Nos regards se sont croisés : La scène de la rencontre avec un animal

RÉSUMÉ

Si on excepte les animaux de compagnie, les bêtes sont absentes de la vie quotidienne dans les sociétés occidentales prospères. Or, c’est aussi par le contact direct avec les animaux que nous nous définissons comme humains, par la compréhension de ce qui nous lie à eux et ce qui nous différencie. Cet essai interroge ce lien intime à partir d’une scène présente dans nombre de textes littéraires: la rencontre entre animaux humains et non humains. Basé sur une vaste enquête qui explore le champ littéraire du dernier siècle, ce livre s’efforce de dégager la manière dont l’écriture fait écho à l’empathie qui s’exprime envers les animaux et notamment à l’importance des rencontres comme déclencheurs d’un engagement fort en faveur des droits des animaux et de l’écologie au sens large.

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Le Carnet et les Instants

Parmi les prix qu’elle a décernés en 2021, notre Académie royale de langue et de littératures françaises avait distingué un ouvrage de Pierre Schoentjes, Littérature et écologie. Le mur des abeilles (Corti 2020). Saluant le lauréat, professeur de littérature française à l’Université de Gand, Yves Namur présentait cet essai comme entendant répondre à la question suivante : « Comment la littérature s’empare-t-elle des questions environnementales pour penser notre avenir et notre futur ? ». Il soulignait que l’auteur fondait sa démarche sur une relecture de notre patrimoine littéraire à la lumière de cette question.Pierre Schoentjes nous revient aujourd’hui avec un nouvel essai, Nos regards se sont…


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L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar

Tanguy DE WILDE D’ESTMAEL (dir.), L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar , Avant-propos de Jacques De Decker, Presses Universitaires de Louvain, 2018, 114 p., 14,50 € / PDF : 9,99 €, ISBN : 978-2-87558-728-2 Actes de la journée qui s’est tenue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique le 19 décembre 2017 à l’occasion du trentième anniversaire de la disparition de Marguerite Yourcenar, L’écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar interroge le rapport de l’auteure de Mémoires d’Hadrien, L’œuvre au noir, Le coup de grâce au politique. Un rapport de prime abord peu évident tant il est médié par le souci de l’universalisme. Jacques De Decker qui signe l’avant-propos, Bruno Blanckeman, Michèle Goslar, Tanguy de Wilde, Luc Devoldere dégagent la spécificité de Yourcenar, à savoir un détachement, une méfiance envers la politique (en tant que gestion des affaires humaines) et un intérêt omniprésent pour le politique. Cet intérêt se traduit doublement, au niveau de son œuvre et au niveau de sa vie, notamment au travers de ses engagements écologiques à une époque où seuls quelques visionnaires, des décennies avant le réchauffement climatique qui frappe la planète, alertaient sur la crise environnementale, la sixième extinction des espèces animales, la déforestation, le saccage des écosystèmes et de la biodiversité. Au travers des six interventions (Bruno Blanckeman, Francesca Counihan, Luc Devoldere, Michèle Goslar, Alexandre Terneuil, Tanguy de Wilde), deux champs de questionnement se dessinent : d’une part, «  le grand livre du politique  » (Bruno Blanckeman) qu’est Mémoires d’Hadrien (1951), chef d’œuvre qui, dans une vision rétrospective à vertu prospective, sonde l’empire d’Hadrien, plonge dans le passé afin de proposer des schèmes d’intelligibilité, des modèles politiques à l’exercice du pouvoir après la Deuxième Guerre mondiale, d’autre part, la pensée écologique que, pionnière, Yourcenar a déployée dans ses romans, ses essais. Comme l’évoque Michèle Goslar, ses préoccupations se déplaceront de l’histoire à la géologie, de l’homme à la Terre : si «  elle a constamment dénoncé les brutalités à l’égard des bêtes, la pollution des eaux, de la terre et des airs, elle alerta une des premières sur les risques de percement de la couche d’ozone, milita contre l’abattage des jeunes phoques au Canada (…), fustigea la destruction des forêts, les dangers de l’industrialisation (….), la production de l’inutile et des gadgets  ».Méditations sub specie aeternitatis sur un modèle de gouvernance avec l’empereur Hadrien, interrogations sur la tension entre «  idéal et principe de réalité  » (Bruno Blanckeman) dans l’exercice du pouvoir… Yourcenar éclaire le présent, ses apories, par sa confrontation avec un passé antique, avec le passé de la Renaissance ( L’œuvre au noir ) ou l’Italie mussolinienne ( Denier du rêve ) autant qu’elle réinterprète le jadis par l’éclairage que lui procure notre présent. Dans ce jeu sur des temporalités éloignées qui se croisent, l’Histoire, sa mémoire se voient ressaisies sous la focale intemporelle d’une vision métaphysique des âges de l’humanité et de la Terre.Deux figures se découpent dans son œuvre : l’empereur Hadrien en qui se condense la quête du dirigeant à la hauteur de sa tâche (creusement de la question platonicienne «  quel individu fera un bon gouvernant pour les autres hommes ?  ») et Zénon comme figure de résistance à l’intolérance, à l’entreprise de domestication du monde, une entreprise prométhéenne d’apprentis sorciers qui mena à la dévastation actuelle de la Terre. Au travers de Zénon, Yourcenar met en garde ses contemporains et les générations futures contre le pouvoir de destruction que l’homme exerce sur lui-même et sur les formes du vivant. «  L’homme est une entreprise qui a contre elle le temps, la nécessité, la fortune, et l’imbécile et toujours croissante primauté du nombre (…) Les hommes tueront l’homme  » ( L’œuvre au noir ).Nous avons, depuis lors, été sourds aux cris d’alerte lancés par Yourcenar et d’autres sentinelles de la lucidité. Celle qui milita et mit en garde contre les conséquences planétaires délétères d’une métaphysique occidentale au sein de laquelle l’homme, «  maître et possesseur de la nature  » (Descartes), est «  le prédateur-roi, le bûcheron des bêtes et l’assassin des arbres  » (Yourcenar), celle qui s’inquiétait de la possibilité grandissante «  de la destruction de la Terre elle-même  » ne pourrait qu’exprimer son désespoir si elle revenait, le temps d’une permission, sur une planète dévastée, ayant perdu en quarante ans et continuant de perdre à un rythme accéléré ses forêts, soixante pourcents des espèces animales, dans une détérioration assassine de l’Indice Planète…