Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains


RÉSUMÉ
A partir de manuscrits, d’éditions successives, de correspondances et d’entretiens, les auteurs se penchent sur le phénomène de l’écriture en collaboration et notamment de l’écriture en duo.

À PROPOS DE L'AUTEUR
Benoît Peeters
Auteur de Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains
Né à Paris en 1956, Benoît Peeters passe son enfance et son adolescence à Bruxelles. Après des études de lettres en Sorbonne puis en sciences sociales, à l’École pratique des Hautes Études, où il travaille sous la direction de Roland Barthes, il publie son premier roman aux éditions de Minuit (Omnibus). Spécialiste de la bande dessinée, il consacre plusieurs ouvrages à Hergé mais aussi à Chris Ware et Raoul Ruiz. Avec François Schuiten, il construit l’univers des Cités obscures en 16 volumes (de 1983 à 2009) qui sera couronné de nombreux prix et traduit dans une dizaine de langues. Il est également l’auteur de biographies de Jacques Derrida et Paul Valéry. Scénariste, critique et professeur à l’université de Lancaster, Benoît Peeters est aussi conseiller éditorial chez Casterman et directeur des Impressions Nouvelles.

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De fer et de verre. La Maison du Peuple de Victor Horta

Pour les Bruxellois branchés du vingt-et-unième siècle, la Maison du Peuple est un bar ouvert sur le Parvis Saint Gilles ; pour les aînés, un édifice du quartier de La Chapelle qu’ils ont peut-être fréquenté, une Maison rouge ; pour les amateurs et les férus d’architecture, un bâtiment public, chef-d’œuvre de l’Art nouveau, né du talent Victor Horta à la demande du Parti Ouvrier Belge à la fin du dix-neuvième siècle et l’exemple type de la brutalité des spéculations immobilières, de la mémoire défaillante des hommes et de l’inconséquente bruxellisation. Pour beaucoup, elle n’est pas même un souvenir. L’intérêt de Nicole Malinconi pour l’histoire de ce bâtiment inauguré en 1899 en présence de Jean Jaurès et détruit en 1965 s’éveille lors de l’écriture de textes brefs sur les choses démolies ou en cours de démolition à Bruxelles. Elle qui, depuis Hôpital silence , écrit au risque de et contre la perte est touchée par ce destin. Plus elle approfondissait sa connaissance de la Maison, plus son écriture s’ouvrait, accueillait. Advenait. Et elle d’en écrire l’histoire presque comme si c’était celle d’une personne («  on peut dire qu’elle en avait vu des choses et connu des hommes  »). De l’inscrire dans l’histoire de la Belgique, du mouvement socialiste belge, de ses trahisons aux ouvriers, des deux guerres mondiales, des grèves de soixante… À lire aussi : un extrait de  De fer et de verre La vie de la Maison du Peuple commence vingt ans avant sa conception, sur un constat : les plus pauvres sont floués sur la qualité du pain, d’autres s’enrichissent à leurs dépens. Pour y remédier, une coopérative est fondée, très vite devenue prospère. Pour continuer ces activités boulangères et d’autres, une Maison du Peuple est créée dans l’ancienne synagogue de la rue de Bavière. Le succès est vif ; les projets de coopératives se multiplient, le café déborde de monde. Il faut un édifice plus grand encore. Le Parti Ouvrier belge se met à rêver d’un bâtiment à la grandeur des besoins du peuple, qu’il s’agisse des nécessités alimentaires, vestimentaires, intellectuelles – l’instruction et la culture font partie des préoccupations du Parti. Il achète un terrain exigu, irrégulier, en pente dans la rue Stevens et demande à Victor Horta, architecte dont la vision moderne des matériaux est déjà réputée, de dessiner cette maison grandiose. Celui-ci l’imagine tel un « palais ». Un palais pour la classe ouvrière qui respectera l’organisation des coopératives. Un palais de quatre étages avec ateliers, bureaux, café, magasins, salle d’assemblées politiques, culturelles et festives. S’y tiendront les grands débats de société (l’affaire Dreyfus, le suffrage universel…), les grands combats socialistes, politiques, pacifistes… Nicole Malinconi raconte ces événements historiques avec la même sensibilité que les plus petites choses, comme ces femmes qui, lors la première guerre mondiale, transformaient les sacs de farine en taies d’oreiller, serviettes… ou brodaient des remerciements aux villes américaines bienfaitrices. Lorsque son récit aborde les abymes de la seconde guerre mondiale, elle s’éloigne pas à pas de la rue Stevens et nous emmène dans le proche et populaire quartier des Marolles, terre d’accueil et d’exil des Juifs de l’Est…Avec De fer et de verre , Nicole Malinconi ajoute une dimension historique à son écriture (déjà ébauchée dans Un grand amour ). Elle reste, cependant, au plus près du réel, fidèle aux «  mots les plus simples, les mots de tout le monde  » [1] . Si elle s’est nourrie d’entretiens et de lectures, que son récit suit la ligne du temps de l’histoire officielle, elle a écrit ce livre, tout autant que ses prédécesseurs, dans la nuit blanche du savoir. Du manque, du vide, des mots ont surgi. Des mots qui ravivent l’humanité souvent absente des essais historiques. Alors, nous, lecteur, lectrice, assistons à la création de la Maison du Peuple par Victor Horta. Souffrons des blessures qui lui sont infligées chaque fois qu’elle est transformée sans même demander son avis. Nous vivons dans ses murs, regardons par ses fenêtres. Notre présent est historique. Sans dialogue aucun ni reconstitution romanesque, nous entendons parler le peuple, le voyons vivre. Ressentons ce qu’ont vécu ces êtres de chair, de sentiments, d’opinions ; cette Maison de fer et de verre détruite sans l’once d’un état d’âme malgré la résistance d’une partie de l’opinion belge et internationale. Nous sommes blessé.e.s de sa mise au rebut, de ses restes rouillés, volés, revendus. Quelques vestiges ont pu être sauvés et restaurés. Ils garnissent la station de métro Horta à Bruxelles, le Grand Café Horta d’Anvers. Piètre dédommagement… Par bonheur, le livre de Nicole Malinconi pourra désormais servir de mémoire vive à cette histoire là. Magnifique consolation. Michel Zumkir   [1] Pierre PIRET , Introduction à Que dire de l’écriture ? de Nicole Malinconi , Lansman, 2014.…

