Le cri du public : culture populaire, presse et chanson dialectale au pays de Liège (XVIIIe-XIXe siècles) | Objectif plumes

Le cri du public : culture populaire, presse et chanson dialectale au pays de Liège (XVIIIe-XIXe siècles)

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Extrait du Chapitre 2 : Le livret de pèlerinage à Saint-Hubert, la rage et la raison Le pèlerinage à l'abbaye de Saint-Hubert en Ardenne, l'opération de la taille, par laquelle on insérait au front du visiteur un morceau de l'étole-relique du saint, et la «neuvaine» qui suivait étaient autrefois censés préserver de la rage. Il s'agissait d'écarter un «mal physique», rage ou folie, qui «n'est que le reflet d'un mal moral plus profond» incombant à Satan. Dans son Histoire du monastère, le moine Hancart expose les Miracles opérés par les mérites de saint Hubert sous la prélature de l'abbé Jean de Masbourg. L'intervention du patron des Ardennes y est réclamée tantôt pour une Tournaisienne possédée des démons Ariel et Alep, tantôt pour un prévôt qui vient d'être mordu. Celui-ci s'était rendu coupable d'un grave péché qu'il dissimulait, le diable lui ayant «fermé la bouche». On l'amena, écumant, au monastère de Troisfontaines, où il mourut. Mais on reconnut un miracle en ceci qu'il contint « les mouvements furieux de la rage sous les rênes de la raison, afin de n'envelopper en son malheur ceux qui l'environnaient ». Une gravure de Jean Valdor l'aîné illustre également ce qui unit l'exorcisme et la taille à la grande époque de la chasse au diable (fin XVIe - début XVIIe siècle). Dès le XVe siècle, le chancelier Gerson avait ouvert l'offensive contre une pratique jugée indignement superstitieuse. Trop d'aspects de la neuvaine qui accompagne nécessairement l'incision avaient un air de mystère ou de pratique occulte. La personne incisée se voyait interdire de «peigner ses cheveux pendant quarante jours». Elle ne pouvait «baisser sa tête pour boire aux fontaines et rivières». Elle devait «coucher seule en draps blancs et nets, ou bien toute vêtue». Il était prescrit de manger froides des viandes provenant d'animaux «d'un an ou plus». Le bandeau qui avait fermé la plaie devait être brûlé, et les cendres étaient mises dans la piscine de l'abbaye. Ces «cérémonies» provoquèrent un feu continu de protestations ou d'explications qui réduisaient l'action de la neuvaine à un phénomène naturel. Ainsi, Van Helmont et son magnétisme animal rendirent un compte impie des guérisons miraculeuses. La Sorbonne condamna le pèlerinage en 1671, relayée en 1701 par le chanoine Gilot, dont la virulence fut telle, à l'égard de la neuvaine, qu'il donna son nom à la faction des « Gilotins ». Contre ces attaques, les autorités religieuses liégeoises et les abbés de Saint-Hubert, appuyés par la Faculté de Médecine de Louvain, firent bloc. En 1690, le prince-évêque Jean-Louis d'Elderen donne un acte justifiant pleinement la neuvaine. L'approbation eut une belle carrière. Reproduite dans tous les livrets dont il va être question, elle figure encore au XIXe siècle sur le certificat remis au pèlerin pour attester l'incision. Inutile de dire que le scepticisme du XVIIIe siècle radicalisa les hostilités. Après le baron de Pöllnitz, le Français Jolivet, ne voulant pas être en reste d'une indignation et considérant par ailleurs le pays liégeois comme peuplé d'arriérés, a décrit une coutume qu'il range parmi «les plus fanatiques et les plus révoltantes». Les superlatifs sont accumulés sur un «spectacle pieusement horrible», au cours duquel le trésorier de l'abbaye, «après des prières et des exorcismes, ouvre, d'un