l'émergence d'un procès plus vaste où rétrospectivement se définira l'homme moderne — l'individu — dans son agir social et dans la représentation qu'il va intérioriser des usages licites et surtout sublimants où l'individu finira par se penser au-delà des…