D’aussi loin qu’elle se souvienne, Fatoumata Fathy Sidibé a toujours été féministe. Ce n’était pas par choix, c’était une évidence. “Poudre de piment”, comme la surnommait sa maman, était portée par un sens aigu de la justice.
Des rues de Bamako aux bancs du Parlement bruxellois en passant par le militantisme, c’est son parcours de femme noire, de culture musulmane, laïque, féministe, militante pour les droits humains que raconte la voix d’une rebelle. On y découvre ses actions menées pour la laïcité, pour les droits des femmes, des personnes LGBTI+, ses combats contre le racisme, les discriminations et les dérives du communautarisme.
Fatoumata Fathy Sidibé est aussi l’une des très rares élues de culture musulmane à Bruxelles à avoir eu le courage de prendre position contre l’islamisme. Ce livre est celui d’une femme qui a la force de ses convictions et le courage de les défendre. C’est aussi un plaidoyer pour la liberté, la dignité, la force de dire non. En 2019, Fatoumata Fathy Sidibé a décidé de quitter l’arène politique après dix ans de mandat parlementaire. Il fallait autant de courage pour sortir de la politique que pour y rentrer.
Fatoumata Fathy Sidibé est une femme noire, de culture musulmane, laïque et féministe qui nous raconte ici son parcours militant pour les droits humains. Très tôt marquée par le contraste des rôles sociaux de l’homme et la femme dans son Mali natal, elle se forge naturellement un caractère de rebelle et de féministe face aux Maliennes prisonnières des traditions et du patriarcatElle arrive en Belgique pour passer son baccalauréat et une licence en journalisme, puis effectue quelques petits boulots avant de s’engager dans le mouvement « Ni Putes Ni soumises », dont elle deviendra la présidente du comité belge en 2006. Telle une amazone, elle ne craint pas de défendre ses convictions et de militer pour des combats qui dérangent : lutte…
Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures
La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre de la raison et aux terres du symbole. « Nous ne faisons pas la poésie. Elle nous fait de nous défaire » écrivait-elle. Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures nous livre de souverains textes inédits choisis par Anne André, Danielle Bajomée et Martine Renouprez, des poèmes à fleur de lave, d’inquiétude, d’un questionnement viscéral, des lettres de sa correspondance avec Maurice Blanchot, avec René Char, avec René Thom, des textes sur les puissances du symbole, accompagnés de photographismes de Claire Lejeune. Le régime de la création est celui de la nudité, de l’extraction hors de la non-vie. Afin de phraser ce qui échappe au monothéisme d’une pensée vertébrée par la Loi — Loi de Dieu, de son substitut, le Père —, il faut inventer une langue-corps, une langue sororale, conquise sur les cendres du divin. « La mémoire de la clé — de l’origyne — s’est perdue, car au nom du Père, sa langue fut coupée, interdite de transmission ».L’entrée en écriture, la conquête d’un soi altéré, diffracté riment avec violence, dépossession, extase mystique sans Dieu, un Dieu confondu pour son imposture. Lire aussi : De la patrie à la fratrie , par Claire Lejeune ( C.I. n° 79) Au travers des extraits de la correspondance avec Maurice Blanchot (une correspondance qui se noua dès 1968 et se prolongea jusqu’en 1994), on mesure toute l’audace d’une entreprise sans équivalent dans les lettres, une démarche radicale qui fut, tout à la fois, poétique, existentielle, intellectuelle, politique. Celle qui porta la blessure immémoriale de la Femme pour la retourner en chant libérateur, celle qui dressa un auto-portrait sous la guise d’une « clandestine, d’une contrebandière de la pensée » fait de la pensée l’instrument de métamorphoses intérieures, d’un recommencement de l’Histoire. Pour gagner une vie supra-individuelle, il s’agit de traverser des seuils, d’être « lourde du Verbe » afin d’« enfanter Le langage ». Réinvention d’une origine barrée et d’une langue mutante, arrachement aux ruines, à la logique des dualismes et délivrance vont de pair. Dans Mémoire de rien, Le Livre de la sœur, Le Livre de la mère, Claire Lejeune défait les héritages mortifères, au fil d’une généalogie où Nietzsche côtoie Lilith, Rimbaud, Héraclite.Au travers de sa poétique sauvage, de l’indompté, du corps soustrait à la tyrannie de l’esprit rationnel, Claire Lejeune nous lègue un vertige de sensible en acte, de concept en mouvement. Comme René Char le lui écrivait dans une lettre de 1966, « Il manquait à la poésie de ce temps une voix pourpre. Nous l’avons désormais ». Véronique…
