Le Futur de l’archive et l’Archive de demain

Contrairement à l’image poussiéreuse que lui prête l’imaginaire populaire, l’archive est avant tout une affaire d’avenir. Dans la mesure où elle tend vers ce futur qui la détermine, elle se caractérise par l’incertitude. Comme l’écrivait Jacques Derrida, « [l]’archive, si nous voulons savoir ce que cela aura voulu dire, nous ne le saurons que dans les temps à venir. Peut-être. Non pas demain mais dans les temps à venir, tout à l’heure ou peut-être jamais » XX .
Si sa valeur de preuve ou de témoin, son interprétation, son exposition semblent sans doute les usages les plus élémentaires lorsque l’on tente d’aborder la relation qui unit l’archive à l’avenir, puisque tout document est susceptible de pouvoir faire sens – en particulier dans le domaine des archives littéraires (si l’on veut bien se souvenir de la légendaire provocation de Victor Hugo, qui estimait que même ses notes de blanchisserie appartenaient aux archives susceptibles d’éclairer…

   lire la suite sur   REVUES.BE


FIRST:archive écrivain avenir écriture support ordinateur manuscrit aujourd hui objet ligne conservation archive littéraire - "Le Futur de l’archive et l’Archive de demain"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 10141 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Regarder la société par le prisme de la citoyenneté