coup de rasoir, le front des victimes et leur incruste le diabolique chiffon». On imagine le cortège que forment celles-ci : «L'œil abattu, le teint livide, le corps couvert de poussière et incrusté de houille, chantant dévotieusement, le bandeau encore sur le front et tenant la compresse sur la plaie.» Dans quelle mesure les commentaires de la neuvaine procurés, sous l'ancien régime, par une littérature pieuse de large diffusion reflètent-ils quelque chose du climat critique ainsi schématisé? On a considéré deux séries d'ouvrages vulgarisant le culte de saint Hubert. La première se présente sous le titre : Abrégé de la vie de S. Hubert, prince du sang de France, duc d'Aquitaine, etc. D'après l'avertissement, le texte remonterait à un original daté de 1645, ainsi qu'en fait foi une permission d'imprimer signée de Jean de Chokier. Celui-ci fut un des plus vigilants défenseurs de l'orthodoxie et d'un pouvoir ecclésiastique rigides, car sa combativité lui valut d'être cité par Pascal dans la cinquième Provinciale. L'ouvrage connut de nombreuses éditions liégeoises : 1725, 1733, 1737, 1744. Cette édition originale, dont aucun exemplaire ne paraît localisé, fut réalisée à l'occasion de l'établissement de la confrérie de Saint-Hubert à Liège. Elle contenait «les indulgences, prières et règles de ladite confrérie», avec un abrégé de la vie du saint. Après la permission d'imprimer viennent, dans les éditions du XVIIIe siècle, le formulaire de la neuvaine et une Explication des conditions requises pour l'accomplir de façon correcte. Une seconde tradition textuelle est constituée de livrets générale-ment intitulés Abrégé de la vie et miracles de S. Hubert, patron des Ardennes, par un religieux de l'abbaye dudit S. Hubert. Elle remonterait à une édition de 1697 dont la permission d'imprimer date de l'année précédente. Elle se présente sous deux formes. En réponse aux «inquiétudes» qu'ont suscitées certaines «observances» de la taille, un premier type d'ouvrage propose une Manière de faire la neuvaine, avec l'Explication ou réflexion sur chaque article. C'est le texte sur lequel va porter principalement l'examen. Un second type d'ouvrage n'offre pas ces éclaircissements. En effet, rapporte la tradition textuelle que l'on appellera l'Abrégé-Ardennes, «des incrédules (…) ne font pas difficulté de blâmer ladite neuvaine de superstition tout ouverte, mesurant toutes choses à la portée de leurs esprits et censurant trop librement ce qui les surpasse». Ces «rêveries» vont «inquiétant beaucoup de personnes». On serait tenté de mettre ce témoignage en rapport avec le «nombre élevé des blasphémateurs poursuivis à Saint-Hubert» (Dupont-Bouchat). Qui sont ces violents qui battent ou insultent leur curé, comme Jean d' Awenne, de Hatrival, ou Adam Lhoste, de Freux? Qui sont ces Jean Maistre, d'Arville, ou Jean l'Écossais, qui renient Dieu «de bon cœur » et «au grand scandale du peuple»? On aimerait en savoir plus. L'Abrégé-Ardennes dut en tout cas propager largement l'idée d'une mise en cause du pèlerinage, car il fut réimprimé à Rouen par le libraire irrégulier Besongne (1704), à Luxembourg par Ferry (1734) et Kléber (1785), à Namur par Flahuteaux (1802), Legros (1827), etc. Le jugement de l'ancien évêque, celui des théologiens et médecins de Louvain, la déclaration des examinateurs synodaux, l'approbation donnée en 1696 par le curé de S Saint-Adalbert, et jusqu'à l'orthographe traditionnelle des imparfaits en -oit, tout cela traverse allègrement le XVIIIe siècle! L'édition Flahuteaux, imperturbable, continue d'écrire «par mégard» au lieu de «mégarde», comme sous Louis XIV.
