D’aussi loin qu’elle se souvienne, Fatoumata Fathy Sidibé a toujours été féministe. Ce n’était pas par choix, c’était une évidence. “Poudre de piment”, comme la surnommait sa maman, était portée par un sens aigu de la justice.
Des rues de Bamako aux bancs du Parlement bruxellois en passant par le militantisme, c’est son parcours de femme noire, de culture musulmane, laïque, féministe, militante pour les droits humains que raconte la voix d’une rebelle. On y découvre ses actions menées pour la laïcité, pour les droits des femmes, des personnes LGBTI+, ses combats contre le racisme, les discriminations et les dérives du communautarisme.
Fatoumata Fathy Sidibé est aussi l’une des très rares élues de culture musulmane à Bruxelles à avoir eu le courage de prendre position contre l’islamisme. Ce livre est celui d’une femme qui a la force de ses convictions et le courage de les défendre. C’est aussi un plaidoyer pour la liberté, la dignité, la force de dire non. En 2019, Fatoumata Fathy Sidibé a décidé de quitter l’arène politique après dix ans de mandat parlementaire. Il fallait autant de courage pour sortir de la politique que pour y rentrer.
Fatoumata Fathy Sidibé est une femme noire, de culture musulmane, laïque et féministe qui nous raconte ici son parcours militant pour les droits humains. Très tôt marquée par le contraste des rôles sociaux de l’homme et la femme dans son Mali natal, elle se forge naturellement un caractère de rebelle et de féministe face aux Maliennes prisonnières des traditions et du patriarcatElle arrive en Belgique pour passer son baccalauréat et une licence en journalisme, puis effectue quelques petits boulots avant de s’engager dans le mouvement « Ni Putes Ni soumises », dont elle deviendra la présidente du comité belge en 2006. Telle une amazone, elle ne craint pas de défendre ses convictions et de militer pour des combats qui dérangent : lutte…
Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique
À l’origine, Histoire de ne pas rire est le titre donné en 1956, par Marcel Mariën, qui en est l’éditeur à l’enseigne des Lèvres nues, aux écrits théoriques de Paul Nougé (1895-1967). Au dos de l’ouvrage figure un encart en lettres capitales : « Exégètes, pour y voir clair, rayez le mot surréalisme » . Ce n’était pas la première fois que Nougé prenait ses « distances » avec le mot surréalisme, qu’il avait déjà indiqué plus tôt utiliser simplement « pour les commodités de la conversation » . Il n’en reste pas moins que Nougé, dès l’automne 1924 – et indépendamment de la publication par André Breton du premier Manifeste du Surréalisme – constitue avec Camille Goemans et Marcel Lecomte le trio fondateur des activités surréalistes en Belgique, par l’édition d’une série de tracts ironiques sous le nom de « Correspondance » , visant les milieux littéraires et artistiques, essentiellement français, de l’époque. Si l’on s’en tient à la chronologie, il est donc naturel (comme il en va de même pour le Manifeste de Breton), que l’on commémore en 2024 le centenaire du mouvement surréaliste, qui rayonna durant plusieurs décennies non seulement en France et tout particulièrement en Belgique, mais également en Europe et sur d’autres continents. Deux expositions, l’une au Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (Imagine ! 100 Years of International Surrealism, jusqu’au 21 juillet ) , l’autre à Bozar (Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique) donnent ainsi la possibilité de découvrir les œuvres et le parcours de nombreux artistes, écrivains, poètes qui ont donné au surréalisme en Belgique sa spécificité. L’exposition à Bozar s’accompagne d’un livre d’art, abondamment illustré par des œuvres connues et d’autres beaucoup moins, belle gageure, entourées de documents, d’archives (provenant entre autres des Archives et Musée de la Littérature), et d’une série de textes éclairant certains aspects plus particuliers. Sous la direction de Xavier Canonne , commissaire de l’exposition à Bozar, qui avait déjà signé en 2006 l’imposant volume Le surréalisme en Belgique 1924-2000 (Fonds Mercator), sont ainsi réunis une dizaine de contributeurs et contributrices.Autour de la figure centrale de Paul Nougé, qui pratiqua l’art de l’effacement personnel autant que celui de la controverse maîtrisée, présenté par Xavier Canonne et Geneviève Michel, sont ainsi abordés les prémices dadaïstes (Pansaers, van Ostaijen, van Bruaene, Mesens, Magritte…) par l’un de ses plus anciens connaisseurs, Rik Sauwen, tandis que Paul Aron rappelle les relations complexes qu’entretinrent successivement le groupe de Bruxelles, le groupe surréaliste en Hainaut, le Surréalisme-Révolutionnaire de Dotremont, Les Lèvres nues de Mariën, avec le Parti communiste et l’extrême gauche en Belgique. Comme le souligne Virginie Devillez, ces positions furent régulièrement en divergence avec les orientations du groupe français, réuni autour de Breton, et l’un des premiers à avoir dénoncé sans relâche les procès de Moscou, dès le milieu des années 1930.On reste plus dubitatif sur la présentation par Raoul Vaneigem de la « Section des Piques » du groupe hainuyer, où, revêtu de ses habituelles parures d’ancien Situationniste sorti du fonds du puits, il joue plus abruptement que nécessaire la carte des affrontements internes au surréalisme – oubliant par mégarde sans nul doute, que si Chavée combattit en Espagne, il y fut aussi un commissaire politique stalinien