Maurice Blanchot critique


RÉSUMÉ

L’œuvre de Maurice Blanchot est de plus en plus citée par les écrivains et les penseurs, mais elle reste largement méconnue. Sans doute parce qu’il n’y a jamais eu d’ouvrage qui la présente sans tomber dans une sorte d’imitation de son style qui, au lieu d’éclairer l’œuvre, l’obscurcit davantage (ou la « récupère » à mauvais escient: voir Jonathan Littell…). Maurice Blanchot critique est sans doute le premier essai qui, tout en rendant accessible ses écrits, propose aussi…


À PROPOS DE L'AUTEUR
Yun Sun Limet
Auteur de Maurice Blanchot critique
Née à Séoul en 1968, Yun Sun Limet, après des études de philologie romane et un diplôme d’écriture et de littérature de cinéma et de télévision, travaille à Paris dans le domaine de l’édition. Elle décède le 17 juin 2019, arrachée à la vie par la maladie, laissant une œuvre romanesque et essayiste de grande cohérence. Détentrice d’une thèse de l’UCL et Paris 8, Yun Sun Limet consacre à Maurice Blanchot critique (La Différence, 2010) une étude où elle s’attache à montrer, contre l’image généralement répandue d’un trajet fait de ruptures, la continuité entre le jeune homme soucieux d’engagement politique, le théoricien de la littérature et l’écrivain. Dans l’article sur « Entre-temps, Intertextualité et critique » (2006), Yun Sun Limet précise que « le texte critique n’est pas seulement ce discours superflu, qui vient se greffer sur les œuvres tel un parasite, il est indissociable de l’écriture même des œuvres, parce qu’il indique, rend visible peut-être, ce que l’œuvre elle-même doit aux œuvres qui l’ont précédée et qu’elle poursuit. Il peut, dans cette perspective, n’être donc pas discursif, mais constituer une dimension du texte ». Dans son essai De la vie en général et du travail en particulier (Les Belles lettres, 2014), elle précise aussi que « nous faisons semblant d’étudier de façon scientifique et détachée des questions qui, dans le fond, nous sont intimes, insues ». Or cette question centrale, pour Yun Sun Limet, est celle de la fragilité du vivant, qui se retrouve dans chacun de ses écrits, qu’ils soient de critique ou de création. De 2004 à 2012, quatre romans paraissent, dont l’intrigue repose sur les hasards qui peuvent, cruellement, faire s’effriter le bonheur. Les Candidats (La Martinière, 2004, rééd. « Espace Nord ») relate les bouleversements qui suivent le décès par accident des parents de deux jeunes enfants confiés à des amis ; Amsterdam (L’Olivier, 2006) suit la débâcle d’un musicien qui rate à la fois sa carrière et son histoire d’amour, et finit emporté prématurément par le cancer ; 1993 (La Rue de Russie, 2009) livre le carnet intime d’une fille-mère qui confronte sa dégringolade sociale au trajet de battant de Pierre Beregovoy ; Joseph (La Différence, 2012, finaliste du Prix Rossel) retrace le destin d’un oncle disparu à la fleur de l’âge dans un accident de moto, un drame qui trouve un écho insoupçonné dans la vie de la narratrice. Dans chacune de ces fictions se lit le respect profond des gens de l’ombre. Ce motif innerve également ses textes brefs : les récits publiés sur remue.net dont elle était membre du Comité de rédaction (La Disparition, Maison à vendre, La