Mai 68 amon nos-ôtes






NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Président de l’Union générale des étudiants (UG) de l’université de Liège, de mars 1968 à mars 1969, soit en pleine tourmente Mai 68, Thierry Grisar ne nous livre pas un roman ou un journal intime, un essai ou une synthèse exhaustive mais un récit/témoignage. Il conjugue chronologie des faits, discours clés, humour mordant, écriture fluide, documents historiques (caricatures). Et esquisse le portrait d’une jeunesse privée d’une liberté fondamentale : devenir adulte.Mai 68 a levé le voile sur un paradoxe rongeant l’université : la capacité de celle-ci à penser le monde extérieur masquait son incapacité à se penser elle-même. Son ouverture déguisait une fermeture, ses connaissances cachaient une profonde…


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La Langue dans la cité : Vivre et penser l’équité culturelle

Ils sont légion, les « – isme » malmenés par Jean-Marie Klinkenberg dans un essai qui a tout d’une somme et vient couronner un brillant parcours de passeur de savoir et d’agitateur d’idées. « Purisme », « centralisme », « essentialisme », « conservatisme », « communautarisme »… Les voici pointés et dénoncés, les mots / maux qui sclérosent notre rapport à la langue, et plus particulièrement au français. Car si Klinkenberg plaide pour la mise en œuvre globale de politiques linguistiques efficaces, assumées par les États, l’ère culturelle qu’il problématise est bien celle de la francophonie, avec son tropisme hexagonal (sinon parisien), ses périphéries, ses dominions d’Empire et ses reliquats d’Ancien Régime. Engoncée dans un carcan de préjugés et de préventions frileuses, la réflexion sur la langue est un enjeu majeur pour la compréhension du monde contemporain. Parler, écrire, s’exprimer, bref communiquer, n’est en rien une fonction accessoire de notre intellect, mais bien un instrument de (sur)vie. Voilà pourquoi Klinkenberg refuse de voir en la langue « un bibelot précieux, un jouet compliqué, ou une pure affaire de désaccords de participes passés. […] Elle est un milieu de vie ; elle véhicule de puissantes imageries ; elle joue un rôle capital dans la constitution même du lien social. »Or, qui dit « lien social » ne peut faire l’impasse sur le vivre ensemble. Une valeur qui, parce qu’elle relève de droits fondamentaux dans une société prétendument libre, a besoin d’être sous-tendue par un projet politique ambitieux. C’est là que le bât blesse : dès qu’il s’agit pour les pouvoirs publics de toucher à la langue, le tollé est quasi unanime. En témoignent ce que l’auteur baptise avec humour les récentes « guerre du nénufar » (autour de la réforme de l’orthographe) et « guerre de la cafetière » (à propos de la féminisation des noms de métiers et de fonctions).C’est sans doute d’avoir fait sa carrière à l’Université de Liège (dont il est aujourd’hui Professeur émérite) qui a rompu Klinkenberg à l’exercice d’empoigner le taureau par les cornes. Et pour le coup, il est servi : l’arène est vaste. Premier monstre à se présenter : « le français » comme idiome unitaire, cohérent, pur sang ; mais il est vite terrassé, puisqu’il n’existe pas. Il y a par contre « des français », dont la diversité, la richesse, l’inventivité, les rendent immédiatement plus conviviaux. Deuxième adversaire : le Francophone. Bel animal, défini comme « un mammifère affecté d’une hypertrophie de la glande grammaticale ». L’excroissance est de taille, et lui sert autant de massue que de bouclier. L’usager du français n’est en effet aussi rigide en ses vues que parce qu’il se carapace de l’usage, de la norme, de la règle, et sur cet exosquelette rebondissent toutes les remises en question, si intelligentes et fondées soient-elles.Sans son blindage, le Francophone se révèle pourtant timoré, mais uniquement parce qu’on l’a éduqué ainsi. Dans sa famille, à l’école, au travail, l’on n’a cessé de lui assener qu’il ne parlait pas « correct ». Sa culpabilité individuelle (fondée sur l’idée qu’il trahit sa langue dès qu’il ouvre la bouche ou prend la plume) s’amplifie en culpabilité collective, tout un chacun se sentant l’acteur de la pseudo-dégradation du « niveau de maîtrise » de la langue. Conséquence ultime : le silence se fait, « ennemi de toute démocratie » et le sentiment d’insécurité linguistique règne en maître. C’est le plus imposant adversaire que doit affronter notre Manolete wallon, qui fourbit ses banderilles rhétoriques et parvient à les planter au bon endroit, grâce à une conclusion où à la revendication de liberté succède la nécessaire affirmation de l’équité des locuteurs citoyens.Cet essai, engagé et engageant, déplaira à ceux qui, pensant se délecter d’un ouvrage d’érudition linguistique, se verront en prise à des considérations politiques et économiques, une approche pragmatique des questions soulevées, des réflexions sur les nouvelles technologies, des stratégies et des futuribles en veux-tu. Mais quelle que soit sa position initiale, gardien de la tradition ou esprit ouvert, le lecteur sera amené à repenser de fond en comble son rapport à la langue, partant à sa langue. Expérience dont il sortira ébranlé, certes, mais aussi réconcilié avec cette part intime de lui-même, et…

