Le livre que l’on s’apprête à lire est tiré d’une des premières thèses de doctorat consacrées à la littérature francophone de Belgique. Brillamment soutenue à l’Université de Liège en 1971 par Jean-Marie Klinkenberg, cette thèse portait sur le premier chef-d’œuvre de la littérature en question, paru à la toute fin de l’année 1867 : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs. Au cœur de l’enquête se trouve un phénomène qui avait depuis longtemps retenu l’attention de la critique mais qui n’avait jamais été examiné à la loupe : le style archaïsant de Charles De Coster. Loin d’être un ornement pittoresque, à la façon de la « couleur des temps » dont les romantiques aimaient à habiller leur Moyen Âge de convention, c’est ici une nécessité. Pour Klinkenberg, le style de la Légende « n’existe pas indépendamment de l’archaïsme », idée qu’il résu-mera par un aphorisme : « Chez De Coster, le style c’est l’archaïsme. » Le caractère condensé de la formule (qui est bien sûr un clin d’œil au cé-lèbre mot de Buffon) ne doit pas tromper sur la marchandise : il ne s’agit nullement de réduire l’œuvre-maîtresse de De Coster à ce qui pourrait passer pour un procédé, mais bien plutôt de souligner l’omniprésence de l’archaïsme dans la vaste « manœuvre stylistique » qu’est la Légende d’Ulenspiegel. C’est sa place de l’Étoile, le centre à partir duquel rayonnent les autres faits et effets de langue.
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…
Ce que cherche inlassablement Jean Lejour dans ses aquarelles, c'est sa vérité à lui…