Jean Claude Bologne

PRÉSENTATION
Jean Claude Bologne est né à Liège le 4 septembre 1956, dans une famille d’enseignants bien fournie en professeurs de français. Voie toute tracée pour des études de philologie romane à l’Université de Liège. Il nourrit aux sources originelles sa passion pour le Moyen Âge : mémoire sur la Genèse des mètres gallo-romans (IXe- XIe siècles), participation aux pièces médiévales montées par le Théâtre universitaire. Pendant trois ans, il enseigne le français et le latin à la Ville de Liège. Pourquoi alors cette rupture qui le mène à Paris où il s’installe en 1982? La coupure du service militaire semble décisive. Un an à mesurer l’âme des canons à l’arsenal de Rocourt (1981-1982) donne une furieuse envie de trouver la sienne. Surtout, il vit une série d’expériences qu’il évoque dans Le Mysticisme athée (Le Rocher, 1995) et dans Une mystique sans Dieu (Albin Michel, 2015). Une plongée dans le néant, nullement effrayante — il parle du «bain régénérateur du néant» — qui donne une autre consistance au présent. Il nourrit cette expérience à la lecture des mystiques rhéno-flamands des XIIIe-XIVe siècles, en particulier Hadewijch et maître Eckhart, auquel il consacre une «biographie spirituelle», Les Sept Vies de maître Eckhart (Le Rocher, 1997). C’est dans cette confrontation au néant qu’il puise l’inspiration romanesque, prêtant à l’occasion ses expériences à ses personnages — sœur L*** dans La Faute des femmes (Les Éperonniers, 1989, prix Rossel), Daniel dans Le Secret de la sibylle (Le Rocher, 1996), Armand Arouet dans Le Frère à la bague (Le Rocher, 1999)… Plus profondément, il se convainc qu’un personnage ne vit que par le retrait de l’auteur et que la langue se forge dans le «creux néant musicien» de Mallarmé. Même athée, la mystique n’est pas un état. Au retour du néant, il faut assumer la nécessité de vivre. Dépositaire d’un prénom évoquant à la fois l’envol de Patmos (Jean) et la claudication (Claude), sans qu’un trait d’union laisse entrevoir l’espoir d’un compromis, il se veut résolument du monde. Quand Jean s’envole vers les sphères éthérées, Claude assure le quotidien. Jean a fui l’enseignement, Claude l’y ramène du bout de l’aile — des cours d’iconologie médiévale assurés à l’Institut supérieur des carrières artistique de 1993 à 2017. Pour l’essentiel, après quelques métiers à la sauvette, Jean Claude Bologne vit de sa plume : livres (une quarantaine), conférences, critique littéraire (La WallonieRTBFMagazine littéraire…), les mots ont fini par le nourrir. Son premier livre, Histoire de la pudeur (Olivier Orban, 1986), connaît un large succès après un passage chez Bernard Pivot à Apostrophes, un prix de l’Académie française et celui des Jeunes Talents de la province de Liège. À la suite seront publiés une quinzaine d’essais d’histoire des mentalités, où il dissèque les clichés, les concepts, les systèmes qui déterminent les comportements humains. Plus que le fait historique où l’explication a posteriori des mœurs passées (il n’entend marcher ni sur les brisées de l’historien, ni sur celles du sociologue), il s’attache à comprendre une époque par le discours qu’elle produit et s’intéresse moins à l’événement qu’au regard que les contemporains portent sur lui. Ainsi furent conçues les histoires du célibat (Fayard, 2004), de la conquête amoureuse (Seuil, 2007), de la coquetterie masculine (Perrin, 2011), du couple (Perrin, 2016), du coup de foudre (Albin Michel, 2017), du scandale (Albin Michel, 2018)… Assumer de vivre, c’est aussi s’investir dans des combats communs. Militants, à la Société des Gens de Lettres, dont il est secrétaire général (2002-2008) puis président (2010-2014), à l’Observatoire de la liberté de création, dont il est co-délégué. Mais aussi littéraires, dans plusieurs groupes où il confronte sa pratique romanesque à celle de ses confrères. Le plus enrichissant est sans conteste la Nouvelle Fiction, dont il partage les activités entre 1992 et 2001. Dans cet archipel romanesque constitué, entre autres, autour de Frédérick Tristan, Hubert Haddad, Georges-Olivier Châteaureynaud, François Coupry, Marc Petit… se définit une fiction signifiante, qui puise dans le réservoir de l’imaginaire une matière structurante, donnant sens au réel en le libérant de l’aléatoire. Dans ce creuset, qui ne fut jamais dogmatique, se constitue le cycle du Troisième Testament, un livre sans cesse effacé et récrit, où chaque homme inscrit une expérience unique dans la trace de prédécesseurs dont il ne connaît pas le témoignage. L’histoire de ce livre est racontée depuis son origine dans les paroles perdues du Christ (Le Chanteur d’âme, Le Rocher, 1996), jusqu’à l’époque actuelle (Le Troisième Testament, Les Éperonniers, 1990, prix Marcel Lobet) en passant par le XIIe siècle (Le Dit des béguines, Denoël, 1993), le XVIIIe (Le Frère à la bague, Le Rocher, 1999), le XIXe (Le Testament de sable, Le Rocher, 2001)… Parallèlement, Jean Claude Bologne poursuit à travers ses personnages une quête de l’identité dont le noyau reste le néant fondateur : personnages gigognes (La Faute des femmes), arborescents (L’Homme-fougère, Fayard, 2004), hantés par des anges (L’Ange des larmes, Calmann-Lévy, 2010, prix Auguste Beernaert de notre Académie) ou par leur narrateur (L’Âme du corbeau blanc, maelstrÖm, 2019)… «Il y a comme une ébriété narrative que l’on diagnostique dans Requiem pour un ange tombé du nid ou dans L’Homme-fougère, un lâchez-tout de la fabulation que plus rien n’arrête» (Jacques De Decker). Il se reconnaît pleinement dans ce «lâchez-tout» qui résume sa quête personnelle par la fiction comme par l’histoire des mentalités : un territoire de liberté où il peut échapper à lui-même et ouvrir le vase scellé de toute éternité dans le temple de Vesta, à Rome. «Pour le trouver vide, ou plein de quel néant? Pour humer l’air des origines, et m’introduire en son flanc» (Rituaire, Le Taillis-Pré, 2020). Jean Claude Bologne a été élu à l’Académie le 9 avril 2011. Il succède à Jean Tordeur.

