Le roman de Gilberte Swann. Proust sociologue paradoxal

À PROPOS DES AUTEURS
Jacques Dubois

Auteur de Le roman de Gilberte Swann. Proust sociologue paradoxal

Professeur émérite de l’Université de Liège, Jacques Dubois est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont, au Seuil, Pour Albertine et Les Romanciers du réel. Il a également dirigé l’édition « Pléiade » en trois tomes des romans de Georges Simenon.
NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Dans Tout le reste est littérature, un volume d’entretiens avec Laurent Demoulin, Jacques Dubois déclare avoir abordé Proust assez tardivement, dans son parcours de lecteur et dans sa carrière de professeur d’université. Mais il a ressenti cette rencontre comme un coup de foudre, via la belle Albertine, ajoute-t-il. Par extraordinaire, ce coup de foudre dure encore, même si la critique amoureuse a fait place à une relecture savante et suprêmement littéraire. Après avoir décrit une aventure plus que sentimentale, dans Pour Albertine, déjà sous-titré Proust et le sens du social (Seuil, 1997), ensuite dans Figures du désir. Pour une critique amoureuse (Les Impressions nouvelles, 2011), le voici qui revient sur une autre figure féminine…


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Inventer en littérature. Du poème en prose à l’écriture automatique

Cartographier un genre, établir l’arbre généalogique d’une œuvre, retracer la trajectoire d’un écrivain, autant d’entreprises qui exigent déjà beaucoup de la part de qui s’y lance. Mais cerner un concept littéraire , voilà qui relève presque du tour de force, tant la matière à réflexion est trop fluente pour être véritablement appréhendée dans sa dynamique et saisie dans sa logique intrinsèque. Jean-Pierre Bertrand, professeur de sociologie de la littérature à l’Université de Liège, avait déjà signé, dans des ouvrages collaboratifs, de précieuses contributions à la compréhension de ses auteurs de prédilection (au premier rang desquels, Gide et Laforgue), des regroupements informels qu’il fréquente volontiers (les « romanciers célibataires », la nébuleuse « fin-de-siècle »), et plus généralement des formes littéraires au XIXe siècle, une question qui le passionne.Seul un Lecteur majuscule de ce pedigree-là pouvait donc prétendre s’attaquer à l’idée d’« invention » en littérature. Avant de circonscrire l’objet, il s’est tout d’abord agi de le confronter avec ses sœurs, amies ou ennemies. L’« imitation », l’« imagination », la « découverte » sont en effet autant de notions connexes qui, depuis le moyen-âge, entrent en percussion, voire en concurrence, avec l’« invention ». Jean-Pierre Bertrand dégage les spécificités terminologiques du vocable par un examen serré de son étymologie, mais davantage encore par un savant décryptage. Cette partie « épistémocritique », qui n’a au fond de rébarbative que sa désignation, permet à Jean-Pierre Bertrand de situer « l’invention » dans ses conditions d’émergence les plus propices (les temps de crise, faut-il s’en étonner ?) ; dans le continuum de la vision progressiste de l’histoire ; dans la sphère des discours circulant à son entour dès qu’elle apparaît ; enfin dans les polémiques qu’elle ne manque pas de susciter, à l’instar de tout bouleversement sociétal majeur.L’ambition première de l’ouvrage demeure cependant d’« étudier comment se pose la question de l’invention de la littérature au XIXe siècle, comment elle fait sens en regard de ce qu’on pourrait appeler l’ère moderne, l’idéologie de l’invention que véhicule le discours social. Pourquoi, autrement dit, s’est-on mis à inventer en littérature ? » En passant au second volet, où sont envisagés des cas précis, le lecteur est définitivement convaincu d’avoir affaire là à une réflexion majeure dans le paysage actuel de l’essayistique francophone.Jean-Pierre Bertrand a notamment cet immense mérite d’avoir su sortir de leur purgatoire des inventeurs certes connus mais restés dans l’ombre, occultés par des individualités autrement monopolistiques – les Lamartine ou les Hugo, qui, par leur création monstrueuse eurent beau jeu de s’accaparer les trouvailles modestement forgées par d’autres artisans. Ainsi de la Littérature et de la Critique… Qui eût pensé qu’en 2015 une voix s’élèverait pour réaffirmer que la maternité de la première était due à Madame de Staël, et la paternité de la seconde à Sainte-Beuve ? Jean-Pierre Bertrand a ce salubre culot. Allons bon, Madame de Staël ! Les frous-frous d’une robe à corset cintrant un joli nom à particule (celui d’un peintre aussi, non ?), et un texte aussi, à peine dénichable en bouquinerie, que personne n’a lu, sur l’Allemagne du Sturm und Drang … ; quant à Sainte-Beuve, ce n’est rien d’autre que le contre-Proust, le copain aigre et fielleux des Goncourt, à la rigueur, pour les érudits absolus, le chroniqueur de la clique rigoriste de Port-Royal.Les pages consacrées à ces deux figures, que la modernité aura transformées en clichés ambulants, sont des modèles, non pas de réhabilitation, mais de justice littéraire. Car nous devons bien à la belle Germaine, en la charnière et symbolique année 1800, d’avoir doté « la littérature d’une définition et d’un projet autonome, ce qui signifie qu’elle l’affranchit véritablement de la notion de Belles-Lettres pour l’ouvrir à un processus de qualification, de conceptualisation qui n’est redevable que d’elle-même ». On est loin du bas-bleu. Et nous devons à Charles Augustin – les dictionnaires attestent qu’il portait un prénom – d’avoir sacrifié ses vocations de poète et de romancier pour œuvrer, chaque lundi que lui fit le Bon Dieu, à la triple création d’« un modèle, une discipline et un métier ».Des chapitres plus amples encore détaillent les facteurs d’émergence et les implications des inventions qui scandèrent la modernité littéraire, du vers libre à l’écriture automatique en passant par le monologue intérieur. On laissera au lecteur le soin de les… découvrir,…

