Jean de Boschère ou le mouvement de l'attente

RÉSUMÉ

À propos du livre

Si Jean de Boschère est resté l’«Obscur», le «Paria» des lettres françaises du XXe siècle, c’est avant tout parce que son oeuvre se déploie du côté de l’excès, de la transgression, du non-savoir et du vide. Irréductible, ce rebelle solitaire a consacré sa vie à atteindre l’extrême du possible «sur les…

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Début du CHAPITRE PREMIER : JEUNESSE D'UN REBELLE

«Donc pas d'exhibition d'ancêtres» promet Jean de Boschère, au seuil de ses mémoires inédits. Il ne peut s'empêcher, pourtant, comme tout homme qui tente de retrouver ses racines, d'indiquer qu'une petite commune à l'ouest de Rouen s'appelle St-Martin-de-Boscherville et qu'un Bosschere (sans accent), maître-tonnelier de son état, offrit au quinzième siècle un vitrail à une église de Gand. Peut-être l'auteur du Bourg se serait-il réclamé avec autant de fierté de ce Franciscus de Bosschere, chaudronnier originaire de Courtrai et établi, pendant les premières années du XIXe siècle, à Cortemarcq. Le fils de Franciscus, prénommé Jan, enrôlé de force dans les armées de Napoléon Ier, est l'auteur de touchantes lettres, écrites depuis les hauts lieux de l'épopée napoléonienne, que Marnix Gijsen retrouva et publia en 1930. Si Boschère avait eu connaissance de ces hypothétiques ancêtres, il aurait sans nul doute fait figurer le chaudronnier et le soldat, au même titre que le tonnelier, parmi ses Métiers divins.

Mais laissons là les ancêtres, présumés ou certifiés, pour nous intéresser aux proches parents de l'écrivain. Son grand-père, Henri de Bosschère, est né à Anvers en 1824 et exerça dans cette ville le métier d'horticulteur. En 1863, lorsqu'il devint inspecteur des plantations de la ville d'Anvers, il ne manqua pas de se conférer le titre, sans doute plus en rapport avec ses fonctions, d'«architecte de jardins». Son fils Charles, né le 17 décembre 1850 à Anvers, se passionna lui aussi pour les sciences naturelles. Après des études d'instituteur à l'École Normale de Lierre, il devait devenir un botaniste de réputation internationale. Lauréat du Prix Joseph de Keyn en 1888, il fut l'organisateur de nombreuses expositions horticoles, rédacteur de revues spécialisées, journaliste horticole, membre correspondant des principales sociétés horticoles étrangères. Il est l'auteur d'une impressionnante série d'articles et d'ouvrages spécialisés et notamment d'une étude, abondamment illustrée, sur les Serres Royales de Laeken.

Henri de Bosschère destinait son fils à la prêtrise. Charles refusa d'entrer au séminaire et devint même, après ses études à l'École Normale de Lierre, farouchement anticlérical. Instituteur, il s'attaqua violemment, lors d'une conférence organisée par le Willemsfonds, à l'enseignement de la religion dans les écoles : «L'enseignement de la religion doit disparaître de l'école, sa place est au foyer et dans l'église. Il est pour le moins imprudent d'enseigner de nos jours la doctrine catholique à l'école, car des erreurs et des inepties ont déformé et rendu méconnaissable l'enseignement original qui est, en outre, en retard sur le développement intellectuel d'aujourd'hui.» Le problème était alors d'une actualité brûlante et la «question scolaire» déchirait le pays. Charles choisit le parti des libéraux, s'affilia à la Loge anversoise des Francs-Maçons, ce qui lui ferma du même coup les portes de l'enseignement catholique et brisa une carrière qui, d'après Jean de Boschère, aurait pu le mener jusqu'à l'université Il épousa en 1875 Hélène Van der Stock, née à Saint-Trond le 21 mars 1851. Elle était la fille aînée du directeur de l'École Moyenne de cette ville. Le jeune ménage habite d'abord Anvers, chez Henri de Bosschère, au n° 27 de la rue de l'Étoile (Sterstraat). C'est là que naquit leur premier enfant, Marie, le 2 janvier 1877. Quelques mois plus tard, Charles de Bosschère est nommé instituteur à l'École Modèle de Bruxelles. La famille s'installe à Uccle où Jean naît le 5 juillet 1878. Un second fils, prénommé Jacques, y voit le jour le 2 juillet 1881. En 1884 — Jean avait à peine six ans — la famille quitte la région bruxelloise pour s'établir à Lierre, petite ville située à quinze kilomètres au sud d'Anvers, au coeur de la Campine. Charles de Bosschère avait été nommé professeur de sciences naturelles à l'École Normale de cette ville où il avait lui-même fait ses études. Il occupera cette fonction jusqu'à l'âge de la retraite. À Lierre naquirent encore quatre enfants : Paul (1884); Lucie (1886); Elise (1887) et Anne (1888). Deux enfants, Paul et Anne, moururent en bas âge.
Table des matières