– Yves Namu

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Le Carnet et les Instants

Après l’Histoire du couple, en 2016, c’est sur l’histoire du coup de foudre que le romancier et essayiste Jean Claude Bologne se penche cette fois, en fin sondeur des sentiments et des comportements humains.Le coup de foudre, vaste sujet… Beaucoup y croient, d’aucuns l’ont vécu, d’autres l’attendent encore tandis que diverses sources l’abordent par le biais notamment des symptômes qu’il fait naitre chez ses « victimes ». Ce sont ces récits, légendaires, empruntés à l’Histoire ou à la littérature, qui ont retenu l’attention de l’auteur et constituent la matière première de cet essai.Unique et sans pareil pour qui en est frappé, le coup de foudre brille par sa permanence dans l’Histoire et sa banalité : les témoignages de ce phénomène ne manquent…


Le Carnet et les Instants

Auteur d’une œuvre importante qui se diffracte en romans, récits (La Faute des femmes, L’Arpenteur de mémoire, Fermé pour cause d’Apocalypse…), en essais (Histoire de la pudeur, Le Mysticisme athée, Histoire du sentiment amoureux, Histoire du couple, Histoire du coup de foudre…), Jean Claude Bologne interroge dans son dernier livre la question du scandale. Dans un ouvrage truffé d’érudition, empruntant des chemins inédits, il se penche sur ce phénomène tout à la fois moral, socio-politique, religieux en remontant à ses origines. Il n’est d’intelligibilité de ce fait, saturant notre temps, qui ne passe par une mise en perspective historique. Anthropologiquement, dans toute société, ce qu’on nomme scandale est à l’œuvre sous une multiplicité de formes…


Le Carnet et les Instants

Il y a quarante ans, Jean Claude Bologne a vécu durant quelques instants « une expérience fulgurante de l’absolu ». Quelques instants qui ont marqué et transformé toute sa vie. En 1995, il a consacré à cette expérience mystique, exempte de toute référence à Dieu, un premier essai qu’il considérait comme une délivrance, pensant n’avoir plus à revenir publiquement sur le sujet. N’empêche, alors que le temps a passé « sans rien changer à la brutalité de la mémoire », il s’est résolu, poussé par « les confidences que le livre a suscitées » et par « les réflexions qui l’ont prolongé » à témoigner « avec moins de lyrisme et de candeur » de « l’instant où le monde a basculé » et de la faculté de survivre « à l’immense désarroi…


