Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains | Objectif plumes

Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains

RÉSUMÉ
A partir de manuscrits, d’éditions successives, de correspondances et d’entretiens, les auteurs se penchent sur le phénomène de l’écriture en collaboration et notamment de l’écriture en duo.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Benoît Peeters

Auteur de Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains

Né à Paris en 1956, Benoît Peeters passe son enfance et son adolescence à Bruxelles. Après des études de lettres en Sorbonne puis en sciences sociales, à l’École pratique des Hautes Études, où il travaille sous la direction de Roland Barthes, il publie son premier roman aux éditions de Minuit (Omnibus). Spécialiste de la bande dessinée, il consacre plusieurs ouvrages à Hergé mais aussi à Chris Ware et Raoul Ruiz. Avec François Schuiten, il construit l’univers des Cités obscures en 16 volumes (de 1983 à 2009) qui sera couronné de nombreux prix et traduit dans une dizaine de langues. Il est également l’auteur de biographies de Jacques Derrida et Paul Valéry. Scénariste, critique et professeur à l’université de Lancaster, Benoît Peeters est aussi conseiller éditorial chez Casterman et directeur des Impressions Nouvelles.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:écriture - "Nous est un autre : enquête sur les duos d’écrivains"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Nos regards se sont croisés : La scène de la rencontre avec un animal

Parmi les prix qu’elle a décernés en 2021, notre Académie royale de langue et de littératures françaises avait distingué un ouvrage de Pierre Schoentjes, Littérature et écologie. Le mur des abeilles (Corti 2020) . Saluant le lauréat, professeur de littérature française à l’Université de Gand, Yves Namur présentait cet essai comme entendant répondre à la question suivante : «  Comment la littérature s’empare-t-elle des questions environnementales pour penser notre avenir et notre futur ?  ». Il soulignait que l’auteur fondait sa démarche sur une relecture de notre patrimoine littéraire à la lumière de cette question. Pierre Schoentjes nous revient aujourd’hui avec un nouvel essai, Nos regards se sont croisés. La scène de la rencontre avec un animal , se fondant sur la même approche, centrée cette fois sur une thématique plus précise. Pour ce faire, l’auteur revisite des œuvres connues, d’autres plus discrètes, convoquant pas moins d’une septantaine d’auteurs auxquels il mêle d’autres artistes. Parcourant plus de deux siècles, il s’intéresse à la façon dont les écrivains mettent en scène la rencontre entre humains et animaux et plus particulièrement à la description des échanges du regard intervenant entre eux. Elle s’affirme comme particulièrement révélatrice. Un échange les yeux dans les yeux avec un animal est toujours l’occasion d’une interrogation. La scène constitue un moment privilégié qui amène le protagoniste à interpréter avec une attention particulière ce qui se joue entre l’animal et lui. Une communication est-elle possible ?  Dans les nombreux extraits présentés et commentés dans la tradition de l’analyse textuelle, le croisement de regards est toujours intense et il agit sur la vision de la relation avec le règne animal. Ceci vaut pour l’animal domestique, mais aussi pour ceux que l’on élève et abat ou chasse pour se nourrir, pour des espèces proches des humains comme pour d’autres a priori moins attendues comme les insectes ou poissons. Les deux siècles littéraires parcourus et richement illustrés d’extraits commentés permettent aussi de mesurer l’évolution du regard, marquée par celle, continue, des mentalités. Longtemps dominé par la vision de Descartes qui déclarait dans le discours de la méthode (1637) qu’il faut se «  rendre maître et possesseur de la nature  », le sens commun actuel est désormais habité par des notions telles que le bien-être animal ou la défense de l’environnement. Et comme le souligne Pierre Schoentjes, notre rapport aux animaux passe aussi par les livres dans une forme de va-et-vient à propos duquel il nous éclaire.Déclinant la réflexion déjà riche de l’auteur, dont les ouvrages antérieurs s’inscrivent dans le courant plus large de l’écopoétique, voici donc un ouvrage qui en décrit les contours tout à la fois dans l’analyse littéraire et dans les lettres elles-mêmes. Il lui fait une place de choix aux côtés des approches historiques, sociales, psychanalytiques ou anthropologiques. Décidément, la belle aventure de l’écriture littéraire est bien loin d’être terminée. Thierry Detienne Si on excepte les animaux de compagnie, les bêtes sont absentes de la vie quotidienne dans les sociétés occidentales prospères. Or, c’est aussi par le contact direct avec les animaux que nous nous définissons comme humains, par la compréhension de ce qui nous lie à eux et ce qui nous différencie. Cet essai interroge ce lien intime à partir d’une scène présente dans nombre de textes littéraires: la rencontre entre animaux humains et non humains. Basé sur une vaste enquête qui explore le champ littéraire du dernier siècle, ce livre s’efforce de dégager la manière dont l’écriture fait écho à l’empathie qui s’exprime envers les animaux et notamment à l’importance des rencontres comme déclencheurs d’un engagement fort en faveur des droits des…

L’écriture et la foudre : Jacques Izoard et François Jacqmin, deux poètes entre les choses et les mots