Aux vannes, citoyens ! Petit essai d’humour politique
Figure (re)connue du paysage radiophonique et télévisuel public français, la journaliste-devenue-humoriste belge Charline Vanhoenacker publie Aux vannes, citoyens ! , aux éditions Denoël. Le sous-titre, « Essai d’humour politique », annonce le caractère hybride de l’entreprise. Il s’agit bien d’un essai sur l’humour politique, mais aussi d’une mise en pratique directe de cet humour. Jupitérienne , Charline Vanhoenacker ? Elle pratique en tout cas l’« en même temps » : son propos est sérieux et en même temps la vanne surgit à chaque ligne ou presque. Partant du constat du manque d’études consacrées à l’humour politique, l’essayiste commence par la définition de son objet : « l’essence » du rire politique, affirme-t-elle, c’est « inverser les rapports de domination, renverser la hiérarchie, faire tomber la statue de son socle ». Logiquement, elle rapproche l’humour politique d’un « moment de fête de carnaval », sans toutefois creuser le parallélisme. À l’aune de cette définition, tout humour est forcément politique, même « l’humour de pur divertissement », celui qui ne cherche pas le renversement hiérarchique et, dès lors, « renforce [les dominations] qui sont à l’œuvre. […] ça aussi, c’est politique, tout en faisant mine de ne pas l’être ».L’humour (politique) suscite aujourd’hui des débats divers, abordés tour à tour dans l’ouvrage. Charline Vanhoenacker explique, argumente, et prend position. Concernant l’antienne « On ne peut plus rien dire », elle évoque un « abaissement du seuil d’acceptabilité sociale du rire ». Lorsqu’elle rappelle que l’humour demeure un bastion masculin, elle conclut qu’il est aussi une « terre de conquête » pour les humoristes femmes.Si elle s’attache ici à théoriser l’humour politique, elle en est bien sûr avant tout une praticienne. Inévitablement, son essai glisse parfois vers le plaidoyer pro domo . Aux vannes citoyens ! aborde ainsi les critiques souvent adressées aux humoristes en général, mais plus particulièrement à l’équipe aux commandes de Par Jupiter !. Les contempteurs ont pour noms Alain Finkielkraut, Frédéric Beigbeder, ou encore Marine Le Pen. Charline Vanhoenacker s’attarde sur l’étiquette d’« humour de gauche », souvent accolée à son émission. Revenant à sa définition de l’humour politique, c’est-à-dire l’inversion des rapports de domination, elle s’interroge sur les conditions de possibilité d’un humour de droite. Et défend le choix de railler « les actionnaires plutôt que les ouvriers, […] le raciste plutôt que le migrant, […] le mâle blanc de plus de soixante ans plutôt que la femme noire de plus de cinquante ans ». Aux humoristes, on reproche aussi souvent de tout tourner en dérision. L’autrice voit dans ce grief une résurgence de « la diabolisation du rire qui caractérise l’ère chrétienne ». Si elle plaide pour la distinction entre « rire joyeux » et « rire moqueur » – et se réclame du premier –, elle reste évasive sur la manière de les distinguer : sont cités tour à tour des penseurs qui situent la différence dans l’intention de l’auteur et d’autres qui la placent au contraire dans l’interprétation de l’auditeur, mais cette contradiction n’est pas levée, ni même relevée. Et la balle est renvoyée dans le camp des politiciens. Bien plus problématique que la forte présence des humoristes dans les médias serait la dérive « clownesque » de certain·e·s politiques : « quand le sage joue au clown, le débat de société devient un cirque ». Comme son titre le suggère, le livre de Charline Vanhoenacker traite de l’humour avec humour. Les bons mots et formules piquantes y foisonnent, comme lorsqu’elle synthétise les intentions prêtées par leurs détracteurs aux « humoristes de gauche » : Tous ces qualificatifs sont destinés à nous faire croire que des humoristes nourrissent l’ambition secrète de conduire les chars soviétiques sur les Champs-Elysées et d’y dresser une statue de Lénine en quinoa. Le propos est agrémenté par de nombreux extraits de chroniques radiophoniques et télévisuelles de l’autrice. Ils irriguent le double courant qui traverse le volume – l’explication et la justification – et lui donnent les allures d’une plaisante (auto)anthologie. Aux vannes, citoyens ! est un essai, dans le plein sens…