Henry de Groux (1866 – 1930), maître de la démesure

«  Cette peinture est si épouvantablement anormale, si prodigieusement en dehors des traditions ou des procédés connus,…

L’écriture et la foudre. Jacques Izoard et François Jacqmin. Deux poètes entre les choses et les mots

La collection d’essais tirés des conférences prononcées lors de ces rencontres privilégiées que sont les Midis de la poésie comptait déjà, parmi les grands noms qui l’émaillent, Pasolini, Brecht, Bauchau, Duras, Aragon… Grâce à l’étude que livre Gérald Purnelle, professeur à l’Université de Liège, deux Liégeois viennent rejoindre cette cohorte d’éminences : Jacques Izoard et François Jacqmin. Comparer deux poètes, ou plutôt deux voix poétiques, est un exercice plus complexe qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas de superposer des citations ni de computer des corrélations lexicales ; encore faut-il sonder au cœur et aux reins leur œuvre respective, via les récurrences thématiques, les fantasmes, le ton, la vision dont elle est porteuse. Une naissance et une mort en région liégeoise augmentées d’une contemporanéité d’écriture ne suffisent en effet pas à fonder une connivence entre poètes, même si elles permettent d’entrevoir quelques traits de parenté.Gérald Purnelle a très bien mis en exergue les différences de tempérament des deux hommes, et ce sans entrer dans le détail de leur intimité vécue, mais en se plaçant d’emblée sur le terrain de leur ethos social comme littéraire.Quelles silhouettes, et quelles carrures que celles de ces frères séparés. D’un côté, Jacques Delmotte au pseudonyme de col alpin, « militant » de la cause poétique, qui s’y dépense sans compter, s’y brûlera ;  homme de réseaux (il n’a jamais cessé de publier concomitamment aux plus grandes enseignes et dans des revues éphémères, confidentielles) et de rencontres (pas un seul « écrivant » à Liège pour ignorer le passeur magnifique qu’il fut) ; professeur, qui savait susciter l’éveil à la fécondité de la langue française parmi ses classes de techniques / professionnelles, par exemple en leur livrant en pâture un « poème du jour » à discuter, dépecer, noter sur dix ; diseur enfin à la sensualité directe, poète tactile, rebelle jusqu’au bout au(x) cloisonnement(s). De l’autre, François Jacqmin, homme d’un seul nom de famille, avouant volontiers que la découverte de la poésie marqua une « fracture » dans son existence, manifestée par un « manque d’adhésion généralisé », ce qui n’est pas sans évoquer un certain Henri Michaux ; compagnon de route – y avait-il une autre manière d’en être ? – du surréalisme d’après-guerre, s’auto-désignant comme « le membre le plus tranquille de la Belgique sauvage » ; homme du retrait, du confinement de sa parole, de la divulgation au compte-goutte, qui publie son premier recueil d’importance, Les Saisons , à l’orée de la cinquantaine en se tenant loin des coteries, des logiques de conquête du champ. Jacqmin, silentiaire d’un empire intérieur à dimension de jardin.Gérald Purnelle a parfaitement saisi à quel point « l’écriture poétique d’Izoard et de Jacqmin se fonde également sur une permanente perception du monde comme origine et, comme enjeu, sur l’inscription du sujet dans ce monde et dans le langage ». Ce postulat explique la réticence – le refus ? – manifestée par Izoard à intellectualiser le réel, et à l’inverse les ressorts émotionnels, frisant l’extase, qui sont présents dans l’expression de Jacqmin ? Et là où Izoard entre en contact avec des matières, des étoffes, usant sans vergogne de l’œil, du doigt, de la langue, du sexe, Jacqmin approche par cercles concentriques, franchissant par paliers les couches invisibles qui ceignent l’essence des choses. Une essence qui, évidemment, se révèle évanescence.Le verbe est alors ressenti tout différemment de part et d’autre. Pour Jacqmin, il y a une inaptitude à exprimer les profondeurs du sensible : ainsi explique-t-il dans un entretien accordé à Revue et corrigée au mitan des années 80 : Je considère que c’est une injure vis-à-vis du monde que de le désigner, que de lui coller un verbe sur le dos et de dire à cet objet « voilà ce que tu es ». Et je ne fais pas plus confiance à ma pensée qu’au langage, ce qui veut dire que la situation est tout à fait bloquée. On retrouve la contradiction dans le fait que je continue d’écrire. Pour Izoard, par contre, qui exerce son écriture comme un décloisonnement, le langage est vecteur de projection vers l’autre. Ne pas se retrancher derrière les vocables, mais faire en sorte qu’ils soient le salutaire fil conducteur allant de l’un à l’autre. Briser ainsi le halo de vide autour des êtres, les aimer. ( extrait de Ce manteau de pauvreté , 1962 )Le mérite d’une telle étude, au-delà de l’outil d’analyse qu’elle fournit, est de constituer un irrésistible incitant à se ressourcer, d’un mouvement parallèle, chez Jacqmin et Izoard, recto…