Table des matières Avant-propos 1. L'étrenne des Lumières dans l'Almanach de Mathieu Laensbergh 1.1. Les crises inaugurales : jansénisme et éducation (1734-35) 1.2. Lexique du désordre 1.3. Apparition de l'homme éclairé (1741) 1.4. Inhumanité et bataille des lettres (1745-49) 1.5. Le paradigme du «commerce» 1 6. «Comment arrêter le torrent?» 2. Le livret de pèlerinage à Saint-Hubert, la rage et la raison 2.1. Le système tautologique 2.2. L'avènement du contrat marchand 3. Autour du Journal encyclopédique : «perfectionner l'espèce humaine» 3.1. Le débat sur l'inoculation 3.2. Alimentation et culture du corps : Brouzet et Rousseau 3.3. Races et classes : Vandermonde contre Voltaire 4. L'abbé Raynal : la propagande involontaire 4.1. L'Analyse de François Bernard 4.2. Du Réquisitoire de Séguier au Dialogue entre Cadet et le paysan 4.3. La Censure de la Faculté de Théologie et la chanson wallonne 4.4. La Révolution américaine dans la Gazette de Liège 4.5. La Révolution américaine dans le Journal historique et littéraire 4.6. Dialogue de la violence 5. Le langage des procès 5.1. De Looz-Corswarem : un récit voltairien du déclin nobililiaire 5.2. De Villenfagne, de Greiffenclau et les «beaux droits» de la noblesse 5.3. Leratz de Lanthenée, de Heusy : deux plaideurs-philosophes 5.4. Florennes : Plaintes d'un peuple désolé et opprimé (1773) 5.5. Les Lumières entre humanitarisme et industrialisation (1771-72) 5.6. Institutions sensibles : l'hôpital général, l'Émulation, Léonard et Grétry 5.7. Noblesse éclairée, bourgeoisie tendre, clergé égalitaire? 6.La chanson pré-révolutionnaire en dialecte verviétois (1787-88) 6.1. Capons, pouilleux et vauriens 6.2. L'orgueil des parvenus 6.3. L' mèzâre s'implit : «La mesure est comble» 7. Bassenge dans la chanson révolutionnaire 7.1. «L'élève du grand Raynal» 7.2. Mesures de la popularité 7.3. Le temps des militaires 7.4. Place aux «citoyens paisibles» 7.5. La «Bassengerie» à la bibliothèque! 8. Wallon et français à la Révolution 8.1. La politique générale des langues en Belgique à la Révolution 8.2. La répression du dialecte : mythe ou réalité? 8.3. Une idéologie du wallon? 8.4. Wallons et Flamands : sympathie française et «haine nationale» 9. Continuités et ruptures de la lecture romantique 9.1. La reconquête catholique 9.2. Le palmarès de la lecture : Lamartine, Scott, Cooper 9.3. Un aspect de la continuité : «une littérature dégoûtante» 9.4. Pour une autre littérature populaire 9.5. Le cabinet de lecture Castiaux-Massait : vers la culture de 1848? 10. La Gazette de Liège, le théâtre, les femmes et la Révolution de 1848 10.1. La contamination révolutionnaire : une apparente apathie liégeoise 10.2. Un bas-bleu de Villeneuve et Langlé 10.3. Retour sur la condition ménagère 10.4. Le Code des femmes de Dumanoir et la question du divorce 10.5. Les clubs de femmes 10.6. George Sand, les femmes et la politique 11. La chanson wallonne de conscrit au XIXe siècle 11.1. Les rites de l'adieu 11.2. Complaintes de la fille-mère 11.3. L'invention de la patrie 11.4. Discipline et antimilitarisme : typographie, illustration, mise en page Bibliographie Index
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Droixhe (Elmore D)

Auteur de Le cri du public : culture populaire, presse et chanson dialectale au pays de Liège (XVIIIe-XIXe siècles)

Né à Herstal le 26 avril 1946, Daniel Droixhe est liégeois de souche : des ancêtres houilleurs, limeurs, tourneurs, armuriers (à la F.N., bien sûr), fondeurs l'y ont précédé depuis deux siècles. Son premier don artistique : le dessin, qui lui vaut d'être «directeur artistique» du Trait d'union, le journal de l'athénée (de Herstal) et, plus tard, de voir ses œuvres dans Hara-Kiri. Il changera pourtant bientôt de violon d'Ingres… Ses études de romane accomplies à Liège lui font découvrir Michel Foucault et le structuralisme : son mémoire, qui porte sur «L'arbitraire du signe aux XVIIe et XVIIIe siècles», est préparé en partie à Paris, ce qui lui laisse le loisir de figurer dans le film