Laurence Van Goethem :  Pour toi, Sam, qu’évoque le mot diversité ? Sam Touzani : Je n’ai pas choisi la diversité, c’est la diversité qui m’a choisi. Il faut dépasser le cadre politique pour véritablement parler de la diversité. Au risque de choquer, à la diversité je préfère l’égalité. C’est parce que nous sommes égaux en droits et devoirs, parce que nous sommes citoyens que vous pouvez me parler de votre différence et que moi je peux vous parler de la mienne. S’il n’y a pas ce postulat de base, on ne peut pas fonctionner et on devient toujours l’objet d’études ou l’enjeu d’un tiers. Je constate ça depuis un quart de siècle. Comme je dis, la diversité m’a mal choisi. J’ai été le premier jeune issu de l’immigration marocaine à faire de la télévision, donc à être visible à la fois sur les antennes du service public et sur les scènes de théâtre au nord comme au sud du pays. Il y avait des dizaines de Marocains et de Turcs d’origine, mais après 17h, qui venaient nettoyer les bureaux. Il n’y avait personne devant la caméra. Il y avait des émissions destinées à la communauté maghrébine sur la RTBF au début des années 1970, style Mille et une cultures, Sinbad. Mais elles étaient pensées par le prisme ethnicoreligieux du communautarisme et souvent, et c’est là le gros problème qui est très tabou en Belgique, par le prisme des pays d’origine, soit la Turquie, soit la dictature marocaine. Il est temps de quitter la posture victimaire, soyons clairs. En fait, je suis assez en colère sur ce qu’il se passe depuis 25 ans parce que nous collaborons clairement avec des dictatures que ce soit l’Arabie Saoudite ou le Maroc, les Émirats... et nous laissons délibérément pourrir certains quartiers, mais ce que nous oublions, c’est que la diversité va dans les deux sens. Nous devrions regarder la société par le prisme de la citoyenneté. Si nous sommes citoyens, alors nous sommes à parts égales. À force de revendiquer des particularismes effrénés, il me semble que ça remet en cause le principe même d’égalité. Plus vous dites « je suis différent », plus votre différence devient un handicap et non une richesse. En revanche, elle n’est pas intégrée, il faut le reconnaître, sur les scènes de théâtre ni à la télévision ni au cinéma. C’est très simple, j’ai commencé à tourner des films et téléfilms dés 1992, mes rôles toujours le même, le mec des ghettos qui vole, viole, et violente tout sur son passage. Bref, je jouais à l’Arabe de service avec casquette, baskets et pas grand-chose dans la tête. Après cette expérience, j’ai dit non à ce type de rôle par choix. C’était en 1992, nous sommes en 2017 et bien, je ne tourne presque plus. Malheureusement, encore aujourd’hui et l’actualité n’arrange rien, ce qu’on me propose majoritairement, c’est de jouer le djihadiste ou les petites frappes. Une fois, ça va, deux fois ça va, mais après, je n’en peux plus, car c’est réduire une personne à un cliché et l’on sait que l’essentialisation est dangereuse, car elle catégorise et vous assigne à résidence culturelle ou, pire, « religieuse ». Ce qui est tout de même un peu stupide lorsque l’on sait que le principe même d’un acteur c’est de jouer à être quelqu’un d’autre et non pas le même rôle à chaque fois ! LVG : Et pour en revenir aux origines, à la télévision, pourquoi avais-tu été choisi justement, à ce moment-là ? ST : Alors, c’est ça qui est intéressant. Je n’ai pas été choisi pour mes origines « difficiles » (rire), j’ai été choisi pour mes capacités à présenter une émission destinée à la jeunesse. Donc, ça fait quand même une différence. On ne parlait pas du tout à l’époque de diversité. La production RTBF a fait un casting, j’ai passé toutes les épreuves et j’ai été sélectionné sur 150 candidats. Il faut tout de même reconnaître qu’avec le recul, je pense que j’ai aussi été sélectionné parce que le concepteur de l’émission (Yves Crasson) était à l’écoute de cette diversité, mais c’était intuitif, ça ne portait pas ce nom-là. D’abord parce que lui-même souffrait d’une minorité, provenant de la minorité homosexuelle, donc il comprenait déjà bien les dégâts d’un système basé sur l’exclusion. Il a été sensible également à un jeune Bruxellois d’origine marocaine et qui, pour la première fois, s’adressait à tout le monde sur une chaine publique. Nous sommes en 1992, je vous rappelle, et je venais juste de faire une émission sur Arte qui s’appelait « Étranges étrangers », qui parlait justement de cette thématique-là ; je constate 25 ans après que peu de choses ont changé. Je parlais de cela à l’époque sur Arte, du manque de représentations, du cas des réfugiés, du petit château, du manque de parité homme / femme et de la difficulté que rencontrent les artistes belges à émerger en dehors des grands théâtres subventionnés. Un quart de siècle après, oui il y a certes eu des efforts, j’en veux pour preuve un programme comme Vogelpik que produit Safia Kessas, auquel j’ai participé. Je me suis retrouvé en totale immersion pendant une semaine, avec ma gueule de bronzé, chez un nationaliste Flamand, pêcheur de crevettes de son état. Néanmoins, ce type de projet basé sur la force de l’échange est rare, ou alors, ils sont malencontreusement guidés par des politiques qui caressent dans le sens électoral du poil, en subventionnant des projets communautaristes, parfois en désaccord total avec nos valeurs progressistes et laïques. Je suis issu d’une famille d’opposants politiques marocains, j’observe en tant que citoyen et artiste belge le rapport très délicat et ambigu que nous avons avec les pays du Sud. Et puis, nous sommes dans une culture bourgeoise, alors j’aime bien les bourgeois parce qu’ils ont fait toutes les révolutions quelque part (rire), mais c’était sans compter les islamo-gauchistes, indigénistes, populistes et autres antiracistes racistes, eh oui, ça existe ! Qui n’ont de cesse de polluer le débat, de « racialiser » et de catégoriser la société. Ces nouveaux intellectuels compassionnels et anciens politiques boulimiques de pouvoir nous annoncent haut et fort qu’ils souhaitent lutter contre les préjugés et les discriminations, alors qu’en réalité, ils ne font que les réorganiser avant les prochaines élections. Alors, vous comprenez que dans tout ce tourbillon identitaire, pour ma part il reste difficile de prôner une vision universaliste du monde et sans doute encore plus complexe d’inviter à un métissage des corps et des idées. LVG : Peut-on encourager et améliorer le fameux concept du vivre ensemble à travers la pratique théâtrale ou littéraire ? ST : Pour qu’il y ait un vivre ensemble, il faut qu’il y ait un libre ensemble. Si nous ne sommes pas libres, nous, dans notre manière de fonctionner, dans notre manière de penser, notre manière de faire, dans notre vision du monde... Le théâtre, c’est une vision du monde, la scène, c’est la scène du monde, on est là à passer à la loupe ce qu’il y a de meilleur, ce qu’il y a de pire dans la condition humaine. Si nous ne sommes pas capables, de nommer les choses... Albert Camus, disait « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », ce qui veut peut-être dire par extension que bien nommer les choses peut peut-être ajouter au bonheur du monde. LVG : Tu as fait aussi de la musique. Là, ce n’est pas tout à fait la même chose, les artistes sont plus variés et il y a une diversité plus grande qui ne pose généralement pas de problème. Tu penses que c’est dû à quoi ? ST : En effet, j’ai produit, j’ai monté des studios, des labels, des boites de prod, j’ai travaillé…