machine à broyer, Suis née au printemps 68, Par les rues, Après dissipation des brumes matinales, Ferry Tale, Sky link, La Disparition), ou dans des collectifs (dans La nuit remue et Fenêtres sur court), mais aussi le conte-opéra pour enfants Timouk l'enfant aux deux royaumes, (Livre-CD, Didier Jeunesse, 2014) et le court métrage N’aie pas peur (productions Dimanche compris, 2019). Un fil relie les thèmes des fictions de Yun Sun Limet avec son intérêt porté à Maurice Blanchot qui a fait œuvre dans la conviction que « la vie porte la mort et se maintient dans la mort même », et aussi à Cioran (Cioran et ses contemporains, Pierre-Guillaume de Roux, 2011), deux auteurs profondément marqués par la tragédie de la guerre. Il se retrouve encore dans son attachement à Henry Bauchau, à qui elle a consacré plusieurs études visant à éclairer son passé non-littéraire (e. a. dans Les Lettres romanes 1995, et l’E-book et catalogue de l’exposition de 2013 Henry Bauchau : à l’épreuve du temps ) ; cet auteur disait écrire pour « le peuple du désastre », c'est-à-dire les démunis, les déclassés et, à près de 90 ans, il sentait la mort présente à chaque instant au cœur du vivant et disait que cela « n’est pas triste ; simplement cela est ». Au centre de chacune de ses œuvres, la romancière fait, elle aussi, ressentir l’action impitoyable de la mort, et en même temps la beauté de la vie au quotidien qui n’est jamais qu’une lutte continue contre la fin promise. Le « bonheur de l’instant qui est éternité, et qu’il faut vivre comme tel », écrit-elle. La continuité entre fiction et non fiction est aussi palpable dans son écriture. La langue romanesque de Yun Sun Limet est fluide, d’une sobriété tout en finesse qui permet d’aborder des questions d’une grande complexité sous des formes extrêmement efficaces qui s’accordent à une pensée toujours claire. L’auteure rend le lecteur attentif aux moindres détails pour l’amener à se mettre à l’écoute des êtres « invisibles » que l’on côtoie chaque jour sans leur prêter attention, et à comprendre la dignité de chaque destinée humaine. Ainsi, dès les premiers écrits, le propos est grave, et empreint d’une forme de sagesse qui s’impose au sein d’un univers imaginaire qui n’a rien de pesant, mais se déploie au contraire dans une sensibilité et un ton naturel qui rendent les personnages familiers et attachants. La condition d’enfant adoptée en Belgique de Yun Sun Limet, « la sœur de personne et une fille d’invention », l’a prédisposée à comprendre combien la mort peut se trouver intimement tressée à la vie, à quel point l’on peut être vulnérable, et comme il importe de préserver la confiance dans l’humanité. Cet univers littéraire de profonde intelligence et de générosité, soutenu par une émotivité contenue, s’ancre dans une authenticité de parole aux antipodes des littératures qui misent sur le choc, la revendication et autres recettes de médiatisation. Il s’attache à rendre perceptible la noblesse d’âme des êtres discrets. La qualité de ton et d’écriture apparaît ainsi également au diapason de la posture littéraire de l’auteure qui, tout en vivant à Paris dans le milieu de l’édition, ne cherche aucunement à en tirer ni avantage ni panache.


