Pour présenter – Eduardo Halfón

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En mars 2015, Maxime Hanchir a rencontré à plusieurs reprises l’auteur guatémaltèque Eduardo Halfón (prix Roger Caillois 2015) dans le cadre du festival de littérature Passa Porta. Au cours de ces entretiens, l’auteur a accepté d’expliciter certains aspects de son parcours et de son œuvre.

En mars 2015, Maxime Hanchir a rencontré à plusieurs reprises l’auteur guatémaltèque Eduardo Halfón (prix Roger Caillois 2015) dans le cadre du festival de littérature Passa Porta. Au cours de ces entretiens, l’auteur a accepté d’expliciter certains aspects de son parcours et de son œuvre.

En 2007, Eduardo Halfón était élu l’un des « trente-neuf meilleurs écrivains latino-américains de moins de trente-neuf ans » par un jury de professionnels…



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Quelle place pour le visuel dans les archives littéraires?

[Anne Reverseau est chercheur FNRS de l'Université catholique de Louvain.] Ce petit texte entend proposer quelques réflexions sur la place du visuel dans les archives des écrivains. Il s’agit plus pour moi de soulever des questions que d’apporter des réponses définitives, étant à l’orée d’un large programme de recherche portant sur la manipulation d’images par les écrivains, de 1880 à nos jours. Ce programme met l’accent sur les gestes que font les écrivains avec tout type d’images. Il s’appuie sur l’idée d’une continuité entre agencement d’images sur les murs, dans les manuscrits et dans les livres. La place du visuel dans les archives d’écrivains, une question longtemps peu pensée, est donc pour cette recherche tout à fait centrale. * Quel visuel? Je préfère dans ce cadre parler de « visuel » et non d’« images » pour permettre à des formes comme le dessin en marge du manuscrit, la sculpture ou le film d’entrer dans la réflexion. Les problèmes théoriques que soulève la définition de l’image sont en effet redoutables: l’image peut-elle être un original ou uniquement une reproduction? Y a-t-il des images en trois dimensions…? Dans les archives d’écrivains, on trouve plusieurs types de visuels, explicitement artistiques ou non, et produits ou non par l’écrivain.  On pense d’abord aux captations vidéo ou aux photographies de plateau des adaptations théâtrales ou cinématographiques d’œuvres littéraires. Ce matériel figure en général dans les archives littéraires et peut servir à comprendre, comme les dossiers de presse, la réception et la continuation de l’œuvre. On pense ensuite aux nombreuses œuvres plastiques, notamment lorsqu’elles sont de la main d’un écrivain qui était aussi peintre, sculpteur, photographe ou cinéaste. Les lieux de conservation sont alors souvent différenciés. Les photographies d’Hervé Guibert sont par exemple conservées par la galerie Agathe Gaillard à Paris, tandis que ses archives littéraires sont à l’IMEC à Caen, comme celles de Pierre Albert-Birot dont le versant plastique de l’œuvre est, lui, au Centre Pompidou. Le cas d’Édouard Levé, écrivain et photographe contemporain, dont les archives textuelles et visuelles sont conservées au même endroit, à l’IMEC, fait plutôt figure d’exception. C’est aussi la chance du Fonds Henry Bauchau qui se trouve à l’Université catholique de Louvain. On trouve également aux côtés des archives littéraires les œuvres plastiques qui ont été offertes à l’écrivain, matériel important pour réfléchir aux relations entre les arts et commenter la façon dont les écrivains ont souvent été des amateurs, des regardeurs et des critiques d’art. Il faut ajouter à cela tout un ensemble d’images non artistiques, vernaculaires, personnelles ou au contraire industrielles, qu’elles appartiennent à l’écrivain (photographies d’amateurs ou dessins sans prétention, par exemple) ou qu’elles aient simplement été collectées par lui. Photographies, cartes postales, coupures de presse, images publicitaires, « images de peu » pour reprendre l’expression de Christian Malaurie XX , constituent un ensemble dont souvent les archives littéraires ne savent que faire. Cette imagerie pauvre constitue pourtant bien souvent l’environnement visuel d’un écrivain. Je veux parler de l’environnement