Le théâtre propose une éclaircie à la pesanteur du réel. Conversation avec Alain Badiou (dans Philosopher en acte)

Bernard Debroux : Dans Métaphysique du bonheur réel XX , vous citez plusieurs fois cette phrase de Saint-Just, « Le bonheur est une idée neuve en Europe ». Par association d’idée, elle m’a ramené à un des spectacles les plus marquants dans mon souvenir de spectateur, 1789 du théâtre du Soleil, découvert en 1969 (!) et dont le sous-titre était une autre phrase de Saint-Just : « La révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur ». Dans ce même livre vous proposez une distinction entre différents types de vérité et les différentes formes de bonheur qui y sont liées : le plaisir pour l’art, la joie pour l’amour, la béatitude pour la science et l’enthousiasme pour la politique. Dans mon expérience de spectateur, il me semble que la réception de 1789 mêlait ces différents états : du plaisir bien sûr, mais aussi de l’enthousiasme ! Alain Badiou : Si l’on parle de ce spectacle en particulier, il est évidemment inséparable de l’enthousiasme flottant de l’époque toute entière, surgi en 1968. On allait de l’enthousiasme politique au théâtre et du théâtre à l’enthousiasme. Au théâtre, il y a une capacité singulière pour le spectateur qui consiste à transformer sa réception en quelque chose comme un bonheur, le bonheur du spectateur qui va faire l’éloge du spectacle à partir d’éléments qui peuvent être au contraire sinistres, tragiques, effrayants etc. C’est en ce sens que je dis que le théâtre reste dans le registre de l’art. Il y a un bonheur singulier qui est lié, non pas à ce qui est, mentionné, représenté mais au théâtre lui-même, le théâtre en tant qu’art. Dans le spectacle que vous évoquez, je suis d’accord avec vous, il y avait à la fois le bonheur du théâtre et l’enthousiasme qui vous mobilisait subjectivement pour changer le monde… B. D. : …et de la joie aussi … A. B. : Aussi, oui. B. D. : Peut-être pas la béatitude que procure la découverte scientifique! A. B. : Oh, sait-on ? Voyez la pièce de Brecht sur Galilée ! La singularité du théâtre est peut-être de produire un affect affirmatif avec des données qui, du point de vue de leur apparence ou de leur évidence, ne le sont pas du tout. J’ai toujours trouvé extraordinaire que les spectacles les plus effrayants, ceux dont on devrait sortir anéantis, arrivent à prendre au théâtre une espèce de grandeur suspecte qui fait qu’on sort de là illuminé, en un certain sens, par des crimes et d’infernales trahisons. B.D. : Les pièces de Shakespeare en sont un exemple frappant… A. B. : C’est la question paradoxale du plaisir de la tragédie. Aristote a tenté d’en donner une explication. Il a dit qu’au fond, nos mauvais instincts se trouvaient purifiés parce qu’ils étaient symbolisés sur la scène, et ainsi comme expulsés de notre âme. Il appelait ça « catharsis », purification. Nous sommes heureux au théâtre parce que nous sommes déchargés, par le spectacle réel, de ce qui empoisonne notre subjectivité. Le théâtre est une machine assez complexe. Il est toujours immergé dans son temps, donc il est traversé par les affects dominants du temps. C’est pour cela qu’il y a un théâtre dépressif ou un théâtre de l’absurde ou un théâtre épique etc. Mais d’un autre côté, quand il est réussi, quand il a la grandeur de l’art, il crée un affect qui est fondamentalement celui de la satisfaction, quelle que soit sa couleur, avec des matériaux on ne peut plus disparates. B. D. : En prolongement de cette réflexion, je voudrais faire référence à cette même époque (de l’après 68) et à mes débuts de travail dans l’action culturelle où j’aimais éclairer le sens de cette action en m’appuyant sur les concepts développés par Lucien Goldmann XX et repris à Lucacz de « conscience réelle » et « conscience possible ». C’était une idée très positive, très affirmative (qu’on