Le Carnet et les Instants

Jean Claude BOLOGNE, Rituaire, Taillis Pré, 2020, 15 €, ISBN : 978-2-87450-159-3« […] car toi et moi, qui ne nous rencontrons que dans le geste de donner, que sommes-nous, quand le geste s’achève ? Rêve, et rêve de rêve. » ( « Kapala »)Rituaire (paru aux éditions Le Taillis Pré) ne peut être que l’œuvre d’un amoureux des dictionnaires et des ouvrages historiques, d’un passionné des livres et du sacré, de leur mystère et de leur poésie. Ne témoignant ni d’une érudition écrasante ni d’une curiosité superficielle, ce recueil de Jean Claude Bologne s’inscrit en justesse dans la vaste bibliographie de l’auteur. Sans plus tergiverser, disons-le tout net : Rituaire est un régal.Rituaire est un régal, car il propose, sous la forme d’un abécédaire,…


Le Carnet et les Instants

La vie des livres, la manière dont ils font voler en éclats la frontière entre réalité et imaginaire, les pouvoirs ontologiques, les sortilèges dont ils sont porteurs sont au cœur du dernier roman de Jean Claude Bologne, Le nouvel an cannibale. Auteur d’une œuvre marquante riche d’une quarantaine de titres, romancier, essayiste, philologue de formation, Jean Claude Bologne met en récit avec ambition, érudition et humour le coup de dés de la création.En sept chapitres, le protagoniste David Marcœil, informaticien de son état, atteint d’une inexplicable douleur à la main (analogon des stigmates à l’ère du numérique ?), fait l’épreuve de l’insolite. Lui qui entend tout contrôler, qui s’en remet aux petits dieux de la raison, se retrouve happé dans une quête…


Le Carnet et les Instants

Avec L’âme du corbeau blanc, le romancier et essayiste Jean Claude Bologne livre une éblouissante fiction qui tient de la fable poétique, métaphysique et théologique sur fond d’un événement nommé la Grande Catastrophe. Sous la forme d’une communauté de survivants, l’auteur campe le temps de l’après-apocalypse : seuls les pensionnaires d’un orphelinat ont échappé à la dévastation des eaux amères qui ont recouvert la planète, tuant les hommes, la faune, la flore. Entourée d’un mur de diamant expansé (seule matière inattaquable par l’acidité de l’eau), la colonie d’enfants est dirigée par des adultes ayant fait table rase de tout ce qui relève de l’ancien monde. Ayant provoqué un anéantissement écologique planétaire, l’hubris, le prométhéisme,…


Le Carnet et les Instants

Jean Claude BOLOGNE, Légendaire, Taillis Pré, 2023, 144 p., 17 €, ISBN : 978-2-87450-212-5Taillé dans une langue poétique extrêmement fine et précise, le nouvel opus de Jean Claude Bologne, Légendaire, a paru aux éditions Le Taillis Pré, après le non moins magnifique recueil Rituaire (2020) du même auteur.Scindé en trois parties, intitulées « Il est un peuple », « Ce que content les arbres » et « Le roi rebelle », ce recueil oscille entre poésie, suite de petits contes et paraboles. Chaque partie est dédiée à un écrivain en particulier : Otto Ganz, Werner Lambersy et Michel Host, témoignant de la constellation qui se tisse autour du livre. Trois œuvres viennent ainsi se poser en frontispice de chacune des sections.Les espaces intérieurs sont infinis et…


Le Carnet et les Instants

Jean Claude BOLOGNE, Emprises. Les contes du père Susar, maelstrÖm reEvolution, 2023, 324 p., 18 €, ISBN : 978-2-87505-475-3Éblouissant roman taillé dans l’ambition, l’érudition et la magie du verbe, Emprises. Les contes du père Susar enracine son récit dans les plis du 18ème siècle, ausculte les secrets, les jougs familiaux qui s’étirent sur plusieurs générations. Jean Claude Bologne a le secret des dispositifs narratifs d’une folle intelligence qui allie questions métaphysiques et complexité des âmes. Construit comme une cathédrale, le roman met en scène un conteur hors pair, le père Susar qui, accusé de sorcellerie, vit caché dans un hameau près de Liège depuis des décennies.Dès l’entame, dès le prologue « La Cène pétrifiée », nous sommes plongés…