Le Cerveau. Devenu aspirant au FNRS, il soutient dès 1974 sa thèse La linguistique et l'appel de l'histoire (1600-1800) sous-titrée «Rationalisme et révolutions positivistes», qui paraît chez Droz en 1978 : cet ouvrage suscitera la création d'une Société d'histoire et d'épistémologie des sciences du langage, parce qu'il était temps que se développe, dans le sillage de sa recherche, une histoire de la linguistique. Cette reconnaissance paraît précoce aux yeux de l'institution liégeoise : l'Université n'ouvrant pas d'emblée ses portes au prodige reconnu internationalement, le voilà conservateur-adjoint au Musée de la vie wallonne. Comme le lui dit Marc Wilmet lors de son entrée à l'Académie, «vous vous retrouvez Sisyphe après vous être rêvé Prométhée!». L'ULB, en revanche, lui confie deux enseignements : la dialectologie wallonne et l'histoire de la langue française et de la pensée linguistique. Devenu chercheur qualifié au FNRS, il est demandé dans diverses universités étrangères, à Bochum, à Paris (École pratique des hautes études et École des hautes études en sciences sociales), à Ferrare, à Oxford, à Leyde. Il assure le vaste panorama «Französisch – Externe Sprachgeschichte» au sein du «Lexicon der romanistischen Linguistik». Dans le même temps, il collabore assidûment aux revues de dialectologie wallonne et d'histoire liégeoise : comme le dit toujours Wilmet : «Cette oscillation permanente de l'universel au particulier qui est votre marque de fabrique»… À présent, Daniel Droixhe partage son enseignement entre Liège, Bruxelles et Paris. Mais son violon d'Ingres le mobilise tout autant, se présentant plutôt comme une guitare électrique. Ses premiers enregistrements de rock et de blues wallons, en 1988, sous le nom d'Elmore D., lui ont valu d'être invité au Chicago Blues Festival de Bagneux, et, depuis, les CD se succèdent, qui présentent leur soliste en ces termes : «Voilà un type qui débarque dans votre quotidien morose avec sa voix tonitruante, son slide énergique, sa bonne humeur et qui vous ferait sauter un cul-de-jatte!» Daniel Droixhe a co-fondé en 2004 le Groupe d'étude du dix-huitième siècle de l'Université de Liège et fondé en 2011 la Société wallonne d'étude du dix-huitième siècle - Société associée de la Société internationale d'étude du dix-huitième siècle/International Society for Eighteenth-Century Studies. Voir aussi: Culture, Magazine culturel de l'Université de Liège, n° 1, mars 2009 : «Elmore D, de la dialectologie au blues d'aujourd'hui» Culture, Magazine culturel de l'Université de Liège, «Écrivains de l'ULg»

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:siècle rage neuvaine pèlerinage ouvrage livret abbaye - "Le cri du public : culture populaire, presse et chanson dialectale au pays de Liège (XVIIIe-XIXe siècles)"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

La fiction postraciale belge : Antiracisme afrodescendant, féminisme et aspirations décoloniales

Si on oublie souvent que le racisme est une idéologie fluctuante, variable selon les cultures, les pays, les groupes sociaux…, on réalise encore moins que son pendant, l’antiracisme, n’est pas une valeur universelle (ce fameux universel, qui lui aussi pose bien des questions), intemporelle et détachée de tout contexte. Il suffirait pourtant, par exemple, de réunir des militant·es de la mouvance « Touche pas à mon pote » des années 1980 et des activistes décoloniaux d’aujourd’hui pour provoquer de vives discussions, mesurer l’ampleur du décalage idéologique alors que tou.tes aspirent à une société égalitaire. Mais quarante ans de recherche, de luttes, d’évolution de la société les séparent. Parmi ses nombreuses utilités, l’ouvrage de recherche de Sarah Demart , La fiction postraciale belge. Antiracisme afrodescendant, féminisme et aspirations décoloniales , a notamment celle de mettre à jour la façon belge de concevoir le racisme et l’antiracisme – d’autant qu’en Wallonie et à Bruxelles, la tendance reste forte de se référer à la tradition et à la