Tout est paysage : Monet, Twombly, Klee, Tàpies, Music, Mondrian, Morandi, Staël

Une certaine disparate, à première vue, règne dans le dernier livre de Stéphane Lambert , consacré à la peinture. D’abord, les neuf textes rassemblés ont paru précédemment à des dates et dans des circonstances bien différentes : exposition, revue, brochure-spectacle, mise en ligne, catalogue. Ensuite, les œuvres commentées relèvent d’époques, de pays et surtout de genres éloignés, même à invoquer la brumeuse notion de « modernité » : C. Monet, Cy Twombly, P. Klee, A. Tàpies, Z. Mušič, P. Mondrian, G. Morandi, N. de Staël. De plus, le nombre de pages consacré à chaque artiste va de quarante-et-une pour Monet à une seule pour Klee ou Mondrian… Certes, le thème du « paysage » retenu pour titre est censé constituer le commun dénominateur du recueil, mais sa pertinence ne saute pas aux yeux quand il s’agit notamment de peintres comme Twombly, Mondrian ou Morandi. L’ Avant-propos nous éclaire ici quelque peu : «  tout est paysage  » est une phrase de J. Dubuffet indiquant que «  tout est composition, tout est quête d’une unité perdue, tout est signes assemblés, tout est matière à être embrassé du regard, à interroger le vivant au-delà de soi-même  ». Comme le montrent les tableaux sélectionnés, très proches de l’abstrait, «  paysage  » ne désigne donc pas pour l’auteur tel genre bien connu, mais une métaphore de l’œuvre plastique en tant qu’elle ouvre le monde «  à des entendements insoupçonnés qui nous font voir dans la noirceur d’autres nuances que pure noirceur  », en tant qu’elle est essentiellement «  dépassement  ».Ce qui fait l’unité du livre, on le découvre peu à peu, n’est autre que la démarche même de l’essayiste, une démarche qui se confond étroitement avec le travail de l’écriture. S. Lambert s’inscrit dans une longue lignée d’écrivains critiques d’art – qui ne s’inféodent ni à l’histoire, ni au biographisme, ni à la psychocritique, ni à l’esthétique pure, mais questionnent l’œuvre pour y lever des significations discrètes, voire secrètes, permettant d’entrevoir quelque chose de sa « vérité ». Quête de la plus aigüe perspicacité, si l’on veut. «  Est-ce bien comme cela qu’une œuvre s’appréhende, et que sait-on encore à présent de la manière d’appréhender ?  » lit-on à propos de Twombly – et, à propos de Tàpies : «  ses œuvres avaient toujours eu sur moi le même effet premier, me stupéfier, abolir tout raisonnement, m’inclure passivement dans leur manifestation  ». Ainsi l’essayiste interroge-t-il sa propre pratique autant que celle de l’artiste qui requiert son attention : «  mais pourquoi chercher, et chercher encore, à percer l’intention du peintre, à comprendre ce qu’il avait cherché à faire, – l’avait-il jamais su, lui ?  » L’intention de l’artiste, en effet, n’est pas chose qui devrait fort nous requérir, en ce qu’elle est par nature hors d’atteinte, nous réduisant à des hypothèses hasardeuses. Seuls importent les effets sensuels et mentaux que le tableau est susceptible de produire sur le spectateur, l’expérience et la réceptivité de celui-ci jouant en l’occurrence un rôle névralgique.Les textes de S. Lambert font une place insistante à la dimension géographique de sa recherche. À propos de Monet, il remémore sa visite des deux salles de l’Orangerie à Paris ; à propos de Twombly, sa déambulation à Gaeta ; Tàpies l’amène à Barcelone, Mušič à Gorizia, Morandi à Bologne. Concernant Mondrian, il évoque Paris et New-York, la Provence pour N. de Staël. Il semblerait que le cheminement dans la complexité des œuvres doive se doubler de parcours dans l’espace, l’esprit et le corps s’animant ainsi de mouvements analogues, un peu dans la tradition des pèlerinages : non pas en savoir davantage, mais mieux apprendre ce qu’on cherche soi-même. Si l’auteur ne le formule pas explicitement, le véritable objet de sa quête se dessine au fil des pages : qu’est-ce que créer, en peinture ? Le début du texte sur N. de Staël constitue à cet égard un moment privilégié : «  se rapprocher toujours plus de la vision que l’on porte  », «  lutter en vue d’une pacification  », «  préserver cette grâce d’être atteint au fond de soi », « se délester de l’inessentiel  ». Mais le livre tout entier se tend du même effort un peu fébrile, l’écrivain venant en quelque sorte au secours du peintre pour approcher ce qui, au cœur même du travail pictural, ne cesse de se dérober. Tout est paysage , en ce sens, n’est pas un livre de savoir : plutôt un brillant exercice langagier dans lequel il s’agit, par la magie de l’écriture, de traquer un secret dans ses derniers retranchements. « Tout est littérature », serait-on tenté de parodier, puisque, avec l’émotion, le tableau ne trouve pas son accomplissement ailleurs que dans le verbal…

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