Auteur de La conférence de Charleroi
Dépasser la mort : L’agir de la littérature
« Je suis juste quelqu’un qui, comme nous tous, a vu s’effondrer la falaise juste à côté de soi, qui a tremblé au bord du gouffre, et qui a échappé au vertige parce qu’un, puis deux, puis un grand nombre d’écrivains lui ont pris la main pour le tirer en arrière. Venez, je vous précède et je les suis. » En ouverture de son dernier livre, Myriam Watthee-Delmotte nous fait la confidence du suicide d’un ami, André, dont la mort à quarante ans a provoqué le séisme intime dans lequel nous plonge la disparition des êtres chers. Ce bouleversement laisse sans voix et sans mots ceux qui, au contraire de Myriam Watthee-Delmotte, n’ont pas exploré les voies de résilience que la littérature nous ouvre et dont l’auteure de Dépasser la mort nous propose ici quelques titres choisis dans sa bibliothèque. Celle qui a créé le Centre de Recherche sur l’Imaginaire à l’Université catholique de Louvain a élargi le champ du littéraire à celui de la musique : son livre nous propose un accompagnement musical sélectionné dans le catalogue du label Cypres, et disponible en écoute libre sur le site de l’éditeur musical. Pour nous guider, et aller au-delà de son expérience personnelle, Myriam Watthee-Delmotte envisage le face à face avec les multiples visages de la mort, dont les plus grimaçants sont à n’en pas douter le suicide et la mort d’un enfant, en nous proposant de jeter au dessus de l’abîme des passerelles de mots, de phrases, de livres dont elle égrène au fil des chapitres, les secours qu’ils pourraient nous apporter, le premier d’entre eux étant d’ « accueillir la réalité douloureuse et fondamentale qu’est la mort ».Les titres de chacun des chapitres, accompagnés de leur environnement musical, sont autant d’illustrations et de déclinaisons de la phrase de Victor Hugo, placée en exergue du livre : « Les morts sont les invisibles ; ils ne sont pas les absents ».Combien de fois n’avons-nous pas, lecteurs, fait cette expérience que seule la littérature permet : lisant un livre, qu’il soit de poésie, de fiction romanesque, de théâtre, nous nous sommes soudain sentis moins seuls au monde parce qu’une phrase nous disait simplement ce que nous étions, ce que nous ressentions, ce qui nous isolait, croyions-nous, du monde. Ainsi nous n’étions pas seuls. Un autre, dans ce livre que nous tenons en main, avait écrit exactement et précisément ce sentiment qui nous étreignait jusqu’à l’étouffement.Sur le chemin escarpé et solitaire du deuil, l’expérience littéraire permet de « réélaborer du sens face à la mort de l’un des siens » et d’honorer le défunt en le commémorant.« La littérature ouvre aux mystères du vivant arc-boutés à la mort » écrit Myriam Watthee-Delmotte en ouverture d’un des chapitres de ce livre-bibliothèque qu’elle nous propose pour Dépasser la mort. Il fallait à la fois la sensibilité d’une véritable écrivaine, – on lui doit, entre autres, un opéra consacré à Verlaine – et l’érudition d’une inépuisable lectrice, pour mettre en évidence, à partir d’une souffrance intime, la consolation que nous offrent les livres face à la « béance du sens » dans laquelle nous abandonne la mort de l’autre.Comment ne pas achever cette recension d’un livre de livres, sans citer ces lignes de Béatrice Bonhomme écrites à la mort de son père, le peintre Mario Villani, et dont la fulgurance nous laisse sans voix, mais consolés de nos propres défunts : « Tu es posé sur l’étrangeté des mondes, dans le cœur dormant de la nuit, et les larmes coulent sur ton cercueil de neige, dans la dentelle de tes mains d’os et de pierre. »Nous voici donc moins seuls. Enfin. Jean Jauniaux C’est grâce aux mots que l’on cesse d’être seul face à la mort. Mais d’abord, ils manquent : quand la mort s’abat, elle abasourdit, elle frappe de mutité. C’est alors que les écrivains peuvent venir en aide et répondre au besoin de faire sens pour que quelque chose soit sauvé du gouffre. Face à la tombe, la littérature donne aux endeuillés une voix et le sentiment d’une communauté. Elle est ainsi au cœur de ce qui constitue le propre de l’homme, seul être vivant…
L’artisanat du roman : Initiation à l’écriture créative