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER: JEUNESSE D'UN REBELLE
Lierre
De l'horticulture à la peinture
De la peinture à la critique d'art

CHAPITRE II : LA BRAVOURE IDÉALISTE
Beardsley, Boschère et Cornette
Béâle-Gryne ou la bravoure idéaliste
Le poète : artisan mystique et idéaliste
Dolorine ou le rêve et la vie
Amitiés : Max Elskamp et André Suarès
La crise de 1912
Métiers divins
Sainte-Sophie perdue
Collaborations aux revues entre 1909 et 1914

CHAPITRE III : LONDRES
Londres
L'expérience imagiste
Des Métiers divins au Bourg
Pound et Boschère
The Closed Door
The Devil
Eliot et Boschère
Illustrations et « Fairy Tales »
Job le Pauvre
De la Maison du Lys au Pays du Merle Bleu
Marthe et l'Enragé

CHAPITRE IV : SATAN LUMINEUX
Paris
Le Mômo et l'Enragé
Livres de nature
Satan l'Obscur
De Véronique à Vanna
Amis de Paris et d'autres lieux
Poésie 1923-1936
L'ombre de Baudelaire
Renoncules hybrides
La fin d'une renommée

CHAPITRE V : L'ERMITE DE LA CHATRE
Loin du tumulte
La quête ardente de soi
La splendeur des « derniers »
Bosch, Vinci et Picasso
Du mouvement et de l'immobilité de l'Obscur
L'aube austère des abîmes

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
A. Œuvres de Jean de Boschère
B. Correspondance
C. Ouvrages et articles concernant Jean de Boschère

TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS


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Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des