visuel de son époque, de son lieu de résidence, de sa classe sociale, mais aussi plus précisément de celui de son «cabinet de travail» selon l’expression que Pierre Mac Orlan emploie dans un article sur l’importance du graphisme qui nous entoure XX . Comment, alors, conserver et valoriser les images souvent triviales qui figurent au mur ou sur le bureau d’un écrivain, son « décor domestique pittoresque » comme disaient les journaux et les magazines de l’entre-deux-guerres qui en étaient friands? * Archiver le visuel? La question des archives visuelles des écrivains possède un double enjeu de conservation et d’exploitation. Il est particulièrement difficile d’archiver l’imagerie pauvre qui accompagne les écrivains dans le travail de création. Si l’on pense aux images qui peuplent, depuis le 19e siècle au moins, les bibliothèques personnelles, singulièrement celles des écrivains, on imagine aisément les obstacles qui se dressent à leur conservation. Lorsque une bibliothèque intègre un fonds d’archives, on constitue un catalogue et chaque livre est collecté individuellement, dans un autre ordre que celui qui régnait en général sur les étagères. Parfois les archivistes vont photographier la bibliothèque telle qu’elle était utilisée, et éventuellement garnie d’images, sans conserver toutefois le matériel visuel de façon systématique. C’est par exemple la rencontre avec la bibliothèque, encore entière et illustrée, de Sebald sur qui Muriel Pic avait travaillé, qui est à l’origine de son projet d’exposition et de livre, Les Désordres de la bibliothèque, qui consistait à déplier les bibliothèques pour en faire apparaître le visuel. « Moment unique car les bibliothèques d’auteurs, quand elles sont conservées, sont “désossées” pour entrer dans le catalogue. J’ai photographié et je me suis rendu compte, comme je l’explique dans un article XX , que la bibliothèque avec les documents glissés dans les livres est un modèle pour sa manière d’introduire l’image dans le texte » XX . Pour plusieurs bibliothèques d’écrivains ou de penseurs, elle a ainsi sorti les images dont les livres étaient truffés pour les disposer sur les rayons, les photographier puis monter les images en une seule grande séquence. Cet exemple contemporain montre combien les archives visuelles des écrivains sont affaire de reconstitution plus encore que de conservation. L’environnement visuel se trouve en effet dans d’autres contextes aussi complètement mis en scène, par exemple dans les maisons d’écrivains et leurs reconstitutions spectaculaires d’un cabinet de travail ou d’une bibliothèque. C’est le cas de la bibliothèque et du bureau de Valery Larbaud à Vichy, dont le matériel visuel est important, ou des maisons de Pierre Loti ou de Victor Hugo, pour lesquelles la volonté de muséalisation remonte au vivant des auteurs. Ces cas contrastent fortement avec d’autres maisons d’écrivains singulièrement vidées de tout « décor domestique pittoresque » authentique, comme la maison de Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, ou la Casa Pessoa de Lisbonne.     © Anne Reverseau, revue Francophonie vivante n° 2019-1, Bruxelles   Notes 1. Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, « Nouvelles études anthropologiques », 2016. 2. « Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque » (P. Mac Orlan, « Graphismes », dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929). 3. M. Pic, « L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon », dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. 4. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017). Chr. Malaurie, L’ordinaire des images. Puissances et pouvoirs de l’image de peu, Paris, L’Harmattan, «Nouvelles études anthropologiques», 2016. «Le cabinet de travail d’un créateur, quel que soit son mode de création, modifie son pittoresque», P. Mac Orlan, «Graphismes», dans Arts et métiers graphiques, no 11, 15 mai 1929. M. Pic, «L’atlas fantastique: W.G. Sebald lit Walter Benjamin et Claude Simon», dans Quarto. Archives Littéraires Suisses, no 30-31: Urs. Ruch et Ulr. Weber (dir.), Autorenbibliotheken / Bibliothèques d’auteurs, 2010, pp. 72-76. Entretien par courriel avec Muriel Pic (juin 2017).…

