François SCHUITEN et Benoît PEETERS , Le retour du capitaine Nemo , Casterman, 2023, 96 p., 26 € , ISBN : 9782203254398La manière dont une créature hybride, amphibie, mi-animale, mi-machinique apparaît dans cette nouvelle aventure des Cités Obscures , la façon dont elle sort des eaux et gagne la ville de Samarobrive-Amiens décrit précisément les modalités qui ont permis au Retour du capitaine Nemo de surgir, au terme d’une gestation organique, quatorze années après la parution de Souvenirs de l’éternel présent , dernier album des Cités Obscures . L’univers et l’imaginaire profondément verniens de François Schuiten et de Benoît Peeters accueillent à bord d’un vaisseau graphico-textuel des passagers déjà mis à l’honneur dans les Cités Obscures , à savoir le capitaine Nemo, sombre héros, commandant du sous-marin Nautilus, l’auteur de Vingt mille lieues sous les mers , les territoires mi-réels, mi-oniriques qui composent la géographie fictionnelle des Cités Obscures (la mer des Adieux, les falaises de Tirus, le Mont Analogue, Brüsel, Blossfeldtstad, Pâhry, Brentano…). Splendeur hypnotique, inquiétante, troublante des dessins en noir et blanc, s’étirant sur une pleine page de François Schuiten, nouveau destin apporté au personnage du capitaine Nemo sous la plume inspirée et le récit audacieux de Benoît Peeters… l’ouvrage surgit littéralement à la manière dont jaillit le Nauti-poulpe, cet être hybride qui, doté de l’intelligence des poulpes et d’un mécanisme machinique, transporte un mystérieux voyageur amnésique qu’il mène avec une détermination infaillible vers la ville où mourut Jules Verne, Amiens-Samarobrive. Dans cet album somptueux qui, déterritorialisant la bande dessinée comme le tandem n’a cessé de le faire, sacre le retour de nos deux capitaines Nemo, le héros amnésique sert de fil conducteur à une interrogation sur la porosité entre réalité et imaginaire, entre science et fantastique, sur les arcanes de la création et la reconquête de l’identité perdue. Grands inventeurs de mondes parallèles, de villes imaginaires biomorphiques, totalitaires, ruinées ou minéralo-végétales, Benoît Peeters et François Schuiten redonnent vie tout à la fois à Jules Verne, pionnier des romans fantastiques, de science-fiction, et à un capitaine Nemo halluciné qui nous donne à entendre le mouvement d’anamnèse auquel il se livre afin de savoir qui il est.Avec cet album rétro-futuriste, scandé par des dessins minutieux au style hachuré où s’élancent des tours, des trains, des villes enneigées, des cathédrales, des érables géants, le Palais des Trois Pouvoirs de Brüsel, des pitons (des éléments souvent tout en verticalité), les éditions Casterman deviennent les éditions Jules Hetzel de notre temps.Dans ce voyage dans le temps et dans l’espace, traversant des trous de ver reliant des univers hétérogènes, le capitaine Nemo vit à cheval entre les souvenirs de son passé, le naufrage du Nautilus, et un présent dévoré par l’amnésie. Ce poulpe étrange est comme un nouveau sous-marin, un autre Nautilus… Un Nauti-poulpe, voilà ! Sa détermination m’impressionne.Les hommes, eux, semblent toujours aussi fous. Ces navires démesurés sont plus terrifiants que ceux d’autrefois… Mais le Nauti-poulpe est agile et puissant. Malheur à ceux qui sen prendraient à lui ! La perte de mémoire qui frappe le personnage se lève peu à peu, le flou identitaire cède la place aux retrouvailles avec soi. Au fil d’une introspection méditative, le capitaine Nemo rejette la pensée dualiste qui était la sienne, assise sur la séparation entre l’homme et l’animal, entre l’humain et la nature. Le réveil à soi coïncide avec une mutation dans la manière de concevoir la cohabitation entre l’humain et les autres formes du vivant : « moi qui, comme tant d’autres, considérais ces poulpes gigantesques comme des monstres… ». Doté d’une intelligence vive, d’une force de