La collection d’essais tirés des conférences prononcées lors de ces rencontres privilégiées que sont les Midis de la poésie comptait déjà, parmi les grands noms qui l’émaillent, Pasolini, Brecht, Bauchau, Duras, Aragon… Grâce à l’étude que livre Gérald Purnelle, professeur à l’Université de Liège, deux Liégeois viennent rejoindre cette cohorte d’éminences : Jacques Izoard et François Jacqmin. Comparer deux poètes, ou plutôt deux voix poétiques, est un exercice plus complexe qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas de superposer des citations ni de computer des corrélations lexicales ; encore faut-il sonder au cœur et aux reins leur œuvre respective, via les récurrences thématiques, les fantasmes, le ton, la vision dont elle est porteuse. Une naissance et une mort en région liégeoise augmentées d’une contemporanéité d’écriture ne suffisent en effet pas à fonder une connivence entre poètes, même si elles permettent d’entrevoir quelques traits de parenté.Gérald Purnelle a très bien mis en exergue les différences de tempérament des deux hommes, et ce sans entrer dans le détail de leur intimité vécue, mais en se plaçant d’emblée sur le terrain de leur ethos social comme littéraire.Quelles silhouettes, et quelles carrures que celles de ces frères séparés. D’un côté, Jacques Delmotte au pseudonyme de col alpin, « militant » de la cause poétique, qui s’y dépense sans compter, s’y brûlera ;  homme de réseaux (il n’a jamais cessé de publier concomitamment aux plus grandes enseignes et dans des revues éphémères, confidentielles) et de rencontres (pas un seul « écrivant » à Liège pour ignorer le passeur magnifique qu’il fut) ; professeur, qui savait susciter l’éveil à la fécondité de la langue française parmi ses classes de techniques / professionnelles, par exemple en leur livrant en pâture un « poème du jour » à discuter, dépecer, noter sur dix ; diseur enfin à la sensualité directe, poète tactile, rebelle jusqu’au bout au(x) cloisonnement(s). De l’autre, François Jacqmin, homme d’un seul nom de famille, avouant volontiers que la découverte de la poésie marqua une « fracture » dans son existence, manifestée par un « manque d’adhésion généralisé », ce qui n’est pas sans évoquer un certain Henri Michaux ; compagnon de route – y avait-il une autre manière d’en être ? – du surréalisme d’après-guerre, s’auto-désignant comme « le membre le plus tranquille de la Belgique sauvage » ; homme du retrait, du confinement de sa parole, de la divulgation au compte-goutte, qui publie son premier recueil d’importance, Les Saisons , à l’orée de la cinquantaine en se tenant loin des coteries, des logiques de conquête du champ. Jacqmin, silentiaire d’un empire intérieur à dimension de jardin.Gérald Purnelle a parfaitement saisi à quel point « l’écriture poétique d’Izoard et de Jacqmin se fonde également sur une permanente perception du monde comme origine et, comme enjeu, sur l’inscription du sujet dans ce monde et dans le langage ». Ce postulat explique la réticence – le refus ? – manifestée par Izoard à intellectualiser le réel, et à l’inverse les ressorts émotionnels, frisant l’extase, qui sont présents dans l’expression de Jacqmin ? Et là où Izoard entre en contact avec des matières, des étoffes, usant sans vergogne de l’œil, du doigt, de la langue, du sexe, Jacqmin approche par cercles concentriques, franchissant par paliers les couches invisibles qui ceignent l’essence des choses. Une essence qui, évidemment, se révèle évanescence.Le verbe est alors ressenti tout différemment de part et d’autre. Pour Jacqmin, il y a une inaptitude à exprimer les profondeurs du sensible : ainsi explique-t-il dans un entretien accordé à Revue et corrigée au mitan des années 80 : Je considère que c’est une injure vis-à-vis du monde que de le désigner, que de lui coller un verbe sur le dos et de dire à cet objet « voilà ce que tu es ». Et je ne fais pas plus confiance à ma pensée qu’au langage, ce qui veut dire que la situation est tout à fait bloquée. On retrouve la contradiction dans le fait que je continue d’écrire. Pour Izoard, par contre, qui exerce son écriture comme un décloisonnement, le langage est vecteur de projection vers l’autre. Ne pas se retrancher derrière les vocables, mais faire en sorte qu’ils soient le salutaire fil conducteur allant de l’un à l’autre. Briser ainsi le halo de vide autour des êtres, les aimer. ( extrait de Ce manteau de pauvreté , 1962 )Le mérite d’une telle étude, au-delà de l’outil d’analyse qu’elle fournit, est de constituer un irrésistible incitant à se ressourcer, d’un mouvement parallèle, chez Jacqmin et Izoard, recto et verso d’une même lecture réenchanteresse du monde, avers et revers d’une même obole versée à la poésie."Izoard et Jacqmin : deux poètes belges, qui comptent désormais parmi les plus importants et les plus marquants de la deuxième moitié du XXe siècle, et que tout paraît opposer, à commencer par leur personnalité, leur parcours, et surtout leur écriture poétique. On propose ici un parcours parallèle, afin de  dégager les points de vue qui les distinguent, pour ensuite examiner ceux sur lesquels, sans doute moins attendus, mais peut-être plus profonds, ils se rapprocheraient davantage. Le poème est pour Izoard comme pour Jacqmin le chemin, laborieux ou fulgurant, qui doit pouvoir mener d'un pôle, la sensation, à un autre, l'expression, dans un perpétuel désir de jouissance : écrire serait ainsi le moyen projeté d'une conservation de cette jouissance. Jouissance des objets, des corps, de la nature et des mots chez…