Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande. Réflexion sur l’autogestion de la vie quotidienne

À PROPOS DE L'AUTEUR
Raoul Vaneigem

Auteur de Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande. Réflexion sur l’autogestion de la vie quotidienne

Né en 1934 à Lessines (Hainaut), Raoul Vaneigem a participé aux activités de l’Internationale situationniste. Son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, paru en 1967, n’a pas été étranger à la naissance et à la radicalité du Mouvement des occupa- tions de mai 1968. Son œuvre s’attache à la critique de la civilisation marchande, qu’il confronte à l’émergence d’une civilisation humaine, fondée sur l’autogestion de la vie quotidienne.

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Le Carnet et les Instants

L’effondrement des valeurs anciennes – patriarcat, autorité, discipline militaire, célébration du sacrifice – a permis que se dégage de la nuit et du brouillard suscités par leur chute une reviviscence de ces aspirations humaines que les assauts de la barbarie n’ont jamais entamées durablement : solidarité, entraide, alliance avec la nature, autonomie, gynocentrisme. Voici un demi-siècle, le Traité du savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Folio éd.) de Raoul Vaneigem en même temps que La société du spectacle (Folio éd.) de Guy Debord marquaient l’irruption fracassante du situationnisme dans la pensée contemporaine. À la fois radicales (anticapitalistes et anticommunistes), prémonitoires (de Mai 68), banalisées (et impuissantes :…


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Nos regards se sont croisés : La scène de la rencontre avec un animal

Parmi les prix qu’elle a décernés en 2021, notre Académie royale de langue et de littératures françaises avait distingué un ouvrage de Pierre Schoentjes, Littérature et écologie. Le mur des abeilles (Corti 2020) . Saluant le lauréat, professeur de littérature française à l’Université de Gand, Yves Namur présentait cet essai comme entendant répondre à la question suivante : «  Comment la littérature s’empare-t-elle des questions environnementales pour penser notre avenir et notre futur ?  ». Il soulignait que l’auteur fondait sa démarche sur une relecture de notre patrimoine littéraire à la lumière de cette question. Pierre Schoentjes nous revient aujourd’hui avec un nouvel essai, Nos regards se sont croisés. La scène de la rencontre avec un animal , se fondant sur la même approche, centrée cette fois sur une thématique plus précise. Pour ce faire, l’auteur revisite des œuvres connues, d’autres plus discrètes, convoquant pas moins d’une septantaine d’auteurs auxquels il mêle d’autres artistes. Parcourant plus de deux siècles, il s’intéresse à la façon dont les écrivains mettent en scène la rencontre entre humains et animaux et plus particulièrement à la description des échanges du regard intervenant entre eux. Elle s’affirme comme particulièrement révélatrice. Un échange les yeux dans les yeux avec un animal est toujours l’occasion d’une interrogation. La scène constitue un moment privilégié qui amène le protagoniste à interpréter avec une attention particulière ce qui se joue entre l’animal et lui. Une communication est-elle possible ?  Dans les nombreux extraits présentés et commentés dans la tradition de l’analyse textuelle, le croisement de regards est toujours intense et il agit sur la vision de la relation avec le règne animal. Ceci vaut pour l’animal domestique, mais aussi pour ceux que l’on élève et abat ou chasse pour se nourrir, pour des espèces proches des humains comme pour d’autres a priori moins attendues comme les insectes ou poissons. Les deux siècles littéraires parcourus et richement illustrés d’extraits commentés permettent aussi de mesurer l’évolution du regard, marquée par celle, continue, des mentalités. Longtemps dominé par la vision de Descartes qui déclarait dans le discours de la méthode (1637) qu’il faut se «  rendre maître et possesseur de la nature  », le sens commun actuel est désormais habité par des notions telles que le bien-être animal ou la défense de l’environnement. Et comme le souligne Pierre Schoentjes, notre rapport aux animaux passe aussi par les livres dans une forme de va-et-vient à propos duquel il nous éclaire.Déclinant la réflexion déjà riche de l’auteur, dont les ouvrages antérieurs s’inscrivent dans le courant plus large de l’écopoétique, voici donc un ouvrage qui en décrit les contours tout à la fois dans l’analyse littéraire et dans les lettres elles-mêmes. Il lui fait une place de choix aux côtés des approches historiques, sociales, psychanalytiques ou anthropologiques. Décidément, la belle aventure de l’écriture littéraire est bien loin d’être terminée. Thierry Detienne Si on excepte les animaux de compagnie, les bêtes sont absentes de la vie quotidienne dans les sociétés occidentales prospères. Or, c’est aussi par le contact direct avec les animaux que nous nous définissons comme humains, par la compréhension de ce qui nous lie à eux et ce qui nous différencie. Cet essai interroge ce lien intime à partir d’une scène présente dans nombre de textes littéraires: la rencontre entre animaux humains et non humains. Basé sur une vaste enquête qui explore le champ littéraire du dernier siècle, ce livre s’efforce de dégager la manière dont l’écriture fait écho à l’empathie qui s’exprime envers les animaux et notamment à l’importance des rencontres comme déclencheurs d’un engagement fort en faveur des droits des…