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Maurice Blanchot : un nom familier dans l’univers des lettres, mais un écrivain dont l’œuvre est souvent méconnue ou oubliée. Œuvre romanesque, mais aussi et surtout œuvre de critique et de réflexion sur la littérature. C’est à ce dernier aspect que s’attache précisément l’essai de Yun Sun Limet. Docteur ès lettres, cette native de Séoul, mais de nationalité belge, a enseigné aux universités de Paris 8 et de Louvain. Également romancière, elle travaille aujourd’hui dans l’édition.

Né en 1907, Blanchot a vu sa réputation largement compromise depuis une trentaine d’années, lorsque l’on a voulu mettre plus en lumière son passé de jeune journaliste collaborant dans les années 1930 à plusieurs journaux et…


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:oeuvre littérature limet - "Maurice Blanchot critique"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 10432 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Guido Crepax : L’axiome d’Eros

Véronique BERGEN , Guido Crepax. L’axiome…

Un art en expansion : Dix chefs-d’œuvre de la bande dessinée moderne

Le 9e art explore sans cesse de nouveaux territoires. Il apparaît en constante évolution, ou plutôt en expansion, selon le terme choisi par Thierry Groensteen, l’un des spécialistes les plus renommés de la bande dessinée. Ses potentialités graphiques et narratives semblent s’étendre à l’infini et il génère des ouvrages de plus en plus amples. Si l’album standard de 44 pages cartonné reste dominant sur le marché, on trouve en effet aujourd’hui des nombreuses œuvres qui tant au niveau de la forme que du sujet se démarquent des conventions. Publié aux Impressions Nouvelles, de même que quelques-uns des nombreux ouvrages de Groensteen, comme La Bande dessinée mode d’emploi (2008), Un art en expansion analyse dix albums phares, dix points de rupture, dix œuvres dont les auteurs ont pris des libertés avec les contraintes habituellement en vigueur dans la bande dessinée, avant de permettre à d’autres d’emprunter les nouvelles voies ainsi créées.Si le premier album traité, La ballade de la mer salée , ne paraît plus si audacieux aujourd’hui, il l’était incontestablement lors de sa parution dans les années soixante. Avec cet album en noir et blanc de 160 pages, premier véritable roman graphique, Hugo Pratt s’affranchit de bien des conventions. A contrario, Building Stories de Chris Ware ou Alpha… Directions et Beta… civilisations de Jens Harder, les albums les plus récents étudiés par Groensteen, semblent les plus novateurs et déroutent encore le lecteur.Les albums choisis appartiennent à la bande dessinée dite d’auteur, car Groensteen étudie le 9e art en tant que littérature graphique. Au fil de ses lectures captivantes, il passe d’une macro-lecture, inscrivant les albums dans l’histoire de la bande dessinée et tissant des liens entre les différents ouvrages, à une micro-lecture, analysant une planche, une case, un détail qu’il met en perspective avec un brio certain.Thierry Groensteen livre un ouvrage dense, foisonnant, dont le propos clair et précis convainc et ne donne qu’une envie : (re)lire les dix albums traités. Outre ceux cités plus haut, on y trouve  Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan et Habibi de Craig Thompson. Il n’est pas nécessaire de les connaitre pour en comprendre les analyses. Toutefois il serait dommage de passer à côté de ces livres, essentiels selon Groensteen, et qui font désormais figure de classiques. Fanny DESCHAMPS ♦ Lire un  extrait de  Un art en expansion , proposé par les Impressions nouvelles Un Art en expansion  propose un retour sur un demi-siècle de création en bandes dessinées, une période qui a vu le « neuvième art » se diversifier considérablement, aborder de nouveaux domaines, inventer de nouvelles formes, se métisser avec d’autres arts et s’émanciper du format de l’album traditionnel. Dix œuvres-phares de la modernité sont passées au crible d’une relecture attentive qui en détaille les enjeux et en fait ressortir le caractère novateur. Dix jalons essentiels dans l’expansion d’un art qui a progressivement pris conscience de lui-même et de ses potentialités. Dans l’ordre chronologique de parution, ce sont  La Ballade de la mer salée  de Hugo Pratt,  Le Garage hermétique de Jerry Cornelius  de Moebius,  Watchmen  d’Alan Moore et Dave Gibbons,  L’Ascension du Haut Mal  de David B.,  Fun Home  d’Alison Bechdel,  Faire semblant c’est mentir  de Dominique Goblet,  Là où vont nos pères  de Shaun Tan,  Habibi  de Craig Thompson,  Building Stories  de Chris Ware,  Alpha… directions  et  Beta… civilisations  de Jens Harder. S’appuyant sur sa connaissance intime de la bande dessinée, Thierry Groensteen les décortique avec gourmandise, cueillant les détails significatifs et les mettant en réseau pour déployer tout l’éventail…

Rimbaud révolution

Avec ce nouveau livre, Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques, poursuit…