Destiné à ceux et celles qui écrivent ou que l’écriture de fiction tenterait, cet essai est nourri de la demande faite un jour à Thomas Lavachery d’animer un séminaire autour des « Pratique de l’écriture pour la jeunesse » dans le cadre d’un master consacré aux métiers du livre jeunesse créé par l’Université Charles de Gaulle, Lille 3 . Auteur jeunesse prolixe et reconnu, notamment pour sa saga Bjorn le Morphir parue à L’école des loisirs où l’essentiel de son œuvre est publié, Thomas Lavachery s’appuie sur son expérience, et il n’hésite pas à l’écrire, sur certaines de ses erreurs pour prodiguer ses conseils aux candidatꞏeꞏs écrivainꞏeꞏs, et on sait qu’ils et elles sont nombreuxꞏes tant la littérature fait (encore) rêver certainꞏeꞏs.S’il s’est appuyé sur son propre travail pour écrire cet essai de creative writing comme on dit du côté anglo-saxon où les formations sont nettement plus répandues qu’en littérature francophone, Thomas Lavachery cite aussi de multiples confrères et consœurs, parfois en comparant leurs pratiques. Citons Tolkien, J.K. Rowling, Simenon, Marguerite Yourcenar, Paul Auster, George Orwell, Elena Ferrante, Stendhal, Proust, Flaubert, Dostoïevski, mais surtout Jules Verne et Alexandre Dumas, le plus cité dans le livre. Notons que Thomas Lavachery rend une autre forme d’hommage à ces aînéꞏeꞏs en les portraiturant lui-même dans cet essai. Il ne manque pas de faire référence à Stephen King pour son livre Écriture, mémoires d’un métier , ou Robert-Louis Stevenson pour ses Essais sur l’art de la fiction , mais également La dramaturgie, les mécanismes du récit , d’Yves Lavandier et Le roman d’aventures de Jean-Yves Tadié. Thomas Lavachery propose d’ailleurs en fin de volume la bibliographie du parfait apprenti écrivain.Sur ces bases pratiques et théoriques, il passe en revue divers éléments de l’écriture créative comme le plan de départ, le synopsis, l’intrigue, le schéma narratif, l’ironie dramatique, la crédibilité, les personnages, les descriptions et les dialogues qui sont d’authentiques créations, le temps romanesque avec ses rythmes et ses ellipses, pour n’en citer que quelques-uns. Précisons que chaque chapitre se termine par des exercices pratiques d’écriture pour ceux et celles qui voudraient passer à l’action sur écran ou sur papier. Là aussi les pratiques varient.Si Thomas Lavachery aborde les genres littéraires comme le roman d’aventure et le roman historique auxquels on le sent attaché, tout comme la littérature jeunesse avec un chapitre consacré aux illustrations et aux interactions avec le texte, il passe sous silence d’autres approches scripturaires comme celles du Nouveau Roman.Écrire est une chose, éditer en est une autre. L’ouvrage se termine sur cette autre réalité en évoquant les liens particuliers qui se nouent entre les auteurs et autrices avec leurs éditeurs ou éditrices, lecteurs et lectrices, correcteurs ou correctrices, voire les sensitivity readers , apparus dans le sillage du politiquement correct et du wokisme pour veiller à ne choquer aucune sensibilité au risque d’édulcorer les textes.Si vous souhaitez deux conseils d’écriture pour terminer, nous avons épinglé ceux-ci cités dans L’artisanat du roman : « Il n’y a qu’un seul art : l’art d’omettre ! », de Stevenson et « La bonne prose est comme une vitre transparente », d’Orwell. Il n’y a plus qu’à… Michel Torrekens Plus d’information Les académies existent pour la peinture, la sculpture, la musique… S’agissant du roman, l’inspiration serait seule à l’oeuvre. Tout viendrait des Muses et rien de la technique. C’est du moins l’idée qui a longtemps prévalu dans les milieux littéraires francophones. Une évolution se dessine cependant, et les cours d’écriture créative, ateliers et autres workshops commencent à fleurir en France et en Belgique. Thomas Lavachery, romancier, chargé d’un cours de pratique de l’écriture pour la jeunesse à l’Université de Lille, livre ici ses idées sur l’art de la fiction. Ses réflexions sur les grands ressorts du roman – l’intrigue, les personnages, les descriptions, les dialogues… – sont illustrées de maints exemples et prolongées par des exercices d’écriture. L’Artisanat du roman propose une initiation personnelle et passionnée à ce métier si beau : romancier. « Écrire n’est pas différent des autres activités humaines, assure l’auteur. La maîtrise technique est source…
Créer en postcolonie. 2010-2015, Voix et dissidences belgo-congolaises
Depuis plusieurs années, les recherches scientifiques et les projets muséographiques…