36 outils conceptuels de Gilles Deleuze. Pour mieux comprendre le monde et agir en lui

Gilles Deleuze ! Qui voudrait encore le lire ? Se perdre puis se retrouver, un peu, puis se reperdre, beaucoup, dans les méandres d’une des pensées les plus vagabondes et les plus libres du siècle dernier ? Qui ?Pas les tenants du statu-quo, les cyniques à-quoi-bonistes ou les sempiternels râleurs et découragés de la vie, en tout cas ! Pas ceux et celles, non plus, qui se contentent des livraisons expresses de la pensée, du prêt-à-penser. C’est que pour lire Deleuze, il ne faut pas avoir peur de perdre pied. De se laisser couler. De remonter les moindres petites flaches, petits cours d’eau. La pensée de Deleuze est un milieu. Un territoire. On n’explore pas un milieu de façon « logique ». On y va au petit bonheur. De façon nomade. Allant de découverte en découverte. Soulevant les cailloux. Goûtant, par curiosité, aux plantes. Au risque, parfois, d’en avoir l’estomac retourné. De n’en tirer rien de bon. Au risque, parfois, de découvrir, au détour d’une page, une phrase, un paragraphe, subitement lumineux. Éclairant tout à coup quelque chose. Un point jusqu’alors obscur de nos vies ou du monde. Quelque chose qui nous échappait.Pensées vitales et vitalistes.Pierre Ansay navigue, quant à lui, dans ces belles eaux philosophiques depuis pas mal de temps. Après avoir commis deux livres sur Spinoza, cet autre « penseur de la vie », un ouvrage nous présentant Gaston Lagaffe en philosophe deleuzien et spinozien qui s’ignore, voici donc qu’il aborde en pédagogue l’œuvre de Deleuze – et, par la bande, celle de son comparse, Félix Guattari.A priori, il pourrait sembler étrange, et tout à fait anti-deleuzien, de présenter cette œuvre en « 36 outils conceptuels ». Pensée éminemment fluide, pensée toujours fuyante, sautant allègrement d’une matière à l’autre, créant des ponts inattendus et réjouissants entre, entre autres, la politique, la psychanalyse, l’anthropologie, la sociologie, la littérature, le cinéma, etc., on pourrait craindre que la réduire ainsi en simples outils pratiques en tuerait tout le sel, toute la singularité. Mais non ! Ô joie ! C’est tout le contraire qui se passe. Le livre de Pierre Ansay est une splendide invitation à lire ou à relire ces œuvres philosophiques majeures que sont Mille plateaux ou L’Anti-Oedipe . Le livre de Pierre Ansay est une magnifique introduction à cette philosophie anarchiste, toujours prompte à débusquer les rapports de force et de pouvoir. À nous donner des balises, des outils de pensée, pour sortir de nos routines, de nos points de vue trop étriqués. Non pas que Deleuze et Guattari nous auraient fait le coup, mille fois éculé, de « ceux qui savent » ou de « ceux qui ont compris », le coup des penseurs « gourouisants » à la petite semaine. Lire Deleuze – et Guattari –, nous rappelle Pierre Ansay, c’est se plonger dans une pensée en action. Une pensée qui, littéralement, se crée, se cherche, devant nous, en se disant, en s’écrivant, n’arrête pas de faire des retours en arrière, ou des projections dans le futur. Lire Deleuze, nous rappelle Pierre Ansay, c’est faire l’expérience d’une pensée vive, toujours en mouvement, ne démontrant rien si ce n’est l’importance qu’il y a à penser. À laisser libre cours à nos intuitions. Nos capacités d’inventions. De fuites ou de résistances aux idées toutes faites. Lire Deleuze, nous rappelle Pierre Ansay, c’est dire un énorme « oui » à la vie, à nos propensions à ne pas nous laisser encadrer. Mettre en boîte. À ne pas prendre pour argent comptant les rôles et les identités qu’on nous assigne. Lire Deleuze, ce serait, en somme, comme apprendre à devenir poreux. À trouver une formidable puissance à nous laisser pénétrer par le monde, par ce qui n’est pas nous. À reconnaître dans ce qui n’est pas nous des frères, des sœurs, des appuis pour nous faire grandir. Augmenter ainsi notre puissance de vie. Persister ainsi dans ce qui est bon pour nous. Pour nos êtres. Fuir ce qui tend à nous réduire. À diminuer notre puissance, notre capacité d’invention.Lire Pierre Ansay, tous les livres de Pierre Ansay, c’est redécouvrir ces philosophes de la vie. Ne plus les juger, a priori, difficiles d’accès. Les rendre, en tout cas, éminemment pratiques. Éminemment urgents de lire et de relire, si l’on veut, de temps à autre, un peu, résister aux sirènes totalitaires, aux embrigadements de toute sorte, ou bien agir, tout simplement, agir, penser autrement l’action dans le monde. Comme l’œuvre de Deleuze, ces 36 outils conceptuels sont à lire dans n’importe quel sens, selon ses envies, ses désirs, ses préoccupations du moment. Pas de hiérarchie entre les concepts. Pas de hiérarchie entre les êtres. Laisser juste l’intuition nous guider : d’abord ceci, puis cela. Ou inversement. Peu importe.Bien sûr, comme l’œuvre de Deleuze, impossible de faire le tour de ces « outils conceptuels » en 4000 ou 5000 signes ! Tout juste peut-on inviter chacun et chacune…