peut bien sûr interroger et critiquer différemment avec le recul) qui supposait que l’art, la création, les interventions culturelles et artistiques pouvaient bousculer les habitudes sclérosées et produire du changement… Pourrait-on mettre en lien ces concepts et ces pratiques avec ce que vous appelez le « théâtre des possibles » que vous mettez en opposition avec le théâtre « théâtre » qui est dans la reproduction d’un certain réel édulcoré et où rien ne se passe…? A. B. : Je pense que le grand théâtre propose toujours une espèce d’éclaircie à la pesanteur du réel, éclaircie qui reste dans l’ordre du possible, et donc fait appel chez le spectateur à un type de conscience qu’il ne connaît pas immédiatement, qui n’est donc pas sa conscience réelle. Le théâtre joue en effet sur cette « possibilité ». Antoine Vitez répétait souvent que « le théâtre servait à éclairer l’inextricable vie ». L’inextricable vie, c’était le système d’engluement de la conscience réelle dans des possibilités disparates, des choix impossibles, des continuités médiocres. Le théâtre fait un tri, dispose tout cela en figures qui se disputent ou qui s’opposent, et ce travail restitue des possibilités dont le spectateur, au départ, n’avait pas conscience. Le problème est de savoir à quelles conditions cette conscience possible peut se fixer, se déployer, en dehors de la magie théâtrale. Y a-t-il réellement une éclaircie de l’inextricable vie ou simplement une petite parenthèse lumineuse ? C’est la question que vous posez : quelle est exactement la ressource d’efficacité du théâtre de ce point de vue ? Est-ce une capacité de transformation « réelle »? Est-ce que le passage de la conscience réelle à la conscience possible est lui-même réel ou simplement possible ? Je crois que lorsqu’on sort d’un spectacle, on demeure comme suspendu à cette difficulté…                                                                             * B. D. : Le théâtre européen a été fortement influencé à partir des années 1970 et 1980 par l’irruption des sciences humaines dans l’espace social. A côté du metteur en scène on a vu apparaître le « dramaturge » au sens allemand. Celui-ci a pu même être considéré à un certain moment comme le « gardien » du sens. Le théâtre est un univers de signes (texte, jeu de l’acteur, scénographie, lumières, costumes) où tout fait sens. On entendait souvent lors de répétitions dire à l’acteur : « là, ce que tu fais, c’est juste ». Paradoxalement, je me souviens d’avoir assisté à des répétitions de pièces mises en scène par Benno Besson (qui avait pourtant travaillé de longue années avec Brecht à Berlin) encourager l’acteur en lui disant : « là, ce que tu fais, c’est beau ». A. B. : Je serai assez tenté d’admirer les deux approches et d’être dans une synthèse prudente afin d’éviter le choix. D’une certaine façon quand on disait « c’est juste », on emploie un mot qui est, soit du registre de l’exactitude, soit du registre de la norme. Juste est un mot équivoque. On peut en effet aussi bien dire : « Le résultat de cette addition est juste ». Le mot « juste » tire vers justice ou tire vers exact. Il est au milieu des deux. Je pense aussi que lorsqu’on disait « c’est juste » dans un contexte sournoisement politisé, c’était parce qu’on préférait dire juste que beau. Dire « c’est beau » était considéré comme trop intemporel… Les deux appréciations peuvent en vérité apparaître chez le metteur en scène à des moments et dans des contextes différents. « Juste » va tirer du côté de la conscience possible, de la fonction éducative du théâtre. « Beau », c’est autre chose, c’est le sentiment qu’on peut avoir d’être dans une lumière singulière, une éclaircie visible. « Beau » est une qualité intrinsèque de ce qui se voit, de ce qui apparaît, de ce…

Patrimoine : Norge le proférateur

Dans les années 1970-1980, une opinion est fort répandue…