Vivre en copropriété a ses bons et ses mauvais côtés, mais le pire jour de l’année est sans conteste celui de l’assemblée générale annuelle, celle où chacun vient chargé de doléances et de colère. Beaucoup s’y taisent et, comme chez le dentiste, attendent que cela se termine, mais d’autres font de cette réunion leur terrain de guerre. Cette année, le pire d’entre eux, Marius Van Eyck, répond aux abonnés absents. Tout le monde s’en étonne et la réunion s’annonce plus paisible. Pourtant, le calme précède la tempête…
Auteur de Mortelle assemblée de copropriété
Né le 30 mars 1958 à Ixelles.
Licencié en Philologie romane à l'Université libre de Bruxelles. Professeur de français à l’Athénée Fernand Blum de Schaerbeek
Mes romans s'inspirent de la vie, du quotidien; ils parlent de moments et d'êtres qui nous rencontrent tous. Je travaille le matin. J'écoute le silence et c'est de lui que naissent mes mots, dans l'ouverture que je peux avoir sur le monde. Et, quand j'ai fini mon premier jet, je relis, je relis et je relis encore.
Lauréat d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Aide au projet, 2008Comme chaque année, Jérôme se rend à l’assemblée générale de la copropriété de son immeuble. Et comme chaque année, il aurait préféré rester au chaud chez lui, à dévorer un livre – il est critique littéraire – plutôt que de subir les rancœurs, récriminations, sarcasmes et coups bas de certains copropriétaires. Cet exercice est hélas obligatoire. Et sans mentir, d’un profond ennui survient un certain amusement dû à quelques énergumènes toujours très remontés. Jérôme salue et discute avec quelques sympathiques voisins : Youssef, l’un des membres du conseil de copropriété qui se coupe toujours en quatre pour les autres et sait tout sur tout le monde ; Lise et Paul, un couple dont la femme ne le laisse pas indifférent ; un nouveau propriétaire qui lui…
Félicité Lyamukuru était adolescente lorsque, le 7 avril 1994, se déclencha le carnage. « Le génocide m’a trouvée en troisième secondaire. J’avais seize ans, j’étais vieille. » Presque toute sa famille fut anéantie dans le cataclysme qui ensevelit au Rwanda un million de Tutsis.Elle voulut d’abord oublier ces mois d’épouvante, d’arrachements, d’insoutenable douleur, terminer ses études, vivre « normalement ». « J’ai mis du temps à entrer dans la grotte de mes souvenirs », écrit-elle aux premières pages de son récit poignant L’ouragan a frappé Nyundo . Elle franchissait un grand pas en participant pour la première fois, le 7 avril 2008, à Bruxelles où elle habite depuis l’an 2000, à la marche aux flambeaux qui commémore chaque année la mémoire des victimes. « Désormais, j’assumais mon identité de rescapée. »Comprenant que la parole est plus féconde que le silence, elle formait, vingt ans après la tragédie, le projet d’apporter un témoignage encore brûlant, de livrer son « fragment de vérité ».Le livre s’est élaboré en deux ans, associant Félicité Lyamukuru et Nathalie Caprioli, qui lui avait proposé d’être sa plume.Au long de rencontres denses, le désir initial de laisser à ses quatre enfants des traces de son histoire familiale saccagée s’est mué, pour Félicité, en quête de sens. Mise au jour des étapes qui ont conduit à l’impensable extermination des Tutsis – et des Hutus qui prenaient leur défense.C’est ainsi qu’elles se sont rendues, en avril 2015, au Rwanda, où la jeune femme a retrouvé de rares parents épargnés et, surtout, a eu le courage de rencontrer, dans leurs prisons, deux détenus qu’elle avait connus auparavant, impliqués dans le génocide. Face-à-face saisissants, insérés dans le récit.Nous revivons sur ses pas ce « voyage mémoriel », qui s’ouvre par l’évocation d’une enfance heureuse à Nyundo, petite ville du nord-ouest du Rwanda, non loin du lac Kivu, entre son père, enseignant au Petit Séminaire, sa maman infirmière, ses frères et sœurs.Sans oublier un grand-père maternel tant aimé et respecté, qui accueillait dans sa ferme, à l’époque bénie des vacances, enfants (il en avait eu onze) et petits-enfants.Mais des discriminations percent, à l’école, dans la ville. L’atmosphère se fait tendue, et l’horizon lourd de menaces. Les