Eve Bonfanti et Yves Hunstad, accueillir l'inattendu : dialogue avec Frédérique Dolphijn

On connaît déjà les différentes collections littéraires et imagées des éditions belges Esperluète , cette maison qui soigne particulièrement les écritures singulières alliées à un art visuel de choix. La rentrée littéraire est pour Esperluète l’occasion de présenter une toute nouvelle collection, « Orbe », qui offre à lire, sous la forme des dialogues, des réflexions d’auteurs à propos de leur pratique d’écriture et de lecture. « Qui suis je ? C’est la question que les autres posent – et elle est sans réponse. Moi ? Je suis ma langue  » écrivait si justement le poète palestinien Mahmoud Darwish dans Une rime pour les Mu’allaqât en 1995. C’est par cette question complexe posée à l’auteur que s’entame chacun des dialogues d’« Orbe » . On habite sa langue moins qu’elle nous habite, moins qu’elle nous façonne et qu’elle nous hante. Disons-le : la langue évolue moins avec nous que nous auprès d’elle. Avec « Orbe », il est question de définir ce qui, pour chaque auteur a provoqué un désir lié à l’écrit. Ce désir, individuel et propre à chacun, s’inscrit dans un rapport au monde, à soi et à la lecture. L’enjeu, ici, sera de découvrir différents mécanismes et processus d’écriture et de création.La collection se veut ouverte à tous les genres littéraires, qu’il s’agisse du roman, de poésie, de nouvelles, de traduction, de théâtre, d’un scénario de film, de bande dessinée ou de littérature de jeunesse. Elle s’adresse à ceux qui s’intéressent au processus d’écriture ou aux auteurs interrogés en particulier, ainsi qu’aux enseignants et participants des ateliers d’écriture.Initiée par l’écrivain et cinéaste Frédérique Dolphijn , la collection présente trois premiers ouvrages dont elle signe le dialogue. Pour chacun d’eux, elle a choisi des mots à l’intention des auteurs. Ces derniers ont été piochés de manière aléatoire, les uns après les autres, et ont initié le début d’un nouveau chapitre et d’une ébauche de réflexion.L’emploi de la deuxième personne, tu , lors de chacun des entretiens, souligne le caractère spontané et non artificiel des dires de l’interrogeant comme de l’interrogé. Nul besoin de faire beau, ici, et c’est ce qui émeut dans le propos : d’entendre les rires et les hésitations entre les lignes nous fait nous, lecteurs, prendre part au dialogue à notre tour. Ève Bonfanti et Yves Hunstad, Accueillir l’inattendu Comment écrire pour enfin dire en public ? Dans cette conversation, il sera question de théâtre et d’une certaine écriture de la transmission.Eve Bonfanti et Yves Hunstad, tous deux acteurs et auteurs de théâtre, ont décidé de mêler leur virtuosité pour fonder la compagnie La fabrique imaginaire . Écrire en duo implique le challenge de la symbiose et de l’entente qui force à passer outre les questions d’égo. Deux écritures faites une, en perpétuel mouvement, donc, inattendue ;  en allers-retours de l’une à l’autre, où le public est partie prenante de la création et interroge sans cesse l’auteur. Imprévu Yves : On parle bien de l’écriture… Dans l’acte de jouer, il y a zéro imprévu. Sauf s’il y a un accident qui vient de l’extérieur. Mais de notre part, on ne crée pas d’imprévu quand on joue. On espère qu’il arrive pour orienter l’écriture, pour l’enrichir. Eve : Cet imprévu positif, là dans l’écriture et qui est reproduit après de manière illusoire dans le jeu, provoque une tension… presque une supra conscience dans le cerveau du public… Tout se tend vers ce moment : qu’est-ce qui va se passer ? Colette Nys-Mazure, Quelque chose se déploie C’est par ce dialogue avec Colette Nys-Mazure que s’est lancée la collection « Orbe ».Grande lectrice et enseignante inaltérable, l’incontournable poète, nouvelliste, romancière et essayiste dont l’œuvre a été récompensée de nombreux prix incarne plusieurs facettes de l’écriture poétique. Elle pose, dans ses pages comme dans son quotidien, un regard et une attention soutenus aux autres et à leurs écritures. L’autre C’est vraiment exigeant, l’autre… C’est à la fois l’autre en soi… d’étrange, de différent, d’inquiétant ; c’est l’autre, immédiat, avec qui on vit avec qui on tente de composer (…) Dans les livres que je fréquente, il y a une part des auteurs que j’ai appris à connaître. Mais il y a aussi tous ceux que j’ai envie de découvrir, que je ne connais absolument pas, et qui sont à des milliers de kilomètres de mes préoccupations ou de mes façons d’écrire (…) Il y a une rencontre avec un livre… mais une rencontre qui présuppose des deux côtés une disponibilité. Jaco Van Dormael, Écrire le chaos Qui sommes-nous ? Qu’est-ce que le sens, existe-t-il un sens, que faire de ce chaos qui nous traverse ? Cinéaste de l’imaginaire et de ce qu’il peut y avoir de grand dans l’enfance, Jaco Van Dormael pose chacune de ses réponses sous le signe du questionnement. Se définissant, à la suite de Luigi Pirandello, comme « Un, personne et cent mille  », il interroge avec nous le processus de création.C’est à l’écriture de scénario que Frédéric Dolphijn s’intéresse avec Jaco Van Dormael. On y découvre comment, écriture à part entière, elle induit également une création multiforme. Incarnation Celui qui incarne le plus, c’est l’acteur. C’est en ça que l’écriture que je fais est une écriture collective ! C’est à dire que je vis avec des fantômes pendant des années, dont je note les conversations par bribes, qui me sont très familiers, pour lesquels parfois j’ai de l’amour, parce que je les connais bien. Ils changent de visage régulièrement. (…) ce sont des « multi personnages. (…) En général on dit qu’il y a  trois écritures : l’écriture du scénario, l’écriture sur le plateau et l’écriture au montage. On ne parle jamais de la quatrième écriture, la plus importante : celle du spectateur qui retient certaines choses, en oublie d’autres, inverse les scènes, fait dire à tel personnage des choses qu’il n’a pas dites, et qui se réapproprie le film. Victoire de Changy Dans cette conversation, il sera question de théâtre et de l’écriture de la transmission. Comment dire pour un public ? Le spectateur devient partie prenante de la création dans les interrogations de ces deux auteurs de théâtre. Eve Bonfanti et Yves Hunstad ont décidé de mêler leurs talents ; écrire en duo implique une symbiose et une entente de travail qui dépasse les questions d’ego. La finalité est directement au centre du processus. Il ne s’agit donc pas de double jeu mais de construire cette présence à l’autre, induire la lecture d’un spectacle, l’écoute d’un texte. Accueillir l’inattendu, c’est admettre cette place du jeu, de l’improvisation, de l’accident et de l’imprévu. C’est le faire sien pour mieux avancer dans le processus d’écriture. Écriture qui se place ici clairement dans l’oralité, le son et le sens des mots faisant un, le jeu de l’acteur participant à l’écriture... Partageant avec générosité et enthousiasme ces moments d’écriture, Eve Bonfanti et Yves Hunstad mêlent leurs voix à celle de Frédérique Dolphijn pour une conversation…