Voici un livre dont on peine à sortir indemne tant il va loin dans les tréfonds de l’âme humaine. L’auteur y narre à sa demande l’histoire d’un auteur dont il est devenu l’ami et à qui il a promis de la publier après sa mort. Fruit de longs moments passés ensemble et d’une connivence profonde, le récit écrit à la première personne semble sorti tout droit de la bouche de l’ami perdu et il débute alors que celui-ci a 16 ans et qu’il découvre l’amour avec la belle Anja. Aux superbes pages qui narrent la fraîche passion des deux adolescents succède brutalement une scène d’une barbarie atroce. Des miliciens douteux ont envahi le village et ils ont pénétré dans les maisons où ils s’adonnent à des exactions innommables. Ayant survécu par miracle au massacre, le confident n’a jamais plus parlé de cet événement qui hante pourtant ses nuits et ses jours. N’y peuvent rien le procès de guerre et les témoignages de survivants, les discours d’empathie. Aucun pays ou nom de lieux n’est cité, les dates des faits sont estompées, ce qui permet d’affirmer l’universalité du propos. La beauté de la musique et l’alcool parviennent quelquefois à écarter les fantômes, le refuge de l’écriture et de la lecture estompe la douleur des blessures toujours à vif. C’est précisément le tour de force de ce roman que de narrer le pire tout en affirmant la puissance de la poésie qui prend d’emblée possession du texte comme on vient au secours d’un noyé. Viatique aux vertus insoupçonnées, elle ne le quitte pas dans les moments les plus dramatiques. Ce faisant, Stanislas Cotton dénonce avec talent la barbarie toutes bannières confondues et salue pudiquement la mémoire des victimes tout en affirmant qu’il reste toujours en chacun une part inaliénable sur laquelle s’appuyer envers et contre tout.
— Thierry Detienne
Auteur de Le joli monde
Une plume s’offre à une autre pour écrire son œuvre posthume et raconter l’indicible, l’ineffable ; ce que personne ne peut accepter ni comprendre. Et surtout pas l’humanité. Peu avant sa mort, Ariel Bildzek, ce géant de la littérature mondiale, m’a révélé ce qu’il n’avait jamais raconté à personne.La réalité nazie reste sans réponse possible, incommensurable et sans réconciliation entre l’être et l’humain. Et justement… si être humain n’était pas un lumineux supplément d’âme, mais bien une sombre erreur de la nature ? Je suis entré, j’ai repoussé le panneau et je me suis retrouvé nez à nez avec un type qui me souriait. J’ai remarqué une tête de mort sur le col de son uniforme.Lire aussi : Écrire sur les camps…
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