Figure quelque peu oubliée de nos lettres, Jean de Boschère (1878-1953) fut poète, romancier, essayiste, critique d’art, mais aussi dessinateur, graveur, peintre, sculpteur.Personnage singulier, solitaire, révolté, s’inscrivant en marge des courants littéraires de son temps qu’il traversa sans y adhérer vraiment, il mena longtemps une existence itinérante.Né à Uccle, vivant dès l’enfance en Flandre, il quittait la Belgique occupée en 1915 pour Londres où il se liait aux imagistes anglo-américains groupés autour d’Ezra Pound et de T.S. Eliot ; habiterait quelques années en Italie, «  le Pays du Merle bleu  » ; s’établirait en 1926 à Paris, où il côtoierait les surréalistes ; et achèverait sa route vagabonde à La Châtre, petite ville de l’Indre où il s’éteindrait en 1953. Laissant une œuvre aux accents très personnels, aux registres variés, admirée par Valéry et par Antonin Artaud, portée par la recherche d’un absolu spirituel. Dans son essai Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des années vingt , Véronique Jago-Antoine a entrepris de «  ré-arpenter les chemins méandreux de cet univers de mots et d’images  ». Son étude très dense et approfondie, abusant parfois de termes savants, qui paraît aujourd’hui aux AML dans la collection Archives du Futur, rend toute sa place à un écrivain-plasticien complexe, difficile, tourmenté, dont l’œuvre  dès les débuts n’a cessé d’exercer une «  incommode fascination  ». Des débuts d’inspiration symboliste : les poèmes en prose Béâle-Gryne (1909), et, deux ans plus tard, Dolorine et les Ombres où il prend déjà ses distances avec la tentation de fuir dans le rêve.Suivait la trilogie des métiers, qui ravive, rajeunit une tradition ancienne. Trois petits recueils illustrés – Métiers divins (1913), 12 Occupations (1916), Le Bourg (1922) – souvent négligés, que l’auteur explore avec acuité, soulignant le dialogue textes-images ; nous faisant vivre la mue de l’écrivain, dès son exil Outre-Manche, entre le premier recueil, où percent encore les afféteries de la Décadence, et ceux qui suivront, toujours plus incisifs, dépouillés jusqu’à l’épure.Au cours du séjour londonien paraissent, en édition bilingue, deux recueils : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), livre majeur, que Véronique Jago-Antoine scrute avec une attention passionnée. Un recueil âpre, véhément, douloureux («  Ces pages d’extrême détresse  », écrivait Jean de Boschère à un ami, et, dans sa dédicace à Robert Guiette, «  ce livre noir, sans ciel, sans oiseaux, sans fleurs ; mais malgré l’enfer ouvert, non sans espoir  »). C’est celui dans lequel il reconnaissait un accomplissement : «  J’atteignais à peu près mon but dans Job le Pauvre ». Commençant par ces deux vers intenses que Liliane Wouters citait comme la plus belle, la plus éclairante évocation de la poésie : «  Et puis, enfin, un midi et à jeun, / La pensée se fend et s’ouvre  ».L’auteur nous entraîne dans une analyse pénétrante, minutieuse, presque vertigineuse, des poèmes mais aussi des gravures, des collages qui les accompagnent et les prolongent. «  Il me semble que ce livre ne concerne pas la littérature, et qu’il est difficile à classer. On n’en parlera pas, et tout sera parfait. C’est probablement le dernier que je publierai : ce qui me reste dans l’âme ne peut pas se dire  », confiait le poète à André Suarès, un de ses amis les plus proches, avec Max Elskamp, René Daumal ou Audiberti…Véronique Jago-Antoine épingle certaines années, correspondant à des étapes. Telle 1913 où Jean de Boschère signe les proses poétiques des Métiers divins, mais aussi deux textes remarquables sur Bruegel l’Ancien, qui enthousiasmèrent Max Elskamp : «  Sais-tu, mon cher Jean, que ces pages sont, selon moi, les plus belles que tu aies écrites…  ». Ou encore 1927, quand paraît le roman largement autobiographique Marthe et l’Enragé , écho de son adolescence solitaire et rebelle en Flandre, à Lier, marquée par le sort tragique de sa sœur. Dans cette veine s’inscriront Satan l’Obscur (1933) et Véronique de Sienne . C’est également à partir de 1927 que les mots et les images, jusque là indissociables dans sa quête poétique, prennent des voies séparées. En témoigne l’absence de toute illustration lors de la réédition en 1929, dans Ulysse bâtit son lit , de The Closed Door et de Job le Pauvre .Véronique Jago-Antoine achève son étude par l’examen d’une facette méconnue de l’écrivain-artiste : ses écrits sur l’art. Des textes sur Bruegel, «  élu comme un frère d’armes  », aux monographies consacrées à Jérôme Bosch et à Léonard de Vinci.Et conclut son voyage au plus près de celui qui s’était dépeint un jour comme «  un ouvrier solitaire et fiévreux, dont les mains seules ont réponse à la vie  », par une certitude : «  Nous pouvons nous sentir loin de ses formes, parfois. Son enjeu – oserions-nous dire sa brûlure – demeure…