locomotion en phase avec sa puissance d’esprit, se servant de ses huit bras de façon indépendante, prenant soin de son passager, le nourrissant, le Nauti-poulpe mène la danse de cette odyssée dont le capitaine Nemo et les lecteurs sont les spectateurs médusés. Dans le finale, la reconnexion du personnage et de son histoire donne lieu à une métamorphose formelle et narrative, à l’apparition de dessins en couleurs divisés en vignettes. En complément à cet album hanté, d’une maestria absolue, qui tresse les obsessions et leitmotivs des Cités Obscures au royaume vernien, figurent les dessins réalisés par François Schuiten pour illustrer le roman d’anticipation posthume de Jules Verne, Paris au XXème siècle .Avec leur capitaine Nemo revisited, François Schuiten et Benoît Peeters signent un chef-d’œuvre. Véronique Bergen Plus d’information Un être hybride émerge des eaux. À la fois créature animale et engin sous-marin, le Nauti-poulpe abrite à son bord un homme amnésique. Où l'emmène ce petit vaisseau qui arpente des lieux plus ou moins familiers ? « Capitaine, j'étais capitaine... Je suis le capitaine Nemo. » Porté par d'impressionnantes images en noir et blanc, le récit nous fait suivre le héros des romans de Jules Verne Vingt Mille Lieues sous les mers et L'Île mystérieuse, à qui Schuiten et Peeters imaginent un nouveau destin. Dans ce très beau livre se mêlent la bande dessinée, le récit illustré et l'histoire de Verne lui-même, installé dans la ville d'Amiens où sera bientôt érigée une monumentale sculpture en bronze du Nauti-poulpe. Les auteurs des Cités Obscures font ainsi revivre…
Noah est amoureux d’Alex, une jeune femme très sûre d’elle. Même s’ils passent du bon temps ensemble, Alex…
Martin et Thomas, deux amis d'enfance, se retrouvent par hasard alors qu'ils…
Thierry BELLEFROID , Comès. D’Ombre et de Silence , Casterman, 2020, 145 p., 29 € / ePub : 19.99 € , ISBN : 978-2-203-18379-7Corbeaux, chouettes, chats, homme-cerf, paysages enneigés, personnages marginaux anguleux, rites d’initiation, génie du silence graphique mettant en scène la Bataille des Ardennes, les sombres conflits entre villageois, la mise à mort des êtres différents… Quarante ans après la parution de l’album Silence , le chef-d’œuvre de Comès , à l’occasion de la souveraine exposition Comès au musée BELvue à Bruxelles dont il est le co-commissaire avec Éric Dubois, Thierry Bellefroid consacre un essai magistral à ce créateur hors norme décédé en 2013. Que l’œuvre de Dieter Comès né en 1942 à Sourbrodt dans les cantons de l’Est se doive d’être lue à partir de l’existence de ce maître absolu de la bande dessinée belge, Thierry Bellefroid le déploie avec passion et finesse. Au fil des pages rythmées par les dessins de Comès, l’ouvrage nous immerge dans un univers hanté par le non-dit, les forces invisibles, le surnaturel, la magie des forêts, le climat fantastique. Du Dieu vivant (1974) au Dix de der (2006) , Comès créera onze albums évoluant d’un style virtuose, en phase avec les couleurs psychédéliques des seventies, proche de Philippe Druillet, à la décantation de formes menant de l’archipel de la couleur à l’alchimie du noir et blanc dont Comès est l’un des sorciers incontestés. Après les femmes-fleurs, les hommes-papillons, les voyages galactiques d’un space opera initiatique truffé de références cabalistiques, Comès qui fut aussi musicien de jazz, percussionniste, emprunte un premier tournant esthétique avec L’ombre du corbeau qui évoque, comme il le fera dans son dernier album Dix de der , la guerre 14-18 qui fit rage dans les Ardennes. Sous l’influence d’Hugo Pratt avec qui il nouera une fidèle amitié, son style s’épure. Après Tardi, il raconte les tranchées, la boucherie du front. Dans un climat fantastique, confronté à des incarnations de la mort, un soldat allemand erre dans les limbes. Comès y tente une nouvelle grammaire, s’accommodant