réalité françaises pour interpréter les phénomènes culturels et sociaux. La singularité de notre racisme et de notre antiracisme s’explique autant par la complexité identitaire belge et le mode de nous (re)représenter, comme «  petit pays convivial et sans ambition impérialiste  » que par la réalité politique : Dans le contexte fédéral belge, l’antiracisme est une réalité difficile à définir. D’une part, il s’inscrit dans une politique plus large de lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances. D’autre part, la politique de l’égalité des chances est répartie entre différents niveaux d’intervention et domaines de compétences qui sont plus ou moins articulés entre eux.  Avec la complexité de la répartition des compétences entre le fédéral, les Régions et les Communautés, on imagine assez facilement le travail que doivent déployer et les freins que doivent affronter les militant·es antiracistes qui souhaitent se démarquer de l’antiracisme mainstream (c’est-à-dire celui qui relève de la société civile et du secteur associatif subsidié) ou visent à combattre le racisme d’État.Sur le plan méthodologique, l’autrice concentre son étude sur la Belgique francophone et montre les effets négatifs de la fiction postraciale (dans le sens de création imaginaire , non dans son acception littéraire) sur les courants antiracistes. Dans cette fiction postraciale , la race n’a plus d’importance ou de réalité, le racisme relève d’attitudes individuelles sans lien avec le projet colonial historique des États européens ni avec les structures sociales. À partir d’une enquête de terrain de longue durée (2011-2019) dans les milieux militants et d’une réflexion théorique nourrie des textes fondateurs et des recherches internationales les plus récentes, Sarah Demart montre qu’une large part de l’antiracisme belge – qu’il soit « mainstream », d’État ou juridique – tend à minimaliser, voire à ignorer le racisme anti-Noir·es. Il invisibilise les revendications des milieux afrodescendants, délégitimise leurs associations, refuse aux populations racisées (c’est-à-dire soumises à une assignation raciale) une place pleine et entière « en dépit de leur inscription de longue date dans l’espace national belge, en tant que sujets (post)coloniaux  » même s’il tend, ces dernières années, à s’ouvrir aux diasporas.S’il ne s’agit pas ici de discuter les arguments de cet essai, parfois aride et écrit selon les normes de l’édition universitaire, on peut toutefois affirmer qu’il constitue un outil précieux pour aider à repenser, voire à transformer les pratiques et les conscience politiques au sein des luttes militantes antiracistes belges. On ne peut que souhaiter qu’un jour, il soit adapté pour un public plus large. Michel Zumkir La fiction postraciale est l'idée selon laquelle le racisme est une affaire individuelle et/ou une idéologie relevant au mieux de l'aberration, au pire de l’extrémisme. Elle est ce qui fonde les pensées antiracistes dominantes et empêche de penser le racisme à partir du projet colonial des États européens et de la longue histoire impérialiste occidentale. Depuis maintenant plusieurs années, la fiction d'une ère postraciale fait l'objet de virulentes contestations, eu égard à l’ignorance et au déni dont elle procède. Cela se traduit par une fracture profonde dans l’antiracisme : quelle place accorder au racisme anti-Noir·es et au colonialisme dans les politiques européennes de lutte contre le racisme ? À partir du cas particulier de la Belgique francophone et d’une ethnographie de longue durée au sein des milieux militants (2011-2019), cet ouvrage examine de manière fine les conditions de possibilité d’un antiracisme afrodescendant. Les différentes conversations antiracistes qu’engage la reconnaissance du racisme anti-Noir·es sont ainsi examinées à plusieurs niveaux : microsocial (rapports interpersonnels), mésocial (organisations) et macrosocial (cadre institutionnel et politique). Elles sont restituées à l’appui d’une sociologie critique