parents ont voulu garder leurs enfants, qui se sentent désarmés, à l’écart de l’âpre réalité ancrée depuis des années : les pogroms anti-Tutsis, à partir de 1959, se sont succédé en 1963, 1973, 1990, 1991, 1992. En 1964, « le président Kyabanda prophétise la fin de la race tutsi. Le « inyenzi », le cancrelat, est le nouveau nom du Tutsi ».Incidents et humiliations se multiplient. Jusqu’au drame : le soir du 6 avril 1994, l’avion du président Habyarimana est abattu. Dès le lendemain, tout s’embrase.La famille se réfugie au Petit Séminaire, qui est bientôt pris d’assaut, y compris la chapelle secrète, qu’ils avaient crue inviolable, où la jeune fille, sortie un moment pour gagner le bureau de son père, découvre en revenant, au milieu de dizaines de corps démantibulés à la machette, sa mère et ses sœurs, mortes. Un oncle agonisant, bras et jambes coupés, qui parvient à prononcer les noms des assaillants, voisins devenus tueurs (c’est l’un d’eux que, vingt et un ans plus tard, Félicité interrogera en prison), lui confie sa fille de quatre ans, grièvement blessée.Nous assistons au siège de la cathédrale de Nyundo où, tapie dans le clocher avec son père, elle échappe au massacre.Son chemin la mène dans un orphelinat, sa petite cousine blessée dans les bras, grâce à un militaire compatissant. De là, elle communique par lettres avec son père qui, réfugié dans l’évêché avec des centaines de rescapés, lui promet que bientôt il fera jour et qu’ils seront réunis. Mais l’évêché est attaqué. Parvenu à s’enfuir, le père, sur le point d’atteindre une forêt où se cacher, est tué. Le cauchemar n’en finit pas…Début mai, l’orphelinat déménage à Goma, au Zaïre. Enfin, une surprise illumine ces jours de deuil : Félicité retrouve, par hasard, son jeune frère Jimmy.En septembre 1994, elle rallie Gisenyi avec la famille de son amie Mimita, devenue sa famille d’accueil. Petit à petit, elle ré-apprivoise la vie, malgré les absences inguérissables.Elle rencontre Johnson, l’amour naît. Lorsqu’elle part terminer ses études en Belgique, ils se promettent de s’attendre. Moins de trois ans plus tard, elle le revoit à Kigali, et ils décident de se marier et de fonder une famille. C’est à Bruxelles qu’ils s’installent.La politique de réconciliation nationale du gouvernement rwandais, en 2003, s’accompagnant de la libération de dizaines de milliers de génocidaires pour désengorger les prisons, clôt définitivement ses idées nostalgiques de retour au pays. « Autant je crois à la résilience, autant j’estime la réconciliation impossible. »Elle s’insurge d’ailleurs contre le glaçant silence des autorités religieuses catholiques qui, s’abstenant de condamner immédiatement les campagnes meurtrières, ont laissé la voie libre à ceux qui clamaient que « les tueries étaient approuvées par Dieu ». Et souligne que de nombreux prêtres, reconnus pour leur rôle pendant les massacres, n’ont pas été relevés de leur office.Félicité et Johnson voulaient six enfants. Ils s’arrêteront à quatre, aux trente ans de la jeune femme. La maternité lui fera mesurer mieux que jamais l’héritage de ses parents, qu’elle sent toujours proches et dont elle dresse des portraits émouvants. Son père qui, durant la tragédie, écrivait un texte intitulé L’ouragan a frappé Nyundo , titre qu’elle a choisi de reprendre : « Même en colère, son regard restait tendre. » « J’aimais la façon de rire de ma mère, de porter tout à la lumière de la dérision. »L’ultime chapitre, Riposte au négationnisme , est sans ambages. Car, dès la fin du génocide, certains « ont repoussé les limites de la raison jusqu’à prétendre que, parmi le million de morts, quatre-vingt pour cent étaient des Hutus ». Elle insiste : « Le négationnisme ne se contente pas de succéder au génocide : il le prépare, l’accompagne tandis qu’il est mis en œuvre et lui fait suite – une vérité qui vaut pour tous les génocides ».Comment contrer les dérives négationnistes ? En témoignant au monde. En osant se raconter.…
Guy Delhasse , à bien des égards, est un baroudeur des lettres belges francophones. On l’a, il s’est,…
Emmanuel Régniez aime écrire la musique, la littérature, la répétition, et la mélancolie…