particulièrement orthodoxe dans ses réquisitoires, à l’encontre des anarchistes et des combattants de la gauche non-stalinienne. Si Magritte s’est finalement maintenu à l’écart de tout engagement politique dès les années 1950, le témoignage de Marcel Mariën, décillé à son retour de Chine au milieu des années 1960, sur les réalités meurtrières du « Grand Bond en avant » décrété par Mao, eut toutes les peines du monde à se faire entendre auprès de ses camarades. Par la suite, c’est sous l’impulsion de Tom Gutt et de son « gang » (selon le mot de Scutenaire) qu’une nouvelle génération de surréalistes (Wallenborn, Thyrion, Bossut, Jamagne, Van de Wouwer, Galand, Stas…) contribua à faire exister la relève qu’évoque Philippe Dewolf, un esprit et des activités dont on n’a pas fini aujourd’hui de mesurer la force de frappe.Enfin, l’une des contributions les plus essentielles de cet ouvrage (et de l’exposition) est la présence agissante des femmes et leur rôle, encore trop méconnu aujourd’hui. Patricia Allmer développe ainsi une approche résolument féministe de trois d’entre elles : l’écrivaine (et première femme journaliste engagée au quotidien Le Soir ) Irène Hamoir (1906-1994), et deux peintres, Jane Graverol (1905-1984), cofondatrice avec André Blavier de la revue Temps mêlés , puis des Lèvres nues avec Marcel Mariën, et Rachel Baes (1912-1983). Elle fut très jeune une artiste renommée, avant que la rencontre de Lecomte, Mesens, Magritte, Eluard, n’engage véritablement son travail dans une exploration intime et personnelle des traumatismes de l’enfance.Cet ouvrage solidement documenté au niveau historique, peut s’avérer à certains égards sélectif – sur Paul Delvaux, sur la revue Edda et Jacques Lacomblez, sur André Souris ou Paul Magritte. Mais il se donne à lire à part entière, et pas uniquement comme un complément (utile) à l’exposition. En ces multiples expérimentations, tentatives, échecs et réussites, le surréalisme belge a déployé un état d’esprit où l’insurrection, l’espoir, le désir, la création artistique et littéraire, la « Subversion des images » et des mots, n’ont pas été que vaines paroles balayées par les vents, mais une bouleversante remise en question du réel. Et la tâche est loin d’être terminée. Alain Delaunois En pratique L’exposition Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique est à voir à BOzar jusqu’au 16 juin 2024.Rue Ravenstein 23 – 1000 BRUXELLESDu mardi…
Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures
La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture à l’autre de la raison et aux terres du symbole. « Nous ne faisons pas la poésie. Elle nous fait de nous défaire » écrivait-elle. Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures nous livre de souverains textes inédits choisis par Anne André, Danielle Bajomée et Martine Renouprez, des poèmes à fleur de lave, d’inquiétude, d’un questionnement viscéral, des lettres de sa correspondance avec Maurice Blanchot, avec René Char, avec René Thom, des textes sur les puissances du symbole, accompagnés de photographismes de Claire Lejeune. Le régime de la création est celui de la nudité, de l’extraction hors de la non-vie. Afin de phraser ce qui échappe au monothéisme d’une pensée vertébrée par la Loi — Loi de Dieu, de son substitut, le Père —, il faut inventer une langue-corps, une langue sororale, conquise sur les cendres du divin. « La mémoire de la clé — de l’origyne — s’est perdue, car au nom du Père, sa langue fut coupée, interdite de transmission ».L’entrée en écriture, la conquête d’un soi altéré, diffracté riment avec violence, dépossession, extase mystique sans Dieu, un Dieu confondu pour son imposture. Lire aussi : De la patrie à la fratrie , par Claire Lejeune ( C.I. n° 79) Au travers des extraits de la correspondance avec Maurice Blanchot (une correspondance qui se noua dès 1968 et se prolongea jusqu’en 1994), on mesure toute l’audace d’une entreprise sans équivalent dans les lettres, une démarche radicale qui fut, tout à la fois, poétique, existentielle, intellectuelle, politique. Celle qui porta la blessure immémoriale de la Femme pour la retourner en chant libérateur, celle qui dressa un auto-portrait sous la guise d’une « clandestine, d’une contrebandière de la pensée » fait de la pensée l’instrument de métamorphoses intérieures, d’un recommencement de l’Histoire. Pour gagner une vie supra-individuelle, il s’agit de traverser des seuils, d’être « lourde du Verbe » afin d’« enfanter Le langage ». Réinvention d’une origine barrée et d’une langue mutante, arrachement aux ruines, à la logique des dualismes et délivrance vont de pair. Dans Mémoire de rien, Le Livre de la sœur, Le Livre de la mère, Claire Lejeune défait les héritages mortifères, au fil d’une généalogie où Nietzsche côtoie Lilith, Rimbaud, Héraclite.Au travers de sa poétique sauvage, de l’indompté, du corps soustrait à la tyrannie de l’esprit rationnel, Claire Lejeune nous lègue un vertige de sensible en acte, de concept en mouvement. Comme René Char le lui écrivait dans une lettre de 1966, « Il manquait à la poésie de ce temps une voix pourpre. Nous l’avons désormais ». Véronique…
SKOPOS. Notre futur : l’ordre ou le chaos
Cette fiction intégrant des réflexions de philosophie politique raconte l'aventure de deux grands-pères, croisant par hasard un personnage étonnant, prénommé Skopos. Celui-ci les entraîne dans divers lieux emblématiques où ils rencontrent des hommes…