La parole comme voie spirituelle : Dialogue avec l’Inde

Sandrine WILLEMS , La parole comme voie spirituelle. Dialogue avec l’Inde , Seuil, 2023, 200 p., 19,50 € / ePub : 13,99 € , ISBN : 9782021493276Dans son dernier essai, l’écrivaine, philosophe, psychanalyste et réalisatrice Sandrine Willems nous invite à un décentrement, nous propose un voyage mental, esthétique et conceptuel loin de l’anthropocentrisme qui a façonné l’Occident. S’ils se voient remis en question de nos jours, de l’intérieur de nos sociétés, l’anthropocentrisme de l’Occident et son primat de l’humain ont eu une incidence sur notre perception de la parole réduite à la sphère humaine, confisquée par cette dernière. L’ouverture de l’esprit aux dimensions qui échappent à la raison se fait sœur d’une expérience de la spiritualité qui, afin de ne rester murée dans l’indicible, doit se mettre en quête d’un langage, plus exactement d’une parole qui puisse en rendre compte. Éblouissant essai sur les diverses visions de la parole, sur sa nature, son origine, son statut, ses effets, réflexions sur les puissances, les ressources, les mystères qu’elle détient, La parole comme voie spirituelle. Dialogue avec l’Inde nous convie à une rencontre avec l’Inde ancienne. Sandrine Willems porte à la lumière la manière dont la spiritualité indienne envisage la parole comme une énergie qui transit toutes les formes de l’être et de la vie, de l’animal au végétal ou au minéral, du divin à l’humain. L’affirmation d’une continuité entre humains et non-humains se traduit dans une pensée qui, loin des dualismes de l’Occident et de leurs conséquences, envisage les échos, les correspondances entre les entités et le Tout, entre les existants et le cosmos.S’appuyant sur les textes fondateurs de l’hindouisme et les différents courants de pensée indienne, des Védas aux Tantras, de la Bhagavad-Gita aux Upanishads , de l’épopée sanskrite Mahabharata au recueil Yoga Sutras , Sandrine Willems propose la conjugaison d’une voie esthétique et d’un chemin spirituel. À partir de la pratique du yoga qu’évoque l’autrice, de la découverte de la musique indienne, des mantras qui pulsent le chant, l’essai explore les enseignements de l’hindouisme et du bouddhisme, leurs puissances thérapeutiques, la gémellité entre exploration intérieure et expression esthétique, l’ouverture à une écoute qui libère la parole, la vie des critères de l’utilité et du savoir. Au cœur du texte, une mort, celle de la mère, une crise sanitaire, une pandémie, symptôme d’une crise du système. Se tenant dans une région qui abolit et transcende la division entre théorie et pratique, la pensée indienne s’offre comme une alternative à l’effondrement d’un système capitaliste mondialisé lié à une vision du monde. Non pas une panacée mais une autre voie. Affin au continuum entre affect et concept, entre pensé et vie qui sous-tend la pensée indienne comme il vertèbre les philosophies de l’immanence