L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent

On peut n’avoir jamais connu l’odeur d’une tranche de pain brûlé noir de chez noir (parce que sur l’antique grille-pain de vos arrière-grands-parents encore utilisé, les tranches ne sautent pas, il faut les retirer à temps), et ignorer le nom de Lautréamont (« Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie », citation iconique chérie des surréalistes), et néanmoins, se plonger avec curiosité dans ce livre qui évoque l’archéologie, l’usage et les normes qui régissent une grande partie des objets – et notre vie quotidienne. C’est ce à quoi s’attellent deux historiens et universitaires, Gil Bartholeyns (également romancier, auteur de Deux kilos deux , une enquête sur l’élevage intensif de volailles dans les Hautes-Fagnes, Lattès, 2019) et Manuel Charpy (auteur de Ma vie dans la sape , 2020), dans cet ouvrage qui évoque presque, par ses illustrations de toutes époques et tous genres, un catalogue de la Manufacture des armes et cycles de Saint-Etienne, et par son érudition, un précis de sociologie à travers les siècles et les cultures. (On regrette l’impression sur un papier de qualité médiocre, mais soit.)Au départ, donc, il y a un objet. Sa naissance et son pourquoi, son évolution technique, sa diffusion sociale, son accessibilité, les discours qui l’entourent, sa propension à grignoter de plus en plus de parts de marché (même au 19e siècle), et sa capacité incroyable à être transformé au fil du temps (car il en fera gagner tellement…) en outil indispensable à l’existence de tout être humain digne de ce nom… et en figure lexicale basique de tout étudiant en études commerciales. Objet = bingo.Si à 50 ans la vie est foutue quand on n’a pas sa Rolex au poignet, c’est une chose – ridicule on en convient –, mais qui sous-tend une conception du monde social dont Bourdieu a fait son pain. Si en Afrique, « au temps des colonies », un « indigène » portant une montre cassée montrait par là qu’il refusait « le temps colonial » tout en sachant qu’il y était intégré de force, c’est une autre chose, et pas moins signifiante que la première. Bartholeyns et Charpy, munis d’un bagage encyclopédique (parfois trop) sur une foule d’objets qui ont envahi nos vies et celles de nos ascendants, sont d’une efficacité redoutable, et d’une précision référentielle qu’on aurait du mal à mettre en balance, même si le sujet en lui-même n’est pas neuf.Ainsi, prenons les outils de cuisine et les robots ménagers. Quel domaine enchanteur ! Bien utiles à la maison, appelés souvent dès les années 1950 d’un prénom féminin (pour mieux les distinguer bien sûr), ils vont non seulement permettre d’apprendre à la gent féminine à cuisiner (encore) mieux, mais aussi plus vite, moins cher, et avec moins d’effort, c’est évident. La mère de famille pourra mettre à profit ce temps précieux à veiller davantage sur le bien-être domestique (ah ! l’aménagement décoratif du home  !), sur elle-même et ses atouts beauté. Chance, il y a là aussi des objets pour lui faciliter la vie, et lui permettre de cumuler le rôle de mère exemplaire, avec celui de décoratrice d’intérieur, et d’épouse sexy quand il est temps (encore…) de le paraître. En 1975, la revue féministe Les pétroleuses y répondait sans discutailler : « Arts ménagers, art d’aménager, la double journée ! » Et si l’on se souvient, chez nous et à raison, des ouvrières de la FN en grève dans les années 1960, réclamant « À travail égal, salaire égal » , on n’oubliera pas non plus la variante sans illusion qu’en tira peu d’années après l’un de nos meilleurs auteurs d’aphorismes, André Stas : « À travail égal, galère égale » .L’aspirateur (mécanique et sans électricité, oui, ça a existé), le téléphone, le vélo d’appartement, le rameur, l’interrupteur, la TSF puis la radio, la télévision, la cassette audio, l’ordinateur, l’agenda électronique, l’hygiène (et le plaisir) intime, la cafetière électrique, la machine à café à dosettes, la poêle antiadhésive et la tondeuse à gazon autonome…  N’en jetez plus ? Si, justement. L’obsolescence programmée est là, et les acheteurs compulsifs aussi, que viennent talonner les rétifs de la consommation à outrance. Opposer les Black Friday à la tiny house , voilà l’injonction paradoxale à laquelle la société consumériste et mondialisée nous confronte.Cet ouvrage roboratif et sans complaisance devrait, non pas seulement inquiéter sur notre monde, comme le suggèrent souvent les auteurs, mais au contraire, aider à convaincre qu’il est encore temps d’en changer un peu. Alain Delaunois Grille-pain, machine à coudre ou à laver... Chaque foyer occidental possède une centaine d’appareils ; des objets techniques qu’on utilise sans savoir comment ils fonctionnent. Ce livre propose de les ouvrir et d’explorer la façon dont ils ont bouleversé la vie quotidienne…

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