nourrie par les épistémologies féministes, noires et postcoloniales/décoloniales et par l’étude de l’ignorance et de la race. Elle est ce qui fonde les pensées antiracistes dominantes et empêche de penser le racisme à partir du projet colonial des États européens et de la longue histoire impérialiste occidentale. Depuis maintenant plusieurs années, la fiction d'une ère postraciale fait l'objet de virulentes contestations, eu égard à l’ignorance et au déni dont elle procède. Cela se traduit par une fracture profonde dans l’antiracisme : quelle place accorder au racisme anti-Noir·es et au colonialisme dans les politiques européennes de lutte contre le racisme ? À partir du cas particulier de la Belgique francophone et d’une ethnographie de longue durée au sein des milieux militants (2011-2019), cet ouvrage examine de manière fine les conditions de possibilité d’un antiracisme afrodescendant. Les différentes conversations antiracistes qu’engage la reconnaissance du racisme anti-Noir·es sont ainsi examinées à plusieurs niveaux : microsocial (rapports interpersonnels), mésocial (organisations) et macrosocial (cadre institutionnel et politique). Elles sont restituées à l’appui d’une sociologie critique nourrie par les épistémologies féministes, noires…

Le mouvement romantique en Belgique (1815-1850). II Vers un romantisme national

À propos du livre Nonum prematur in annum… L'exigeant précepte d'Horace a trouvé, cette fois, sa rigueur dépassée, puisque c'est de 1948 qu'est daté le premier tome du présent ouvrage. Bien malgré nous, il est vrai : des occupations professorales absorbantes, la maladie ensuite, puis de cruelles épreuves familiales ont, trop longtemps sans doute, retardé la rédaction, la mise au point et l'achèvement de ce tome II et dernier. On s'en excuse. Après un tel délai, peut-être n'est-il pas inutile de rappeler à cette place le dessein qui n'a pas cessé d'être le nôtre. C'est de poursuivre, dans le milieu belge, entre 1815 et 1850, une enquête attentive sur l'évolution des idées, des tendances et des réputations littéraires. La suivant à la trace, nous avons cherché à en préciser la marche dans les esprits et dans les écrits de ce temps. Revues et journaux, préfaces et critiques nous ont fourni l'essentiel de notre documentation. Nous avons tenu le plus grand compte des influences étrangères, et singulièrement de celle du romantisme français, dont la contrefaçon multiplie alors les oeuvres parmi nous. Et nous n'avons pas négligé de mesurer, quand il y avait lieu, les répercussions des événements politiques ou sociaux sur le devenir, en nos provinces, de la «chose littéraire». Notre propos a donc été, dans l'essentiel, l'étude d'un mouvement d'idées. On aurait tort de chercher ici un relevé complet des auteurs belges de l'époque romantique et un catalogue de leurs ouvrages. Nous avons, pour notre modeste part, essayé de tracer un tableau abrégé de cette époque de notre passé littéraire dans quelques chapitres de la grande Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, dont nous avons naguère dirigé la publication avec notre savant confrère et collègue, M. Joseph Hanse. On nous permettra d'y renvoyer. Ici, la production nationale nous intéresse avant tout dans la mesure où elle rend témoignage de la marche des idées littéraires ou en illustre le cheminement. Volontairement réduites au minimum, nos indications bibliographiques sont, strictement, celles des textes qui ont fourni nos citations ou autorisé nos conclusions. En d'autres termes, notre dessein a été ici, avant tout d'apporter une contribution valable à l'histoire des idées, er souhaitant qu'elle puisse servir à illustrer un jour ce que notre regretté maître Fernand Baldensperger appelait «une sorte de philosophie de la vie et du mouvement en littérature». Nous ne nous flattons pas d'y avoir réussi. Du moins espérons nous qu'on pourra trouver aux pages du présent tome, comme à celles du précédent, des citations nouvelles ou peu connue: et des témoignages inédits,…