de Spinoza à Deleuze ou certains corpus des mystiques, le corps du texte est transi par une parole qui le dépasse, qui l’excède, qui, faisant l’épreuve de noces entre non-maîtrise et laisser-être, transforment autant la scriptrice, l’autrice que les lectrices et lecteurs. Lorsque la poésie fait résonner l’homme et le non-humain, elle rejoint la résonance que visait la musique, le dhvani (…) L’affect cette fois n’est plus causé par le monde, mais par quelque chose qui le dépasse.  Les cheminements dans les textes, les œuvres de Plotin, de mystiques, de Maître Eckhard, de Lacan, de Heidegger, de John Cage, la subtilité des rapprochements, des frottements idéels entre Rabindranah Tagore, Bataille, Foucault, Deleuze s’emportent dans les mouvements d’un texte derviche tourneur qui épouse une parole perçue comme une énergie, un souffle, une expérience inscrite dans un rapport au sacré. Point d’ombilic du sacré, la parole, son nouage entre sens et sons, son espace où respire le silence, produisent des effets thérapeutiques, sont dotés d’effets performatifs : la conception de l’Inde rejoint celle de la psychanalyse fondée sur les vertus de la cure par la parole. Les passerelles entre la parole védique et l’idéalisme allemand, entre des textes mystiques et philosophiques occidentaux et la pensée indienne, l’analyse de la conception heideggérienne du Quadriparti,  de la poésie conçue comme reliance entre la terre et le ciel, les humains et les dieux, comme l’expression d’une quasi-identité entre le Denken, le penser et le Danken , le remerciement forment autant de scansions d’une réélaboration  spirituelle de la vie. Laquelle passe par la vivification de la parole. Véronique Bergen Plus d’information Loin de l’anthropocentrisme qui depuis quelques siècles règne en Occident, dans l’Inde ancienne la parole est tenue pour une force qui irrigue toutes les strates de l’être, de l’élémentaire au divin en passant par le végétal et l’animal. Au lieu de nous séparer du non-humain, elle devient alors ce qui nous y relie – tout en se reliant elle-même aux bruissements du monde non moins qu’à la musique. Dans cette perspective, le chanteur s’accorde aux oiseaux, le poète révèle les correspondances qui unissent l’infime au large, et le cœur de l’homme coïncide avec celui de l’univers. L’Inde vient par là nous rappeler qu’un cheminement spirituel peut prendre la forme d’une quête esthétique. Le dépassement de l’égocentrisme n’y passe plus par l’impératif de se rendre utile, mais par une joie devant la beauté qui, comme la vie, se donne pour rien. Nourrie par la pratique du yoga, du chant classique de l’Inde et des mantras, cette interrogation revient aux textes fondateurs de différents courants de pensée indiens, des Védas aux Tantras. Et elle les met en résonance avec certains mystiques et philosophes occidentaux, comme avec des thérapeutes de l’âme qui en appellent aussi à la puissance de la parole.…