une fois de plus de la contrainte de la couleur mais décidant d’innover ailleurs, dans la mise en scène, dans l’architecture de la page, dans la rythmique .Thierry Bellefroid analyse la nature du virage, expose l’importation de la grammaire du cinéma dans la bande dessinée (panoramique, zoom avant, zoom arrière…), la synthèse des arts que produit l’artiste. Comès allie les instruments du cinéma à la narration graphique, mais, par-dessus tout, il explore les vertus du silence, ce silence des planches avec cases muettes qui l’a fasciné chez Hugo Pratt, ce passage à l’Œuvre au noir et au blanc qui renvoie au silence de son enfance marquée par la guerre, au père germanophone enrôlé dans l’armée allemande, à son mutisme lors de son retour du front russe. Coup de maître en 1980 avec Silence , une fable poétique sur fond de paysages ardennais, autour de Silence, un jeune homme à part, muet, déclaré attardé, au regard reptilien, proche des animaux qu’il magnétise, en butte à la méchanceté d’Abel Mauvy qui l’exploite. Amour interdit avec la sorcière, violence des villageois à l’égard de ceux qui sont différents — Silence, les gitans, les nains… —, arcanes révélant les voies de passage entre la vie et la mort… Silence, l’exclu du langage, soulève une œuvre qui explore des formes d’échange non verbales, mystiques, animistes.L’empreinte du mystère, des dissociations de la personnalité, de notre part sauvage muselée par la société, des fantasmes, de l’onirisme domine La belette , le thriller psychologique Eva sur lequel planent les ombres de Hitchcock, de Klaus Nomi, L’arbre-cœur soulevé par des audaces graphiques qui réinventent le style… Comès ne nous parle pas de sorcellerie, d’envoûtements, de magie noire dans des campagnes reculées : magicien, il accomplit graphiquement des rites incantatoires, des sortilèges, s’attachant à des êtres en marge du système, plus proches du monde animal, végétal, minéral que de la société des humains qui les rejette.Magnifique voyage dans l’univers de Comès, Comès. D’Ombre et de Silence convoque aussi les témoignages de personnes qui l’ont connu, Hugues Hausman, François Schuiten, Benoît Peeters, Didier Platteau, Micheline Garsou, Christophe Chabouté… Le livre refermé, on rêve que, sept ans après la mort de Comès, le scénario de La maison où rêvent les arbres se concrétise : « Un jour, les arbres se révoltent contre l’homme et leurs rêves engendrent des ptérodactyles, des crocodiles, qui agressent l’homme parce qu’il a rejeté la communion qui le liait à la nature, l’homme a rejeté la mémoire du bois. Les livres commencent à rejeter l’encre ».À l’occasion de l’exposition Comès. D’Ombre et de Silence au musée BELvue (jusqu’au 3 janvier 2021, Fonds Comès de la Fondation Roi Baudouin), Casterman publie Ergün l’errant (réunissant ses deux premiers albums Le dieu vivant et Le maître des ténèbres ), Comès, les romans noir et blanc, 1976-1984, Comès, les romans noir et blanc, 1987-2006. Véronique Bergen Lire Silence ou La Belette, c'est entrer dans un monde où l'on sent qu'auteur et création se confondent. Un monde dont le silence lui-même est une composante essentielle. Comprendre la personnalité de Comès, comprendre d'où il vient, aide à comprendre son art. En suivant cette intuition, Thierry Bellefroid a rencontré les témoins de l'éclosion d'un homme et de son oeuvre : amis de longue date, auteurs, éditeurs, musiciens, membres de la fratrie et de la famille, compagnes. Ce livre met en lumière l'aspect intemporel du travail de Comès, son souci de mise en avant des marginaux et ses interrogations existentielles. Le monde rural, la nature et la sorcellerie ne sont toutefois pas occultés. Son meilleur ami Hugo Pratt et ses complices du magazine (À Suivre) - José Muñoz ou François Schuiten -, permettent de comprendre, entre autres,…
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