Il règne aujourd’hui, dans le monde, une situation similaire à l’état de la France à la veille de sa Révolution, et le propos de Barnave demeure pertinent, qui saluait ainsi la Déclaration du 26 août 1789 : » Il est indispensable de faire une Déclaration des droits pour arrêter les ravages du despotisme « . Cependant, l’histoire des libertés accordées à l’homme n’ayant cessé de se confondre avec l’histoire des libertés accordées par l’homme à l’économie, nous ne pouvons plus nous contenter de licences issues du libre-échange, alors que la libre circulation des capitaux fonde une tyrannie qui réduit l’homme et la terre à une marchandise. Nous refusons de nous satisfaire des droits abstraits que nous abandonne une société où l’emprise économique abstrait l’homme de lui-même.
Le temps est venu d’accorder la primauté à l’individu concret plutôt qu’à l’Homme en soi et à sa version citoyenne, commanditée par l’État. Les droits de l’être humain ne sont pas des droits acquis mais des droits à conquérir ; ils n’entrent dans aucune forme contractuelle et n’impliquent aucun devoir ; ils jettent les bases d’un style de vie en complète rupture avec une organisation sociale qui a économisé l’homme, le condamnant à la violence, à l’ennui et à l’absurdité d’une existence précaire.
La Déclaration des droits de l’être humain n’est qu’un signe, parmi d’autres, des progrès de la conscience et de l’émergence d’une civilisation où, pour la première fois dans l’histoire, chacun va tenter de créer sa propre destinée en recréant le monde.
Auteur de Déclaration des droits de l'être humain
Né en 1934 à Lessines (Hainaut), Raoul Vaneigem a participé aux activités de l’Internationale situationniste. Son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, paru en 1967, n’a pas été étranger à la naissance et à la radicalité du Mouvement des occupa- tions de mai 1968. Son œuvre s’attache à la critique de la civilisation marchande, qu’il confronte à l’émergence d’une civilisation humaine, fondée sur l’autogestion de la vie quotidienne.
Le Voyage au bout de la nuit de Céline : roman de la subversion et subversion du roman
À propos du livre À travers les différents niveaux de sens que le texte romanesque du Voyage au bout de la nuit superpose, cet ouvrage serre de près le processus d'instauration du langage célinien, de la surface des mots à la totalité de la création. Transposant la rhétorique de l'argot en un formidable discours subversif, ce langage fonde l'identité symbolique de Bardamu, le héros-narrateur, mais aussi celle de Céline dans cette Nuit de l'écriture où, entre vécu et imaginaire, durée et Histoire, désir et néant, l'écrivain triomphe des discours sociaux de son temps par l'affirmation souveraine d'un style. Mythe romanesque du voyageur de la Nuit, hallucinant de vérité désespérée et de révolte ; mythe littéraire de l'écrivainargotier dont le propos embrasse dans sa revanche verbale toute la honte, toute la souffrance du Mal contemporain : deux niveaux de cette «écriture de la parole» qui entretiennent un subtil trompe-l'oeil entre le sens et la représentation. C'est dans ce travail que résident la modernité de Céline, son art réel d'écrivain comme sa compromission authentique de sujet face à la société et à l'Histoire. Cette étude est le fruit d'une technique magistrale et…
Que peuvent nous apprendre les prédictions de l' Almanach de Mathieu Laensbergh en matière d'éveil aux idées de Lumières, au XVIIIe siècle? Quel changement de mentalité à l'égard des pratiques magico-religieuses laissent entrevoir les commentaires du livret de pèlerinage à Saint-Hubert en Ardenne? C'est à de telles questions que tâchent de répondre les essais contenus dans le présent ouvrage, à partir d'une documentation associant littérature « populaire », journaux, catalogues de libraires, chansons, etc. La communication orale y trouve une place importante, notamment quand elle se fait dialectale. La diffusion de valeurs et d'interrogations communes s'opère aussi par le théâtre, où drames sérieux, vaudevilles et opéras-comiques — nous sommes au pays de Grétry — composent un véritable «paysage culturel» moyen. On verra ainsi comment le Laensbergh ou les mémoires rédigés à l'occasion de procès opposant des communautés rurales aux autorités manifestent le progrès du rationalisme critique, à travers un lexique où le bourgeois sensible côtoie l'aristocrate éclairé . De leur côté, les livrets de pèlerinage offrent une mutation du regard sur la «neuvaine» contre la rage, la protection sacrée cédant la place à la conception du contrat marchand et à l'hygiénisme. La réflexion sur l'«amélioration de l'espèce humaine», avec les questions de l'eugénisme, de l'alimentation des enfants et de la vaccination, entrent dans le débat qu'entretiennent le Journal encyclopédique et le Giornale enciclopedico di Liegi . Comment s'étonner de la vigueur avec laquelle les classes populaires verviétoises vont combattre l'ancien régime dans les années qui précèdent sa chute? Une figure d'exception domine intellectuellement et pratiquement l'événement : Nicolas Bassenge. La chanson «patriotique» donne la mesure de son charisme et de l'évolution que connaît celui-ci, quand se développera l'aspiration à une société pacifiée. Une même exigence de conciliation et de pragmatisme s'observe dans le traitement accordé au wallon sous un régime français moins jacobin qu'on ne l'a parfois dit. Y a-t-il continuité ou rupture entre le catalogue de la lecture à la fin du XVIIIe siècle et celui de l'époque romantique? Quelles nouveautés foncières se font jour, à côté d'une tradition persistante du livre «utile» visant désormais l'entrepreneur balzacien? Quelle réception pour un romantisme souvent jugé «dégoûtant»? Avec Georges Sand et les Vésuviennes de 1848, la revendication féministe fera irruption sur la scène locale, tandis qu'alterneront dans la chanson de conscrit complaintes de la fille-mère…