De fer et de verre. La Maison du Peuple de Victor Horta

Pour les Bruxellois branchés du vingt-et-unième siècle, la Maison du Peuple est un bar ouvert sur le Parvis Saint Gilles ; pour les aînés, un édifice du quartier de La Chapelle qu’ils ont peut-être fréquenté, une Maison rouge ; pour les amateurs et les férus d’architecture, un bâtiment public, chef-d’œuvre de l’Art nouveau, né du talent Victor Horta à la demande du Parti Ouvrier Belge à la fin du dix-neuvième siècle et l’exemple type de la brutalité des spéculations immobilières, de la mémoire défaillante des hommes et de l’inconséquente bruxellisation. Pour beaucoup, elle n’est pas même un souvenir. L’intérêt de Nicole Malinconi pour l’histoire de ce bâtiment inauguré en 1899 en présence de Jean Jaurès et détruit en 1965 s’éveille lors de l’écriture de textes brefs sur les choses démolies ou en cours de démolition à Bruxelles. Elle qui, depuis Hôpital silence , écrit au risque de et contre la perte est touchée par ce destin. Plus elle approfondissait sa connaissance de la Maison, plus son écriture s’ouvrait, accueillait. Advenait. Et elle d’en écrire l’histoire presque comme si c’était celle d’une personne («  on peut dire qu’elle en avait vu des choses et connu des hommes  »). De l’inscrire dans l’histoire de la Belgique, du mouvement socialiste belge, de ses trahisons aux ouvriers, des deux guerres mondiales, des grèves de soixante… À lire aussi : un extrait de  De fer et de verre La vie de la Maison du Peuple commence vingt ans avant sa conception, sur un constat : les plus pauvres sont floués sur la qualité du pain, d’autres s’enrichissent à leurs dépens. Pour y remédier, une coopérative est fondée, très vite devenue prospère. Pour continuer ces activités boulangères et d’autres, une Maison du Peuple est créée dans l’ancienne synagogue de la rue de Bavière. Le succès est vif ; les projets de coopératives se multiplient, le café déborde de monde. Il faut un édifice plus grand encore. Le Parti Ouvrier belge se met à rêver d’un bâtiment à la grandeur des besoins du peuple, qu’il s’agisse des nécessités alimentaires, vestimentaires, intellectuelles – l’instruction et la culture font partie des préoccupations du Parti. Il achète un terrain exigu, irrégulier, en pente dans la rue Stevens et demande à Victor Horta, architecte dont la vision moderne des matériaux est déjà réputée, de dessiner cette maison grandiose. Celui-ci l’imagine tel un « palais ». Un palais pour la classe ouvrière qui respectera l’organisation des coopératives. Un palais de quatre étages avec ateliers, bureaux, café, magasins, salle d’assemblées politiques, culturelles et festives. S’y tiendront les grands débats de société (l’affaire Dreyfus, le suffrage universel…), les grands combats socialistes, politiques, pacifistes… Nicole Malinconi raconte ces événements historiques avec la même sensibilité que les plus petites choses, comme ces femmes qui, lors la première guerre mondiale, transformaient les sacs de farine en taies d’oreiller, serviettes… ou brodaient des remerciements aux villes américaines bienfaitrices. Lorsque son récit aborde les abymes de la seconde guerre mondiale, elle s’éloigne pas à pas de la rue Stevens et nous emmène dans le proche et populaire quartier des Marolles, terre d’accueil et d’exil des Juifs de l’Est…Avec De fer et de verre , Nicole Malinconi ajoute une dimension historique à son écriture (déjà ébauchée dans Un grand amour ). Elle reste, cependant, au plus près du réel, fidèle aux «  mots les plus simples, les mots de tout le monde  » [1] . Si elle s’est nourrie d’entretiens et de lectures, que son récit suit la ligne du temps de l’histoire officielle, elle a écrit ce livre, tout autant que ses prédécesseurs, dans la nuit blanche du savoir. Du manque, du vide, des mots ont surgi. Des mots qui ravivent l’humanité souvent absente des essais historiques. Alors, nous, lecteur, lectrice, assistons à la création de la Maison du Peuple par Victor Horta. Souffrons des blessures qui lui sont infligées chaque fois qu’elle est transformée sans même demander son avis. Nous vivons dans ses murs, regardons par ses fenêtres. Notre présent est historique. Sans dialogue aucun ni reconstitution romanesque, nous entendons parler le peuple, le voyons vivre. Ressentons ce qu’ont vécu ces êtres de chair, de sentiments, d’opinions ; cette Maison de fer et de verre détruite sans l’once d’un état d’âme malgré la résistance d’une partie de l’opinion belge et internationale. Nous sommes blessé.e.s de sa mise au rebut, de ses restes rouillés, volés, revendus. Quelques vestiges ont pu être sauvés et restaurés. Ils garnissent la station de métro Horta à Bruxelles, le Grand Café Horta d’Anvers. Piètre dédommagement… Par bonheur, le livre de Nicole Malinconi pourra désormais servir de mémoire vive à cette histoire là. Magnifique consolation. Michel Zumkir   [1] Pierre PIRET , Introduction à Que dire de l’écriture ? de Nicole Malinconi , Lansman, 2014.…